L’édito de Fabrice Grosfilley : l’heure des comptes

Nous sommes mardi matin, c’est l’heure des comptes. Qui est prêt ou pas à travailler sur la base de la déclaration de politique générale déposée par le Mouvement Réformateur ? Hier, la plupart des partis politiques ont donc fait publiquement part de leur réaction, avec plus ou moins de clarté dans le message.

On va distinguer plusieurs catégories de réaction. D’abord, les enthousiastes : l’Open VLD, le CD&V, la N-VA, qui appellent à entrer sans délai en négociation sur base de ce document. Ceux qui veulent bien y aller mais demandent un changement de méthode : c’est le cas des Engagés et de Groen. Ceux qui critiquent tellement fort la méthode qu’on se demande s’ils ont vraiment envie de négocier avec le MR : c’est le cas de Vooruit, qui parlait d’un manque de respect, et d’Ecolo, dont un représentant persiflait : « Un an pour connaître le programme du MR, c’est quand même long. » Enfin, ceux qui disent pouvoir y aller sur le fond, mais qui posent des conditions, comme DéFI, qui rappelle qu’il faut un gouvernement majoritaire dans les deux collèges linguistiques et que cela doit se faire sans la N-VA.

Et puis, ceux qui n’ont pas répondu et dont on sait qu’ils sont exclus d’office de l’initiative : le PS, le PTB, Fouad Ahidar, par exemple.

Faisons les comptes, parce qu’en démocratie, ce sont quand même les chiffres qui décident. Si on ajoute aux 20 députés du Mouvement Réformateur les Engagés et le groupe des enthousiastes, on arrive à 33 députés. Englobons Groen et Vooruit, en imaginant que des négociations avec ces deux partis soient possibles : cela fait 39. C’est donc insuffisant. On est assez loin de la majorité requise, à savoir 45 députés. Le MR peut évidemment intégrer DéFI dans ses calculs : cela ferait 43 députés. Et ajoutez deux députés indépendants qui pourraient venir en renfort — l’un a quitté le PTB, l’autre le Vlaams Belang — et le compte serait tout juste bon. C’est scabreux et instable. Et c’est faire fi du communiqué de Sophie Rohonyi, qui indiquait hier encore que DéFI ne voulait pas travailler avec la N-VA et exigeait une majorité dans les deux collèges linguistiques. Car avec cette majorité ric-rac de peut-être 45 députés, la majorité imaginée serait très minoritaire du côté francophone. Elle ne pourrait pas gérer la Cocof, la Commission communautaire française.

Il faut donc un enthousiasme démesuré, une naïveté déconcertante ou une mauvaise foi certaine pour croire que cette piste serait réellement viable. On l’a souvent dit dans cet éditorial, et on le répète encore une fois ce matin : imaginer une majorité sans Ecolo et sans le PS n’est mathématiquement pas possible en Région bruxelloise. Ecolo accepterait il d’entrer dans la dynamique proposée par le Mouvement Réformateur ? La communication de Zakia Khattabi hier ne l’excluait pas formellement, mais la tonalité de sa réaction indiquait assez clairement que ce ne serait pas une hypothèse facile à concrétiser.

Nous sommes mardi matin, c’est l’heure des comptes. Qui est prêt ou pas à travailler avec Ahmed Laaouej ? Les partis bruxellois n’ont pas explicitement répondu à la question hier. Officiellement, Ahmed Laaouej n’a pas la main : c’est toujours David Leisterh qui détient le titre informel de formateur. Si on additionne les sièges des six partis qui ont participé à la réunion de mardi dernier, on atteint les 48 sièges. C’est donc bien une majorité, et même une majorité dans les deux collèges linguistiques. Arithmétiquement, il n’y a pas photo : la majorité progressiste serait bien plus stable que la tentative du Mouvement Réformateur.

Avec deux bémols qu’on a déjà soulignés dans cet éditorial. D’abord : est-ce que le PTB est prêt à entrer dans un gouvernement qui ne pourra pas faire l’impasse sur une stratégie de redressement budgétaire ? Il faudrait, pour cela, que les PTBistes intègrent une forme de culture de gouvernement qui leur est jusqu’à présent étrangère. Deuxième écueil : est-ce que tous les partis sont effectivement prêts à s’associer au PTB et à Fouad Ahidar ? Bart Dhondt, président de Groen, exprimait hier au micro de Michel Geyer pour BX1 une forme de réserve vis-à-vis du PTB.

Ce mardi matin, nous en sommes donc là. Avec une initiative bancale à droite. Une initiative incertaine à gauche. On peut voir le verre à moitié plein ou à moitié vide. Les deux promoteurs de ces deux initiatives ont forcément de bonnes raisons de tenter leur chance et d’essayer de conduire leur projet à terme. Pour cela, il faudra quand même que les partis qui pourraient s’engager aussi bien d’un côté que de l’autre sortent du bois et fassent un choix. On ne peut pas être à la fois team Leisterh et team Laaouej. Ce serait courir deux lièvres à la fois, et pratiquer une politique de surenchère permanente : faites-moi des concessions, sinon je file de l’autre côté. Les autres partenaires ne le permettront probablement pas. Groen, Ecolo, Vooruit vont donc devoir choisir. Ces trois partis sont aujourd’hui en mesure de faire la balance. Ahmed Laaouej et David Leisterh se font face et sont à égalité ce matin. Ce sont “les petits partis” qui décideront qui pourra avoir la main.

Fabrice Grosfilley

BX1
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