L’éditorial de Fabrice Grosfilley : quels pouvoirs pour le président ?
C’est un feuilleton qui s’éternise. Georges-Louis Bouchez sera-t-il oui ou non reconduit à la tête de la présidence du Mouvement Réformateur ? Plus précisément, s’agira-t-il d’une simple prolongation, limitée dans le temps, ou bien faudra-t-il organiser une élection en bonne et due forme, avec la possibilité que plusieurs candidats se présentent et que la compétition électorale ne tourne à l’affrontement. En théorie, le mandat de GLB – comme on l’appelle parfois – arrive à son terme le 29 novembre. Si les libéraux veulent organiser une élection avant cette date, il y a urgence.
Hier, un bureau élargi a planché plusieurs heures sur la question. Une longue explication qui n’a pas permis de prendre une décision. Officiellement c’est la première fois que les libéraux parlent de cette problématique lors d’une réunion officielle. Dans les coulisses cela fait des semaines que le point est sur la table. Tout le monde en parle mais personne n’ose le mettre à l’ordre du jour. La discussion est reportée semaine après semaine.
Lors de la séance d’hier les libéraux francophones ont donc eu enfin une “franche explication”. Avec des reproches adressé à Georges-Louis Bouchez sur sa manière de communiquer et d’incarner le parti. Une communication exagérément personnelle, jugent certains libéraux. Ce qui n’empêche pas d’autre de reconnaitre aussi des qualités de leur président : une force de travail incontestable, une présence soutenue dans les médias, une aisance sans pareil dans les débats et les interviews.
Ce qui est reproché au président du Mouvement Réformateur relève donc d’une personnalisation excessive du parti libéral. Sa manière de prendre de la place qui empêche tout autre tête d’émerger, sa gestion peu collective de la stratégie médiatique et politique. Mais aussi le climat de défiance permanent qu’il entretient avec les autres formations politiques. C’est même la crainte majeure de nombreux libéraux : être renvoyés dans l’opposition quand il s’agira de former des majorités à la Région Wallonne, à la Région Bruxelloise et à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Voire même au fédéral même si là, ils pourraient être mathématiquement incontournables. Les derniers sondages qui indiquent un frémissement des intentions de vote en faveur des Engagés de Maxime Prévot ont donné du corps à cette hypothèse : on réalise bien dans les rangs libéraux qu’une majorité PS-Ecolo-Engagés en Wallonie ou PS-Ecolo-Défi à Bruxelles aura la préférence des autres formations politique. Tout sauf Bouchez. Quand ils se projettent dans l’après-élection les libéraux ont des sueurs froides. Georges-Louis pourrait les amener à réaliser un bon score dans les urnes, mais il aurait déjà perdu la manche suivante avant qu’elle ne soit jouée.
Du coté de Georges-Louis Bouchez ces dernières semaines, on affichait une certaine sérénité. Pas de reconduction ? Très bien. Organisez des élections seulement. Pour l’instant aucun candidat ne s’est fait connaitre. Pour renverser le président actuel il faudrait donc un courageux ou une courageuse qui oserait le défier. Même si il ou elle avait le soutien des barons du parti la partie ne serait pas gagnée. De nombreux militants ont pris leur carte ces derniers mois justement parce que c’est Bouchez qui préside le parti et lui a donné un coup de fouet.
Pour beaucoup de libéraux la question n’est donc pas tellement de changer de président. Georges-Louis Bouchez est un bon communicant, un argument de vente, un potentiel meneur électoral. La question serait plutôt de l’encadrer. De lui retirer certains compétences, de le mettre sous tutelle, de le contraindre à une gestion plus collective. De lui imposer une campagne moins clivante et plus centriste. Ou même d’indiquer clairement que les négociations post-élection lui échapperont et seront confiées à des Willy Borsus ou Sophie Wilmes par exemple. Bref, d’en faire un président aux pouvoirs retreints. Ça risque de ne pas marcher. Il sera difficile de demander à Georges-Louis Bouchez d’être autre chose que ce qu’il est . Un parti politique ça ressemble à une crémerie, on ne peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre et en prime le sourire de la crémière. À moins de déclencher un conflit de personne. Et dans cette situation-là, avec des personnalités aussi fortes et à 9 mois d’élections majeures, cela risque de tourner à la boucherie.