L’édito de Fabrice Grosfilley : rétablir la confiance
L’édito de Fabrice Grosfilley, en ce mardi 23 mai.
C’était hier soir place Van Meenen à Saint-Gilles : quelques dizaines de personnes (une petite centaine d’après la Dernière Heure) se sont retrouvées devant la maison commune de Saint-Gilles. A l’intérieur du bâtiment, le conseil de police, avec le chef de corps, les bourgmestres, les conseillers police de la zone : on discute de la gestion de la zone Midi. L’occasion pour des pères et mères de famille et des militants associatifs ou politiques de venir demander des comptes sur cette gestion.
En cause : les dernières révélations sur l’affaire Adil. Cette plainte interne d’une autre policière qui accuse l’un des policier impliqué dans la mort du jeune homme (pris en chasse alors qu’il roulait en scooter avant de finalement percuter un véhicule de police le long du canal) d’avoir tenu des propos racistes et même de s’être vanté de la mort du jeune homme. Affaire interne à la police, dénonciation survenue longtemps après les faits dans le cadre d’un autre conflit : dans ces cas là c’est la parole de l’un contre la parole de l’autre, et il faut avancer avec prudence. Le témoignage a donc été transmis à la justice. On verra ce que la chambre du conseil en fera. Hier soir les manifestants demandaient à ce que le policier soit démis de ses fonctions. L’affaire n’a pas été débattue en public (les questions de personnes se traitent à huis clos dans un conseil de police). Mais on sait que le policier est toujours en poste, il a déjà été transféré dans une autre fonction, suite à un malaise au sein de l’unité qu’il dirigeait (on en parlait avec le chef de corps au début de ce débat).
Cette affaire est assez emblématique des difficultés que peut avoir la police à traiter des éventuels dysfonctionnements en son sein. Y-a-t-il réellement eu un comportement raciste de la part de ce policier ? On n’en est pas sûr, il n’y a qu’un témoignage allant dans ce sens à ce stade (en tout cas sur la place publique), fut-il le témoignage d’une policière, ce qui n’est pas rien non plus : la vérité est qu’on ne sait pas. Y a t il eu de sa part un comportement violent, un mépris de la vie d’autrui qui a abouti à la mort d’Adil : là encore c’est à la justice de le dire. Le problème c’est que la justice traîne, que la police donne l’impression de ne pas tout dire, secret de l’instruction oblige, et que la famille et les amis d’Adil doivent attendre. Trois ans pour faire la lumière c’est long. Sans doute trop long dans ce genre d’affaire.
Hier soir les trois bourgmestres de la zone midi ont donc publié un communiqué rappelant qu’il n’y avait pas de place pour le racisme au sein de cette police locale et qu’il réclamaient un plan d’action. Une manière de répondre aux manifestants sur le mode “nous vous avons compris” et de prendre aussi un peu leur distance avec le chef de zone qui affirmait hier soir qu’il n’y avait pas de racisme structurel à la police et qu’il faut faire justice pour Adil mais aussi pour les policiers accusés. Une déclaration qui a a choqué une partie des manifestants.
S’il y a autant d’émotion autour de l’affaire Adil, c’est qu’elle réunit beaucoup d’ingrédients qui heurtent l’opinion : du racisme, peut-être, mais aussi une course poursuite pour des motifs anodins (un simple contrôle d’identité), un contexte sensible celui de la Covid19, et surtout le sentiment d’une police à deux vitesse… qui intervient avec moins de tact dans les quartiers populaires (où elle contrôle les jeunes pour un oui pour un non ) que dans les beaux immeubles des beaux quartiers (où les délinquants en col blanc éludent ou détournent parfois des millions). Ce sont les ingrédients d’une colère qui vise peut-être injustement la police. Mais c’est pour cela aussi que le décès d’un jeune homme, ne doit, par la justice, pas être pas considéré comme une anecdote.