La maladie d’Alzheimer touche aussi des personnes jeunes : une réalité trop peu reconnue
Si la maladie d’Alzheimer touche principalement les personnes âgées, elle peut aussi frapper des personnes plus jeunes. Problème : les démences précoces ne font l’objet d’aucune reconnaissance en Belgique francophone, et d’aucune prise en charge spécifique. Les associations réclament une plus grande attention pour ces publics et un accompagnement adapté à ses spécificités.
La maladie d’Alzheimer n’est pas réservée au grand âge. Lydie A. peut en témoigner. Il y a quelques années, l’un de ses proches, âgé de 45 ans, commence à souffrir de symptômes, qu’il ne parvient pas à identifier. « Vu son jeune âge, on attribuait ses troubles à la nervosité, au stress. » Au bout de cinq années de visites médicales et d’examens, le diagnostic tombe : l’homme est atteint de la maladie d’Alzheimer. « Une maladie qui fait peur », et dont Lydie ne connaît rien. Et la jeune femme se retrouvera bien démunie pour soutenir son proche malade. Face au manque d’information, de propositions d’accompagnement, elle lance un collectif, « Auguste et les autres » au sein duquel se retrouvent des familles confrontées à des situations identiques.
Ce cas n’est pas isolé. « On parle d’Alzheimer avec un début précoce lorsque le diagnostic est posé avant 65 ans. », explique le Dr Bernard Hanseeuw, neurologue aux Cliniques universitaires Saint-Luc, spécialiste de la maladie d’Alzheimer. En Belgique, 10% des démences concerneraient des patients entre 55-65 ans, soit environ 10.000 cas. En-dessous de 55 ans, c’est extrêmement rare. Mais ces chiffres sont à prendre avec prudence. « Il n’existe pas de statistiques officielles au niveau national. », regrette Bernard Hanseeuw, signe du manque de reconnaissance de ces pathologies spécifiques, « C’est donc très difficile à évaluer. Mais c’est une réalité : tous les neurologues ont des patients juvéniles. » Les chiffres disponibles sont en effet fournis par la Région flamande, bien plus avancée sur la question, qui dispose de 13 centres d’expertises de la démence, structures fournissant documentation, information, accompagnement, aides paramédicales, quand les francophones n’en comptent aucun.
La maison de repos, seule réponse ?
Les familles concernées se retrouvent dans un désert. « Nous avons de plus en plus de familles qui nous sollicitent pour trouver des solutions de prise en charge. Or, il n’existe rien de spécifique pour ces personnes de moins de 65 ans. », déplore Marie Bourcy, directrice de l’asbl Alzheimer Belgique. Les maladies neurodégénératives précoces supposent en effet une prise en charge spécifique. « Ces patients sont actifs, travaillent, ont des activités, ce n’est pas évident. », analyse encore le Dr Hanseeuw. En outre, « ce sont des gens qui ont des enfants encore jeunes. On peut aussi assister à une inversion des générations : j’ai une patiente qui a encore ses deux parents en bonne santé. » Et puis, ce sont des patients qui ont une espérance de vie plus longue. L’approche doit donc être bien distincte de celle prévue pour les personnes âgées. En Belgique francophone, rien n’est prévu pour ces patients encore jeunes.
La Ligue Alzheimer a lancé des « Groupes des Battants », destinés à rassembler des patients pour des séances de paroles et d’activités physiques, culturelles. Une proposition adaptée, juge Sabine Henry, la présidente de la Ligue Alzheimer, qui prend en compte le fait que ces personnes encore jeunes sont en pleine capacité physique. Mais insuffisante pour les familles qui accompagnent des malades à des stades avancés. Certes, le maintien à domicile le plus longtemps possible est évidemment favorisé. Mais en cas de perte d’autonomie ou d’évolution rapide, c’est beaucoup plus compliqué.
Il n’existe pas de structures d’hébergement adaptées pour les patients Alzheimer jeunes en perte d’autonomie. Conséquences, des personnes de moins de 65 ans n’ont bien souvent d’autres choix que d’entrer en maison de repos. Lydie l’a vécu : « C’est terrible pour eux, c’est très dur aussi pour les familles. Imaginez des enfants ou des adolescents qui vont visiter leur parent dans une séniorie … ».
Diagnostic trop tardif
Autre problème, lié en partie au manque d’information sur la précocité de ces maladies : la difficulté du diagnostic. Actuellement, il y a encore une errance diagnostique, cette période qui s’écoule entre l’apparition des symptômes et la confirmation du diagnostic, et qui constitue bien souvent une véritable souffrance pour le patient et ses proches. « Les médecins généralistes sont peu sensibilisés, et n’ont pas accès aux appareillages et examens spécialisés. Pour eux la question est de savoir à partir de quand référer chez un neurologue. Or en cas de début précoce de démence, il est capital d’avoir un diagnostic sûr et précis, car il existe plusieurs formes de maladies dégénératives, avec des manifestations différentes. Des troubles de la mémoire n’ont pas les mêmes implications pour le quotidien du malade que des troubles de l’orientation ou du langage. » En outre, une fois le diagnostic posé, la maladie est en fait déjà en route : elle commence une quinzaine d’années avant les signes de démence, tels que la perte d’autonomie consécutive à la perte de plusieurs facultés cognitives. D’om l’importance de la repérer rapidement.
Un diagnostic posé tardivement, implique une prise en charge elle aussi retardée. Avec des conséquences sur le quotidien. Dans l’emploi, par exemple. Tant que la maladie n’est pas détectée, les symptômes peuvent être assimilés à une dépression ou un burn-out. La personne sera alors écartée de son emploi, alors que ce n’est pas du tout la réponse adéquate, souligne Marie Bourcy. Un aménagement du temps de travail peut être bien plus indiqué dans le cas d’une dégénérescence cognitive.
Besoin de reconnaissance
« A l’heure actuelle, aucune réflexion n’est spécifiquement menée sur l’amélioration de la prise en charge des personnes atteintes de démence précoce. », répondait il y a un mois le ministre de la Santé Alain Maron (Ecolo) à une interpellation de la députée bruxelloise Magali Plovie (Ecolo). L’élue soulevait notamment les questions des conditions d’accueil de ces résidents jeunes dans les maisons de repos, du manque d’information et de sensibilisation du milieu médical, et du travail ainsi que du grand public en général, et plaidait pour une prise en charge adaptée et un meilleur soutien aux familles
Le ministre indiquait qu’il n’était pas prévu de créer de lieu spécifique d’accueil, jugeant qu’une estimation préalable des besoins étaient nécessaires. Certes, mais rien n’indique que celle-ci soit prévue. Enfin Alain Maron mentionnait également les aides proposées par les associations spécialisées (Ligue Alzheimer, Alzheimer Belgique) et les formations sur la démences à la disposition du personnel de santé.
Pour Lydie, comme pour les familles membres de son collectif, une réflexion sur les formes d’accueil à développer pour ces jeunes victimes de maladies dégénératives est une priorité, pour les malades, comme pour leurs proches. Mais la reconnaissance, par le secteur médical, comme par le grand public est la première étape et elle est essentielle.
S.R. – Photo : Pixabay