L’édito de Fabrice Grosfilley : rafraîchissement et prise de risque

C’est une nomination que personne n’avait vu venir : Hadja Lahbib, ministre des Affaires étrangères. La journaliste de la RTBF succède à Sophie Wilmès. La prestation de serment au  lieu ce matin.

Une journaliste présentatrice de journal télévisé en politique c’est pas la première fois que cela arrive : Frédérique Ries, Florence Reuter chez les dames. Olivier Maroy, Michel De Maegd chez les messieurs.  Sauf si on remonte dans le temps avec Josy Dubiè, Jean-Paul Procureur et Pierre Migisha, on constatera que ces dernières années,  les stars du petit écran c’est le MR qu’elles préfèrent, ou inversement. Et même si Hadja Lhabib prétendait ce midi ne pas avoir d’étiquette politique, son nom sera désormais associé à celui du Mouvement Réformateur.

Notre reportage||Gouvernement fédéral : Hadja Lahbib remplace Sophie Wilmès aux Affaires étrangères

Alors que faut-il penser de cette nomination ?  D’abord des éléments positifs. Nommer une femme, jeune, qui n’est pas issue du sérail politique, et qui jouit d‘une image plutôt positive, c’est évidement rafraichissant. Une nomination de nature à rapprocher le citoyen de son gouvernement. On notera d’ailleurs que le gouvernement De Croo est  presque paritaire, si on ne compte pas le premier ministre, 7 femmes, 7 hommes. Voire réellement paritaire 10 contre 10 si on compte les secrétaires d’Etat. Un bémol :  quand on compte les vice-premiers ministres, ceux qui siègent au Kern, il n’y a plus qu’une seule femme.

Deuxième point positif, une ministre issue de la diversité. On sait à Bruxelles à quel point c’est important. Hadja Lahbib est en mesure d’incarner une image qui ne sera pas celle de la Belgique d’avant-hier. Avec Meryame Kitir  de Voruit et Zakia Khatttabi d’Ecolo cela fait donc 3 personnalités qui rendent compte d’une Belgique plurielle. On peut évidement y ajouter Nawal Ben Hamou à Bruxelles ou Zuhal Demir dans le gouvernement flamand par exemple. Ces nominations se multiplient, et le Mouvement Réformateur qui a longtemps été en retard sur ce terrain-là se met en phase avec la citoyenneté d’aujourd’hui.

Une fois qu’on dépasse ces questions de symboles, il y a la question de la compétence. Là cela devient plus compliqué. Hadja Lahbib a présenté des journaux, elle a réalisé des reportages longs-formats, elle s’impliquait dans la vie culturelle, très bien. Cela n’en fait pas une fine connaisseuse des relations extérieures ou de la politique belge, ni une diplomate chevronnée qui connaîtrait les us et coutumes des grandes négociations internationales. Et c’est là que sa nomination est la plus fragile. A partir de maintenant, Hadja Lhabib doit porter la parole de la Belgique dans des réunions du conseil européen des affaires étrangères, elle assistera à une première réunion dès lundi prochain. Et puis il y aura  l’OTAN, les Nations Unies, etc. Débarquer dans le monde politique à ce niveau-là dans le contexte qui est celui de la guerre en Ukraine est une vraie prise de risque. Pour Hadja Lahbib, mais aussi pour la diplomatie belge.

Dans un tweet posté cet après-midi Hadja Lhabib disait prendre ses nouvelles fonctions “avec humilité et animée d’un fort sentiment de responsabilité.”  Elle a d’ailleurs refusé toutes les demandes d’interviews pour pouvoir se concentrer sur ses dossiers.  Il faut prendre sa nomination pour ce qu’elle est. C’est-à-dire d’abord et avant tout  un geste électoral. En étant en mesure d’aligner Sophie Wilmès, Michel De Maegd et désormais Hadja Lahbib dans une potentielle liste aux prochaines élections fédérales dans l’arrondissement de Bruxelles le Mouvement Réformateur est en train de sérieusement muscler son équipe  bruxelloise.  C’est  finalement une nomination très emblématique de l’action de Georges-Louis Bouchez à la présidence du parti. Une présidence très clairement tournée vers les prochaines échéances électorales.

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