Rue de la Loi : Charles Michel et la politique belge, ce n’est qu’un au revoir (J+38)

Peut-on partir vers le niveau européen, sans faire en sorte que cela soit un aller simple ? A 43 ans peut-on, après avoir été ministre wallon à 24 ans et Premier ministre du gouvernement fédéral à 39,  obtenir la présidence du conseil européen, en se disant qu’on garde dans sa poche un billet de retour pour la politique belge ? Toutes ces questions Charles Michel est en droit de ses les poser au lendemain de sa nomination par le Conseil européen.

Après l’euphorie de l’annonce, les premières déclarations, la projection dans un nouveau monde, l’un de ses lieutenants, Georges-Louis Bouchez a ramené le monde politique et les commentateurs à la réalité du moment : Charles Michel est nommé certes, mais sa prise de fonction n’interviendra qu’au 1erdécembre. En attendant il entend bien rester Premier Ministre du gouvernement en affaires courantes, président du Mouvement Réformateur et surtout négociateur en chef des libéraux francophones pour tous les niveaux de pouvoir. Ceux qui s’imaginaient que cette nomination pourrait aider à débloquer le jeu au fédéral ou faciliter le dialogue entre formations politiques en Wallonie sont donc renvoyés à leurs études.

Bien sûr ce message, concerté avec le principal intéressé, a d’abord pour objectif de calmer le jeu et couper les appétits d’autres libéraux en interne. Charles Michel reste le patron, il tient à le faire savoir, et ceux qui s’aventureraient à s’exprimer ou à vouloir négocier à sa place s’exposeront à des réactions. C’est le message court-terme avec effet immédiat. Mais on peut y lire aussi une intention à plus long terme : celle de ne pas se désintéresser de la politique belge quoiqu’il arrive. Charles Michel ne s’enfuit pas vers le niveau européen. Il s’accorde une nouvelle expérience mais gardera un œil sur ce qui se passe au gouvernement fédéral et à l’avenue de la Toison d’Or (siège du Mouvement Réformateur). Après tout il n’y a que 1 400 mètres à parcourir pour passer du 16 rue de la loi, au numéro 175 de la même rue, siège du Conseil Européen. A l’aller le trajet à pied dure 19 minutes. Le faire en sens retour prendra 5 ans et  rien n’est garanti, mais rien n’est impossible.

Car la position de Charles Michel est singulière : à la différence de Wilfried Maertens, Jean-Luc Dehaene, Guy Verhofstadt, Herman Van Rompuy ou Yves Leterme il ne quitte pas le 16 sans espoir d’y revenir un jour. Le niveau européen n’est pas pour lui un bâton de maréchal ou un sas vers la pension. Il pourrait donc être tenté, comme Elio Di Rupo, mais avec d’autres cartes en main, de continuer à jouer un rôle sur la scène nationale même si c’est avec un peu de distance. Pour cela Charles Michel devrait installer des « personnes relais » aux postes clefs. La nomination des ministres, si elle devait se concrétiser par exemple en Wallonie, avant le 1erdécembre, l’attribution d’un mandat de commissaire européen et l’installation d’un nouveau président de parti sont autant d’outils utiles. Soit pour assurer la promotion d’un homme ou d’une femme de confiance, soit pour éloigner un concurrent potentiel.

Dans ce stratégo, l’élection d’un président du MR est une pièce maitresse. Il avait été annoncé que cette élection serait organisée à l’issue des négociations gouvernementales, mais la date du 1erdécembre risque de devenir le nouvel horizon du calendrier libéral. Avec trois candidats possibles dans l’entourage de Charles Michel : Willy Borsus (l’expérience) Sophie Wilmes (la modernité) ou Georges-Louis Bouchez lui-même (le rajeunissement). Et une inconnue pour l’instant : la volonté de Didier Reynders de laisser faire ou de contrarier les projets micheliens. En cas d’élections ouvertes, l’actuel ministre des affaires étrangères, à condition qu’il décide de se présenter en personne, ne manque pas d’arguments. S’ils veulent éviter un nouvel affrontement interne les deux hommes vont devoir se parler.