L’édito de Fabrice Grosfilley : va-t-en guerre

En Ukraine, en Israël, en Iran, à Gaza, mais aussi au Congo, au Yémen, dans la région du Tigré en Éthiopie ou encore au Soudan, la liste des conflits armés est en train de s’allonger. Pour deux de ces guerres, on peut même parler de conflits de haute intensité, qui se caractérisent par des violences constantes, des pertes humaines significatives et des destructions matérielles considérables.

Conflit de haute intensité entre l’Ukraine et la Russie, avec des bombardements massifs — essentiellement par drones interposés —, des combats intenses au sol, une ligne de front figée, des infrastructures énergétiques régulièrement ciblées, et la mobilisation d’importants stocks de munitions de part et d’autre. Difficile d’avoir des chiffres précis, mais on estime que le bilan total dépasserait déjà les 300 000 morts.

Conflit de haute intensité aussi, mais à sens unique ou presque, dans la bande de Gaza. Avec 54 000 victimes, dont 15 000 enfants, côté palestinien. Il faut y ajouter 125 000 blessés. Une répression décidée après l’attaque du 7 octobre, au cours de laquelle le Hamas avait tué près de 1 200 Israéliens et enlevé 251 personnes.

Depuis douze jours, maintenant, Israël a ouvert un autre front contre l’Iran. Bombardements aériens visant Téhéran, la capitale, puis des zones liées à la filière de production nucléaire. En riposte, la République islamique d’Iran tire des missiles vers Israël. Au onzième jour du conflit, entrée en action de bombardiers américains : l’opération “Marteau de minuit”, qui cible des centres d’enrichissement d’uranium et des infrastructures souterraines. Là aussi, difficile d’avoir un bilan précis. Au moins 700 morts et 2 500 blessés côté iranien avant les bombardements de ce week-end, d’après l’ONG Human Rights Activists. Le bilan s’est évidemment alourdi avec les frappes américaines de ces dernières heures. Les missiles iraniens, qui ont atteint leurs cibles en Israël, ont fait de leur côté au moins 25 morts.

Tous ces chiffres sont évidemment provisoires, puisqu’on ne voit pas, à court terme, ce qui pourrait stopper ces conflits. L’Union européenne a beau appeler à des solutions diplomatiques et à l’arrêt des hostilités, elle ne sera pas entendue. L’Europe, les Nations unies, la communauté internationale dans son ensemble sont réduites à un rôle de vigie incantatoire. Elles parlent, mais leur voix ne porte plus. Les belligérants n’entendent que le fracas des bombes et préparent déjà la riposte suivante, persuadés d’être dans leur bon droit, préparant une réplique qu’on assimilera à une vengeance.

Pour les Israéliens et les Américains, il s’agit de venir à bout de mouvements terroristes et d’un État qui les soutient, et d’encourager ou de provoquer un changement de régime en République islamique d’Iran. Et les Israéliens de faire la leçon aux Européens, en moquant notre mollesse et en affirmant faire le sale boulot à notre place. Pour l’Iran, il s’agit de défendre son territoire et de riposter à une attaque ennemie, puisque ce sont les Israéliens qui ont frappé les premiers. Avec tous les risques de guerre hybride et d’actions terroristes que les Iraniens ont régulièrement activés ces dernières années. Le Proche-Orient est une poudrière, on le sait. De nombreuses allumettes sont désormais jetées à proximité du baril de poudre.

Le conflit est désormais international, pour ne pas dire mondial. Avec le danger d’une lecture caricaturale : les Occidentaux contre le monde arabe, les donneurs de leçons contre les non-alignés. La frappe surprise des Américains, avec ces fameux bombardiers B-2 entrés en action samedi soir s’assimile à un bombardement sans déclaration de guerre ni avertissement préalable. Au contraire même, Donald Trump avait annoncé qu’il se donnait quinze jours pour réfléchir, et qu’il entrevoyait même une possibilité de négociation avec l’Iran.

Donald Trump a donc menti. Encore une fois. Donald Trump se moque aussi de ses électeurs, puisqu’il avait promis qu’avec lui ce serait “America First”, que l’Amérique se concentrerait sur son marché intérieur et se désengagerait de la scène internationale. Donald Trump qui s’affranchit aussi du droit international, frappant où bon lui semble, quand bon lui semble, et ayant dissimulé ses intentions. C’est la loi du plus fort. La fin de cette grande entreprise de régulation des relations entre les nations par l’intermédiaire de la diplomatie et du droit international. Donald Trump ridiculise les Nations unies, renvoie les juristes et les diplomates à leurs études. Ça, c’est la plus grande leçon que nous devons tirer des événements de ces derniers jours : dans une démocratie, c’est le peuple qui a raison. Quand le peuple décide de mettre à sa tête un va-t-en-guerre, il n’y a pas réellement de surprise. Le va-t-en-guerre finit par faire la guerre.

Fabrice Grosfilley 

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