L’édito de Fabrice Grosfilley : circulez, c’est les vacances

Si vous avez circulé dans les rues de Bruxelles ces derniers jours, c’est une évidence. Il y a moins de voitures. Moins de congestion. Moins de pollution. Des temps de parcours divisés par deux. Moins d’annonce de radioguidage sur les radios. Des automobilistes presque heureux d’être au volant, des cyclistes moins en danger lorsqu’ils croisent les automobilistes, des enfants qui respirent moins de pots d’échappement sur les trottoirs. Bref, c’est la situation qu’on aimerait connaitre tous les jours en Région bruxelloise.

Je vais vous décevoir tout de suite : ce n’est pas le plan Good Move ou une accélération soudaine des travaux du RER qui auraient permis d’un coup de baguette magique de résoudre les problèmes de mobilité. Ce sont simplement les vacances. Les vacances de Pâques de la communauté flamande, qui ont commencé le 3 avril et se poursuivront jusqu’au 16. Effet immédiat et constaté par tous : quand les Flamands sont en congés, il y a donc moins de voiture dans Bruxelles. On ne le dit pas pour pointer du doigt les Flamands, mais on le signale pour qu’on se rende bien compte, démonstration à l’appui, que le problème de la mobilité en Région bruxelloise, ce ne sont pas les Bruxellois qui le créent, ce sont les navetteurs. Moins de fonctionnaires ou d’employés flamands qui rejoignent leurs bureaux, ce sont moins de bouchons. Et nous aurons une autre expérience palpitante à vivre début mai, quand ce sera au tour des francophones d’être en vacances. On pourra vérifier à ce moment-là (je vends un peu la peau de l’ours avant qu’il ne reste au garage) que quand les Wallons ne viennent plus “à la capitale” (ou en tout cas qu’ils y viennent moins nombreux), là aussi, la mobilité s’améliore et la ville respire mieux.

Deux conclusions à en tirer. D’abord que le Bruxellois a tout à gagner de ces vacances décalées entre francophones et néerlandophones. Je l’écris en boutade, mais pour Bruxelles, c’est deux fois plus de période d’accalmies sur les routes, deux fois plus de périodes où la ville respire mieux. Oui, je sais, c’est très bruxello-centré comme réaction. Et les parents d’élèves en immersion ou les familles francophones qui ont un enfant dans les écoles néerlandophones vont hurler. C’est évidement inconfortable lorsqu’on a un pied dans chaque communauté linguistique et on le comprend très bien. La question est juste de ne pas se laisser aveugler par son propre prisme, dans ce débat comme dans d’autres : quelques milliers de familles ont des difficultés avec ces calendriers scolaires distincts, c’est indéniable. Mais il faut se rappeler qu’il y a 700 000 enfants dans l’enseignement francophone. On ne peut pas, pour prendre en considération les intérêts d’un petit groupe, négliger les avantages qui bénéficient à une très large majorité. Je referme la parenthèse et je reviens à la circulation.

Si notre expérience de vacances séparées parvient à nous convaincre que ce sont bien les Flamands de Flandre (on ne parle des néerlandophones de Bruxelles ici) et les Wallons de Wallonie qui viennent encombrer nos routes, cela prouvera par l’absurde que le problème de la mobilité bruxelloise est bien un problème national et pas un problème bruxellois. Et que oui, Bruxelles a bien des raisons de se montrer mécontente de nos voisins wallons et flamands et de l’État fédéral qui n’ont rien fait depuis 50 ans pour résoudre le problème. Pas de RER, pas de politique de transport en commun ambitieuse, une logique du tout à la voiture qui ressemble à celle du tout-à-l’égout. On envoie le trafic et ses nuisances sur Bruxelles, on récupère les navetteurs et leurs impôts pour le soir et pour le week-end. Ce “je m’en foutisme” wallon et flamand qui consiste à encombrer Bruxelles avec les problèmes pour en extraire des bénéfices ne peut plus durer. Et c’est bien la raison pour laquelle le projet Smartmove, celui qui consiste à taxer l’automobiliste quand il roule à Bruxelles, même s’il habite dans les deux autres régions, il faudra bien un jour ou l’autre avoir le courage de le réactiver.

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Fabrice Grosfilley