L’édito de Fabrice Grosfilley : le budget, question centrale escamotée
Comment affronter la question de l’endettement et du retour à l’équilibre budgétaire ? C’est la question que pose frontalement François Bayrou à la classe politique et aux citoyens français. Faut-il prendre des mesures drastiques et impopulaires, assumer une période de casse sociale, ou au contraire éviter les à-coups, vouloir gérer le problème sur la durée, avec le risque de ne jamais réduire l’endettement et le déficit ?
François Bayrou a clairement choisi la manière forte : un effort de 43 milliards d’euros à fournir en 2026, dont 30 milliards d’économies et 13 milliards de recettes nouvelles ou supplémentaires. Dans la panoplie de mesures annoncées : le gel pendant une année de l’indexation des pensions et des allocations sociales, la suppression de deux jours fériés, une assurance maladie qui ne couvrirait pas les 100 premiers euros de dépenses médicales de chaque Français, et la suppression d’une série de niches fiscales qui profitent aux ménages les plus aisés et aux grandes entreprises.
Ce programme, François Bayrou le présentera dans un discours à l’Assemblée nationale aujourd’hui à 15 h. Comme il ne bénéficie pas d’une majorité parlementaire pour le soutenir et que tous les groupes d’opposition ont dit tout le mal qu’ils pensaient de son projet, le Premier ministre risque d’être contraint à la démission en fin de journée. Le vote est prévu vers 19 h. Après Michel Barnier en décembre dernier, ce serait le deuxième Premier ministre incapable de tenir son poste plus de quelques mois, une instabilité assez nouvelle dans l’histoire de la Vᵉ République. Une conséquence directe de la dissolution voulue par Emmanuel Macron en juin dernier, qui n’a pas permis de dégager une majorité parlementaire suffisamment cohérente. Cerise sur le gâteau de l’instabilité : un mouvement social, annoncé pour mercredi, qui veut tout bloquer et risque de mettre la France économique à l’arrêt.
Ce qui se passe en France est intéressant à observer, vu de Bruxelles. Pas seulement parce qu’on voit les Français découvrir le charme d’assemblées multicolores et de l’obligation de compromis qui va avec. Mais aussi parce que la question de la dette et du désendettement est cruciale chez nous également. Au niveau fédéral, il faut conjuguer effort de défense et trajectoire de désendettement. L’objectif du gouvernement fédéral est de ramener le déficit budgétaire à 3 % du PIB. On parlait d’un effort de 20 milliards, il faudra peut-être faire le double. « Zéro impôt nouveau », clame régulièrement le Mouvement Réformateur. Mais un budget sans regarder du côté des recettes n’est pas réaliste, a déjà prévenu le ministre des Finances, le N-VA Jan Jambon.
Et il n’y a pas que le niveau fédéral qui est concerné par la question du désendettement et du rétablissement de l’équilibre budgétaire. Cette problématique vaut aussi pour la fédération Wallonie-Bruxelles et la Région bruxelloise. Faut-il revenir à l’équilibre en cinq ans, sept ans ou dix ans ? Qu’accepte-t-on de sacrifier, ou pas, en termes de construction de logements, de soutien aux associations de terrain ou dans les allocations familiales, pour atteindre cet objectif ? C’est un vrai débat de fond. Et derrière la question de savoir s’il faut gouverner avec ou sans la N-VA, avec ou sans l’Open VLD – ce qui donne des coalitions plus ou moins à droite ou plus ou moins à gauche –, c’est aussi la politique budgétaire qui est en jeu. Mais, bizarrement à Bruxelles, à la différence de la France de François Bayrou, on se concentre sur la question des coalitions. Et si la question budgétaire est bien sous-jacente, sur la place publique, on n’en débat pas.





