L’édito de Fabrice Grosfilley : 6 pistes pour sortir du blocage

Dans son édito de ce mardi 03 décembre, Fabrice Grosfilley revient sur les négociations bruxelloises au lendemain du retrait du PS.

Et maintenant, que va-t-il se passer ?

Après le constat d’échec, quelles sont les sorties de crise envisageables ? C’est la question que le monde politique bruxellois doit désormais se poser. La décision du Parti socialiste de ne plus participer aux discussions dans la formule actuelle a sonné le glas des espoirs suscités il y a trois semaines, lorsque quatre partis du collège néerlandophone ont commencé à négocier. Le veto des socialistes francophones à cette formule incluant la N-VA n’est pas une surprise. Ce qui est plus inquiétant, en revanche, c’est la formulation employée dans leur communiqué, selon laquelle les “conditions nécessaires” à leur participation aux discussions “ne sont plus réunies”. C’est un cran au-dessus d’un simple veto. Cela obligerait, en théorie, David Leisterh et Elke Van den Brandt à exclure la N-VA de leur projet d’accord s’ils veulent ramener le Parti socialiste à la table.

Quelles sont les options possibles ce matin ?

La première serait de se passer de la N-VA. Cela implique pour Groen, Vooruit et l’Open VLD de “manger leur chapeau”. On ne peut pas claironner qu’un accord est conclu un jour pour y renoncer le lendemain. Les partis néerlandophones pourraient légitimement se sentir blessés par le refus catégorique du PS, surtout qu’il leur a fallu plus de cinq mois pour aboutir à ce compromis. L’Open VLD, notamment, qui avait accepté de se contenter du poste de commissaire de gouvernement, se montrait très remonté hier soir. Il risque de se retrouver, dans les prochaines semaines, sous pression, car on pourrait lui demander de garder ce poste, mais avec un autre partenaire que la N-VA, en l’occurrence le CD&V, avec qui il est électoralement en concurrence frontale.

Pour se passer de la N-VA, il faut envisager d’autres partenaires. La piste 1 serait de convaincre le CD&V. Benjamin Dalle a déjà fait savoir qu’il exigerait d’être à la table du gouvernement, donc d’obtenir un poste de secrétaire d’État. Deux sous-pistes se présentent : 1A, l’Open VLD lui cède la place ; ou 1B, on crée un poste de secrétaire d’État supplémentaire. Sinon, on pourrait partir dans une autre direction et appeler Team Ahidar et ses trois députés à la table des négociations, ce serait la piste 2. A priori, elle se heurte au veto du MR et des Engagés.

Autres options, côté francophone

Dans ces scénarios, on conserve l’accord à quatre dans le collège néerlandophone, mais on retravaille la majorité dans le collège francophone. Cela acterait le départ du PS, conformément à son communiqué d’hier. Il faudrait alors appeler d’autres partenaires. Au minimum, Ecolo : ce serait la piste 3. Une coalition MR-Engagés-Ecolo totaliserait 36 sièges. Il en faudrait 37 pour atteindre la majorité dans le collège francophone. C’est théoriquement trop juste, mais on pourrait négocier un soutien ponctuel pour l’installation ou le vote du budget, par exemple. Sinon, on pourrait ajouter DéFI, ce qui ferait 41 sièges. Ce serait la piste 3 bis, bien que quatre partenaires dans le collège francophone commencent à faire beaucoup.

Et puis, on peut être encore plus créatif. Imaginez, par exemple, que le PS reprenne la main et rebatte complètement les cartes. Une majorité PS-Ecolo-PTB est numériquement possible à la Région. On pourrait y adjoindre Vooruit, Groen et Team Ahidar dans le collège néerlandophone. Ce serait la piste 4, qu’on pourrait appeler la coalition “à gauche toute”.

Si rien ne marche ?

Dans le registre de la créativité, on pourrait imaginer une majorité dans le collège francophone MR-PS-Engagés, qui fonctionnerait sans majorité dans le collège néerlandophone. Elle irait chercher des majorités de circonstance chaque fois qu’un vote à double majorité serait nécessaire, par exemple au moment du budget. Ce n’est pas confortable, mais c’est envisageable, surtout si le blocage communautaire persiste et que les francophones estiment n’avoir plus rien à perdre  : ce serait la piste 5, qu’on appellera “l’ingénierie constitutionnelle”.

Une dernière option : la situation actuelle pourrait perdurer, avec un gouvernement en affaires courantes disposant de pouvoirs légèrement étendus, tandis que le parlement prendrait la main. Les majorités se feraient et se déferaient au gré des projets, comme ce fut le cas pour le report de la LEZ. Ce serait la piste 6, appelée “l’option parlementaire”.

Conclusion

Il y a donc au moins six pistes sur la table. Encore faut-il avoir la volonté d’emprunter l’une d’elles, car elles présentent toutes des inconvénients. Choisir la meilleure – ou la moins pire – relève désormais de la responsabilité du monde politique. Il faudra évidemment quelques jours pour digérer cette nouvelle donne et laisser retomber la tension. Mais, s’il y a véritablement urgence – pour le budget, les réformes, ou simplement la gestion quotidienne des institutions bruxelloises – un simple constat de blocage ne suffira pas.

Fabrice Grosfilley