L’édito de Fabrice Grosfilley : sommes-nous encore capables de débattre ?

Sommes-nous encore capables de débattre ? C’est la question que j’ai envie de nous poser ce matin. Débattre, cela veut dire écouter les arguments de l’autre, accepter de les entendre et y réfléchir. Pouvoir reconnaître qu’ils sont pertinents, le cas échéant, et donc modifier son propre point de vue.

J’ai eu envie de poser cette question après avoir regardé quelques minutes d’un débat de rentrée, hier soir, sur RTL-TVI. Cinq présidents de partis, tous des hommes, qui s’interpellent, s’invectivent, croisent le fer. C’est viril et spectaculaire, mais ce n’était absolument pas un débat, si l’on veut retenir du mot « débat » une définition qui ne se réduise pas au pugilat.

Sommes-nous capables de débattre ? J’ai aussi envie de poser cette question à propos des échanges désormais très tendus entre majorité et opposition, par exemple à Molenbeek. Les affrontements entre Saliha Raïs et certains conseillers du Mouvement réformateur sont particulièrement agressifs. Et l’on rappellera qu’un débat suppose des règles. Attaquer la personne plutôt que ses idées, ou tenir des propos racistes, n’en font pas partie. Et ce qui se passe à Molenbeek se retrouve aussi dans d’autres communes.

Sommes-nous capables de débattre de l’avenir de la Région bruxelloise, de la présence et de la coexistence des différentes communautés qui composent la ville : francophones, néerlandophones, populations d’origine immigrée — qu’il s’agisse de la première ou de la cinquième génération —, fonctionnaires européens, zinnekes en tout genre qui peuvent se revendiquer d’identités multiples ou superposées ?

Et enfin : est-ce que le monde politique bruxellois est encore capable de débattre ? Et dans ce cas, donnons au verbe « débattre » le sens d’être capable non seulement d’échanger des arguments, mais aussi de cheminer ensemble vers une solution. Depuis quinze mois, nos hommes et nos femmes politiques ne donnent pas le meilleur des exemples sur cette question-là.

Sommes-nous encore capables de débattre ? La question nous concerne tous. Nous, les journalistes, qui voulons que la prise de parole des uns ou des autres se limite à vingt secondes, ce qui facilite la punchline mais handicape le raisonnement. Nous, qui mettons en avant le plus spectaculaire, ce qui provoque engagement et émotion un jour, mais sera oublié le lendemain. Les algorithmes, bien sûr, qui fonctionnent sur le même principe : favoriser le clash et la colère, la réaction instantanée, sans jamais prendre le temps d’étudier le contexte, et en allant toujours plus vite d’une polémique à la suivante.

Responsables aussi, les politiques qui entrent dans ces courses effrénées et se satisfont fort bien de ces buzz éphémères, qu’ils importent jusque dans les travées parlementaires.  Et responsables aussi, un peu, les citoyens, qui se laissent faire. Pour débattre, il faut s’informer. Cela demande peut-être un effort. Pas un gigantesque effort. Mais au moins le sens de l’écoute. S’arrêter deux secondes, écouter, réfléchir. Ne pas stigmatiser celui ou celle qui ne pense pas comme nous. Ne pas vouloir avoir raison à tout prix. Reconnaître que l’on peut s’être trompé.

Dans ce monde de 2025, il faut prendre conscience que rien ne favorise cela. Il faut peut-être que nous ayons, les uns et les autres, la discipline de nous imposer l’exercice. Avoir un peu d’humilité pour être capables de redonner un peu d’air, et un peu de respectabilité, à tous nos débats. Et avoir conscience que, quand un peuple ou ses dirigeants ne peuvent plus débattre, ils entrent en guerre.

BX1
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