Rue de la Loi : les 3 scénarios d’Egbert Lachaert
Il ne reste que quelques heures à attendre. Ce vendredi, le président de l’Open VLD Egbert Lachaert fera rapport au souverain. On saura alors s’il a pu, ou non, esquisser les contours d’une coalition majoritaire comme le Roi le lui avait demandé. Ces derniers jours, les contacts entre les différents partenaires ont donc été intenses, avec des rencontres, le plus souvent bilatérales, et surtout des conversations téléphoniques qui s’enchainaient à haut rythme (certains négociateurs étant d’ailleurs à l’étranger). Avec des frustrations aussi, notamment dans la famille sociale-chrétienne où on avait le sentiment de ne pas être autant associés que d’autres, ou des inquiétudes, chez les socialistes, où l’on voulait s’assurer que le programme gouvernemental en préparation n’allait pas une fois de plus virer fort sur sa droite, même si , rassurant, Ahmed Laaouej estimait mercredi qu’on était plus près que jamais d’une solution.
Au sommet de l’Open VLD, on se refusait à tout commentaire. Le CD&V continuait d’entretenir une communication ambigüe propre à faire monter les enchères et la N-VA se montrait menaçante. Voila pour le paysage médiatique, ou le résumé de l’action visible de la semaine en cours. Dans les coulisses, la tonalité était plutôt celle d’un optimisme prudent… mais où le terme prudent l’emportait sur l’optimisme. Au petit jeu des pronostics, on peut envisager 3 cas de figures.
1. Le CD&V accepte d’entrer dans une négociation sans la N-VA. C’est l’hypothèse la plus favorable. Celle qui permet de lancer de vraies négociations pour ce que les spécialistes appellent la “Grande Vivaldi” (PS-SPA-MR-VLD-CD&V-Ecolo-Groen). L’avantage pour le CD&V est d’y apparaitre comme indispensable, l’occasion de peser sur les choix programmatiques (par exemple de ficeler dans l’accord de gouvernement qu’on ne touchera pas à la législation sur l’IVG). Dans ce scénario, le cdH reste dans l’opposition. Il n’est pas nécessaire et certains partenaires flamands ont fait savoir ces derniers jours que 4 partis francophones, c’était un peu trop… Egbert Lachaert a alors réussi sa mission. Il peut passer le relais ou poursuivre, seul ou en duo, avec un statut de formateur de gouvernement. Ces derniers jours les remous autour de Jan Jambon ont pu laisser croire que l’hypothèse devenait sérieuse : le ministre Pieter De Crem, un des plus chauds partisans de l’alliance avec les nationalistes au CD&V, n’ayant pas hésité à mouiller son prédécesseur qui ne savait soi-disant rien des agissements policiers de Charleroi.
2. Le CD&V refuse d’entrer en négociation, et on se tourne vers le CDH, dont Maxime Prévot, dans un costume d’homme d’État, a dit ces dernières semaines qu’il était disponible sans être ouvertement demandeur. C’est la “petite Vivaldi”, avec 80 députés. Elle est moins confortable car moins forte du côté néerlandophone, décevante pour certains francophones (il faut se répartir 7 portefeuilles entre 4 formations) mais elle a le mérite d’exister. Les plus machiavéliques n’excluent pas qu’il faille passer par la petite Vivaldi pour atteindre la grande (ce n’est que quand on commencera à négocier sans le CD&V qu’il se désolidarisera de la N-VA) avec le risque d’avoir une maxi Vivaldi (CD&V et CDH ensemble) au bout du compte.
Dans ces deux cas (scénarios 1 et 2), il faudra encore trouver un point d’équilibre qui ne heurte pas les socialistes (pas de dégressivité supplémentaire du chômage) ou les libéraux (pas d’impôt nouveau, sur le capital par exemple), tout en ajoutant une touche verte (il faudra peut-être choisir entre des objectifs climats ambitieux et l’abandon du nucléaire). Bref, personne n’aura vraiment ce qu’il souhaitait, ce sera par nature un gouvernement au centre, le plus petit dénominateur commun diront les esprits chagrins, mais on aura sauvé le pays.
3. La pression de la N-VA est finalement la plus forte. CD&V et Open VLD renoncent à gouverner sans elle. C’est le retour à la case départ ou presque. On peut alors envisager le gouvernement d’Union Nationale (avec la N-VA, le PS et tous les autres), ou un gouvernement d’experts, ou des élections… Bien sûr, on peut imaginer des variantes, ne pas exclure l’Arizona, alors que le président de l’Open VLD peut aussi demander une prolongation. Mais le temps presse, le Palais Royal ne sera sans doute pas enclin à tergiverser si on ne lui propose pas un scénario crédible pour les jours à venir.