Un procès et une loi pour donner un statut aux livreurs des plateformes de livraison

Ce jeudi a démarré le procès de 28 livreurs contre la plateforme Deliveroo. Ils demandent une régularisation de leur statut d’indépendant en salarié. L’ONSS ainsi que les syndicats se sont joints à cette action en justice devant le tribunal du travail de Bruxelles.

C’est une affaire qui a démarré voici 2 ans. 28 livreurs de la plateforme Deliveroo ont décidé de porter plainte contre ce qu’ils considèrent être leur employeur. Pour eux, ils ne devraient pas être indépendant mais bien être salarié de Deliveroo.

En plus, l’ONSS s’est joint à l’action car suite à l’enquête de l’auditorat du travail, il a été montré que les travailleurs auraient dû être salariés. En effet, il s’agirait d’un travail digital comparable à celui du travail à la chaîne puisque les livreurs doivent dire quand ils travaillent puis cliquer quand ils sont devant le restaurant et chez le client. C’est aussi la plateforme qui leur donne des courses.

Evidemment, pour Deliveroo, ses travailleurs sont bien des indépendants puisqu’ils peuvent prendre leur congé quand ils le désirent, peuvent se connecter quand ils le souhaitent et travailler pour la concurrence.

Ce matin, les plaidoiries ont eu lieu et pour Tom Peeters, permanent de la FGTB Transport UBT à Bruxelles, il ne fait pas de doute que le tribunal du travail leur donnera gain de cause. “L’auditorat a montré qu’il fallait un contrat de travail. Deliveroo use un système qui n’est pas juste. Cela ne va pas pour les travailleurs permanents. Ils n’ont aucun droit. Deliveroo ne paie pas d’impôt ni d’ONSS.”

Sans salarié, les syndicats ne peuvent pas non plus intégrer les plateformes et défendre les travailleurs pour améliorer leurs conditions de travail. On estime qu’aujourd’hui, entre 3 et 4.000 personnes travaillent pour Deliveroo.

La loi sur l’économie collaborative

Il faut rappeler aussi qu’en 2017, Alexander De Croo avait fait passer une loi concernant l’économie collaborative, appelée aussi P2P. Cela permet aux travailleurs de ne payer que 10% d’impôt sur 6.390 euros de revenu annuel avec un maximum de 500 euros par mois. Les travailleurs des plateformes passent par ce système qui ne leur ouvre aucun droit en terme de sécurité sociale. Comme ils sont plafonnés dans leur revenu, un système parallèle de location de compte s’est installé. Des gens ont créé des comptes simplement pour les louer à des livreurs réellement actifs. Ce système est utilisé pour pouvoir toujours bénéficier de la loi P2P ou par des travailleurs sans papier.

Régulariser le secteur

La décision du tribunal du travail va avoir un impact et créer une jurisprudence. Elle est attendue pour la fin de l’année. Si le juge donne raison aux travailleurs, alors d’autres pourraient porter plainte contre Delivroo mais aussi Uber eats. En Belgique, 100.000 personnes ont travaillé pour une plateforme et cela a augmenté avec le covid.

En Espagne, un jugement a été en faveur des travailleurs et Delivroo s’est retiré du marché car il n’était alors plus rentable.

Une directive européenne se prépare également et devrait être discutée le 8 décembre prochain avec une présomption de salariat pour les travailleurs de ces plateformes. Cela pourrait rapporter des milliards d’euros aux états en terme de cotisations sociales.

Enfin, une proposition de loi a été déposée à la chambre par Vooruit et le PS. La députée Sophie Thémont a déjà exposé le texte en commission emploi et elle propose un statut pour les travailleurs. “L’objectif est de donner un statut de salariés aux travailleurs avec une protection sociale et un salaire décent. Il faut un contrat de travail avec des droits et un salaire minimum.”

Les travailleurs des plateformes pourraient soit être salariés soit indépendants complémentaires voire à la limite utiliser la loi sur l’économie collaborative mais sans possibilité de louer des comptes. En tout cas, le ministre de l’Emploi, Pierre-Yves Dermagne a dit vouloir proposer un texte au plus tard pour juin 2022.

■ Interviews de Tom Peeters, permanent FGTB et de Sophie Thémont, députée fédérale PS par Vanessa Lhuillier