L’édito de Fabrice Grosfilley : mauvais climat

Ce mardi matin dans Bonjour Bruxelles, Fabrice Grosfilley s’attarde sur la crise climatique .

Je ne veux pas vous alarmer, mais les nouvelles sont mauvaises. Ho, je ne vous parle pas de l’accueil d’une délégation iranienne à Bruxelles et de la responsabilité ou non des ministres qui ont dit oui à l’invitation puis oui à la délivrance des visas. Je ne vous parle pas non plus d’un juge d’instruction qui met sur le devant de la scène une grosse affaire de corruption au Parlement Européen avant de se rendre compte que son fils est en affaire avec le fils de l’une des personnes citées dans le dossier, je ne vous parle pas non plus des dossiers qui sont sur la table du gouvernement fédéral, avec cette promesse de réforme fiscale qu’on n’est pas arrivé à ficeler, d’une réforme des retraites qui ne cesse de battre en retraite ou du survol de Bruxelles sur lequel les ministres n’atterrissent jamais.

Non, je voudrais vous parler du climat. Avec cette confirmation : l’Europe se réchauffe plus vite que le reste du monde. Deux fois plus vite que la moyenne mondiale.  Il y a deux explications scientifiques au fait que l’Europe a une chaleur d’avance : la fonte des glaces au Groenland influence notre climat, parce que les glaces arctiques, moins étendues, ne renvoient plus autant la chaleur (une sorte d’effet miroir diminué, qui implique que le Groenland se réchauffe d’ailleurs encore plus vite que nous), et deuxième explication, les courants aériens rapides qui traversent l’Europe d’ouest en est, contribuant à former plus de zones de haute pression qu’ailleurs. Je passe les détails. Entre l’ère pré-industrielle et aujourd’hui, notre continent s’est réchauffé de 2,3 degrés. Et ce n’est pas fini. Sur notre territoire européen, “les températures élevées ont exacerbé les sécheresses intenses et généralisées, alimenté de violents incendies de forêt, elles sont responsables de la deuxième plus grande surface brûlée jamais mesurée sur le continent, et ont provoqué une surmortalité par milliers à cause des canicules”.  C’est ce qu’écrivent les auteurs d’un rapport publié hier par l’Organisation Météorologique Mondiale pour les Nations Unies. D’après leurs bases de données, les situations d’urgences créées par le changement climatique ont affecté directement 156 000 personnes et provoqué plus de 16 000 décès rien que pour l’année 2022. Ce réchauffement a aussi un cout économique : 2 milliards de dégâts en 2022. Mais c’est nettement moins qu’en 2021 ou les dégâts dus aux grandes inondations qui ont touché la Wallonie et l’Allemagne était de 50 milliards.

Ce n’est qu’un rapport parmi d’autres. Parce qu’en termes de constats pessimistes, il n’y a qu’à se baisser. Tenez ce matin, 5 h 46, dépêche de l’Agence France Presse, une autre étude. La fonte des glaciers de l’Himalayen atteint un nouveau record de vitesse. Entre 2011 et 2020, les glaciers ont fondu 65 % plus vite que lors de la décennie précédente. “Avec le réchauffement, la glace fond, c’était prévisible. Mais ce qui est inattendu et très inquiétant, c’est la vitesse”, a déclaré l’auteur principal de l’étude, qui estime que les glaciers pourraient avoir perdu 80% de leur volume avant la fin du siècle. Cela vous  parait loin l’Himalaya ? Les glaciers himalayens alimentent 10 des plus importants bassins fluviaux du monde, dont le Gange, l’Indus, le Fleuve Jaune, le Mékong. Deux milliards de personnes dépendant de l’eau qui provient de ces glaciers. Quand elles n’auront plus d’eau, elles devront aller en chercher ailleurs.

On peut ajouter les six millions d’hectares de forêt brulés au Canada depuis janvier. Six millions d’hectares, c’est deux fois la superficie de la Belgique. Bref, il faudrait être aveugle, sourd, ou très dur de comprendre pour ne pas s’alarmer. On peut continuer à se demander si on pourra construire assez de batteries électriques pour nos voitures, se demander si les politiques européennes en matière de climat et d’environnement ne vont pas mettre l’une ou l’autre entreprise belge en difficulté. Ou estimer que renoncer aux voitures de société, aux transports par avion, aux croisières en paquebot, aux mégafestivals, aux compétitions automobiles, que tout cela est trop douloureux et perturbe excessivement notre mode de vie. On peut. Mais on est peut-être légèrement à côté de la plaque (de glace).

Fabrice Grosfilley