Procès Encro: 14 et 17 ans de prison pour les chefs de l’organisation criminelle
Eridan M.G., à la tête d’un vaste réseau actif dans le trafic de drogue, a été condamné mardi à 14 ans de prison par le tribunal correctionnel de Bruxelles au procès Encro. Abdelwahab G., numéro 2, a écopé de 17 années de prison. Au chapitre bruxellois, Erdal Sevik, le président du Crossing Schaerbeek a écopé de 40 mois de prison, dont la moitié avec sursis. “Il est clair qu’Erdal Sevik a été un intermédiaire de l’organisation criminelle“, avait dit en février dernier le procureur fédéral Julien Moinil, qui avait requis une peine d’emprisonnement de quatre ans.
■ Reportage de Maël Arnoldussen, Nicolas Scheenaerts et Laurence Paciarelli
L’organisation criminelle avait été mise au jour après le décryptage par la police des messageries Encrochat en 2020 et Sky ECC en 2021, très prisées des narcotrafiquants. Eridan M.G., à la tête d’un vaste réseau actif dans le trafic de drogue, a été condamné à 14 ans de prison Cet Albanais de 51 ans a également écopé d’une confiscation par équivalent de 20 millions d’euros.
“J’ai été à la tête d’une organisation criminelle, j’ai participé au trafic de drogue. J’ai joué et j’ai perdu”, avait reconnu le quinquagénaire dès la première audience. En janvier, le ministère public avait requis 15 ans de prison à son encontre pour avoir dirigé une organisation criminelle active dans le trafic de stupéfiants. Il avait également ajouté un an pour détention d’une arme prohibée et trois ans pour la séquestration d’un autre prévenu. Soit un total de 19 ans de prison.
L’avocate du prévenu, Me Nathalie Gallant, estimait pour sa part que la peine de son client devait être la plus clémente possible puisqu’il avait collaboré avec la justice. Elle avait également rappelé qu’Eridan M.G. avait lui-même été torturé après une perte de marchandise. “Même si cela n’enlève rien à son rôle de dirigeant en Belgique, cela signifie qu’il a dû rendre des comptes à des tiers et que des personnes se trouvent au-dessus de lui”, avait-elle argué.
17 ans de prison pour le numéro 2
Abdelwahab G., numéro 2 dans un énorme dossier de trafic de stupéfiants, a écopé de 17 années de prison. Cet Algérien de 57 ans est l’un des chefs présumés d’une organisation criminelle internationale. Le tribunal a également ordonné la confiscation par équivalent de 15 millions d’euros. La peine de prison d’Abdelwahab G. est donc plus lourde que celle infligée à Eridan M.G., cerveau du dossier.
Le quinquagénaire comparaissait pour avoir importé des stupéfiants depuis l’Amérique latine et avoir géré la logistique de ce vaste réseau criminel. Lors de la dernière audience, le 7 mai, avant la délibération des juges, le prévenu avait partiellement reconnu sa culpabilité. “C’est moi qui ai amené tout ce monde ici”, avait-il concédé avant de présenter ses excuses à ses coprévenus. Celui qui se voyait footballeur professionnel a vécu sa première arrestation à 19 ans. Ensuite, ce fut la dégringolade et “40 ans de criminalité”, avait-il concédé. F
in février, le parquet fédéral avait requis une peine de 20 ans de prison à son encontre. Ses avocats avaient, eux, plaidé qu’Abdelwahab G. ne faisait qu’obéir aux ordres d’Eridan M.G. Selon la défense, il n’était qu’un “intermédiaire” dans le trafic, mettant à disposition son carnet d’adresses sans toutefois fixer les tarifs ou gérer les transports. Elle avait sollicité une peine de 10 à 15 ans de prison maximum.
Bilal I., condamné à 15 ans de prison
Bilal I., l’une des trois figures de proue du procès Encro, a lui été condamné à 15 ans de prison. Ce Bruxellois de 35 ans a été reconnu comme étant l’un des principaux dirigeants d’une organisation criminelle derrière un vaste trafic de drogue international. Le tribunal a également ordonné la confiscation par équivalent de trois millions d’euros.
L’homme est à l’origine de l’importation de grandes quantités de cocaïne depuis l’Amérique du Sud, qu’il revendait ensuite à Eridan M.G., autre dirigeant de l’organisation et cerveau de ce dossier. Le procureur avait requis à son encontre une peine de 20 ans de prison et une confiscation s’élevant à 10 millions d’euros. Cependant, pour la défense, les poursuites visant son client devaient être déclarées irrecevables. À titre subsidiaire, Me Jean-Philippe Mayence avait plaidé l’acquittement de Bilal I. Le parquet a requis l’arrestation immédiate de Bilal I., qui comparait sous bracelet électronique. La mesure a été contestée par la défense.
Cinq ans de prison et sursis partiel pour le policier qui a violé le secret professionnel
Le tribunal correctionnel de Bruxelles a condamné mardi à cinq ans de prison, dont deux avec sursis, le policier de la zone Bruxelles-Midi. Il comparaissait pour avoir violé le secret professionnel en transmettant à des membres d’un réseau de trafiquants des informations contenues dans les bases de données de la police. Les juges ont également prononcé une confiscation par équivalent de 10.000 euros à son encontre.
Cet ancien inspecteur de la zone de police de Bruxelles-Midi (Anderlecht, Saint-Gilles et Forest) se faisait rémunérer pour rechercher des informations dans les bases de données de la police. Il effectuait ces recherches de sa propre initiative, mais sans en tirer de bénéfice, avait insisté la défense. Mi-février, le parquet fédéral avait requis une peine de huit ans de prison à l’encontre de cet homme âgé aujourd’hui de 57 ans.
Son avocat avait, de son côté, demandé au tribunal de ne pas prononcer de peine de prison ferme. “Dans 8 ans, il sortira à l’âge de la pension, sans travail et peut-être sans sa fille”, atteinte d’une maladie grave. Tandis qu’en le condamnant à une amende, “il paiera, sera utile à la société et présent pour sa fille”. Le tribunal n’a toutefois pas suivi ces arguments. L’avocat du policier avait également contesté la participation de son client, en tant que membre, à une organisation criminelle. Les juges ont effectivement écarté cette prévention. Le parquet fédéral n’a pas demandé son arrestation immédiate, bien que cette possibilité existe pour les peines égales ou supérieures à trois ans de prison.
Six ans de prison pour un camionneur qui s’était illustré au procès Encro
Le tribunal correctionnel de Bruxelles a condamné mardi à six ans de prison Ali H., un Carolo de 35 ans, au méga-procès Encro. Le prévenu, camionneur, était notamment poursuivi pour avoir transporté de la drogue dans le cadre d’un trafic international.
Ali H. s’était illustré à plusieurs reprises durant les six mois de débats qui se sont tenus au Justitia, l’ancien siège de l’Otan reconverti en bâtiment de justice. Le procureur fédéral avait d’abord demandé son expulsion de la salle d’audience en raison de ses bavardages, mais aussi à cause des insultes adressées aux policiers chargés du maintien de l’ordre dans la salle. Le prévenu n’avait pas non plus hésité à comparer le sourire du représentant du parquet à celui du “Joker” dans Batman. Le chef du réseau lui-même s’était plaint du comportement de son co-prévenu. Eridan M. G. avait demandé “des mesures” pour qu’Ali H. ne soit plus en contact avec les autres personnes détenues préventivement, relevant lui aussi des insultes.
De son côté, le trentenaire de nationalité algérienne avait évoqué des violences policières et souligné son sentiment de persécution au tribunal. Le parquet avait requis 10 ans de prison a minima à l’encontre d’Ali H. La défense avait, elle, plaidé l’unité d’intention par rapport à un autre procès et, dès lors, une absorption de la peine de 30 mois de prison du jugement déjà émis. Les juges ont finalement infligé six ans d’emprisonnement et une amende de 400.000 euros au trentenaire. À cette annonce, le prévenu a dodeliné de la tête, se grattant le menton, mais n’a pas pipé mot.
Un ex-avocat poursuivi pour avoir menacé le chef du réseau écope de 40 mois de prison
L’ancien avocat Sofian B. a écopé de 40 mois de prison. Il était notamment poursuivi pour avoir proféré des menaces à l’encontre d’Eridan M.G., l’un des principaux prévenus du procès Encro. En décembre 2021, Sofian B. s’était rendu à la prison de Namur où était incarcéré Eridan M.G. Selon ce dernier, l’avocat lui avait expliqué qu’il venait de la part de “l’Anversois” et qu’il voulait récupérer “la marchandise” ou l’argent. Il avait ensuite fait référence à ce qui arrive aux mauvais payeurs dans le milieu.
La défense du trentenaire avait toutefois contesté cette version et demandé au tribunal de prendre avec des pincettes les déclarations de la figure de proue du réseau. Sofian B. soutenait pour sa part qu’il s’était déplacé en tant qu’avocat d’affaires, pour récupérer des biens saisis. Mais, selon son conseil, le Bruxellois avait paniqué en apprenant que la police enquêtait sur son compte et avait fabriqué une fausse facture visant à donner un caractère licite à sa visite.
Le parquet fédéral jugeait pour sa part que, outre la tentative d’extorsion et le faux en écritures, l’ex-avocat était membre d’une organisation criminelle et qu’il avait trempé dans un trafic de cocaïne. Il avait requis cinq ans de prison ferme. Dans la foulée du jugement, le ministère public a demandé son arrestation immédiate. Le procureur Julien Moinil a notamment souligné ses divers voyages à l’étranger et le fait qu’il dispose de fonds suffisants pour fuir la Belgique. “Travail, maison, enfants, diplômes, cercle social… Tout est ici. Où irait-il ?”, a rétorqué la défense. Le tribunal se prononcera en fin d’audience sur la requête d’arrestation immédiate.
Le procès Encro concerne une importante organisation criminelle active dans le trafic de stupéfiants. Cent vingt-quatre prévenus, quatre entreprises et un anonyme sont jugés dans ce qui est le plus grand procès correctionnel jamais organisé en Belgique. En raison du nombre importants de prévenus, le tribunal n’a pas détaillé oralement les motivations du jugement pour chacun.
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