Procès de l’attentat du musée juif : trois parties civiles témoignent
Le procès de l’attentat du Musée juif est entré dans une nouvelle phase ce vendredi avec l’audition de plusieurs personnes qui se sont portées partie civile : la mère d’Alexandre Strens, décédé des suites de la fusillade, le directeur du Musée juif de Belgique ainsi qu’une artiste chilienne présente lors de l’attaque.
Après une journée de pause en raison de la décision de Mehdi Nemmouche de ne pas répondre aux questions de la cour, le procès de l’attentat du Musée juif a repris ce vendredi avec les auditions de plusieurs personnes qui se sont portées partie civile dans ce procès d’assises. Annie Adam (photo ci-dessus), la maman d’Alexandre Strens, l’employée du Musée juif décédé quelques jours après la fusillade, a ainsi été entendue, tout comme Philippe Blondin, le directeur du musée. À la demande de Me Vincent Lurquin, sa cliente Mme Villalobos, une artiste chilienne de 81 ans présente dans le musée lors de l’attaque, a aussi témoigné.
► Voir aussi : Les déclarations de Nacer Bendrer lors de son interrogatoire : il nie avoir fourni des armes à Mehdi Nemmouche (vidéo)
“Que justice soit faite”
“Alexandre était un garçon très charmant, gentil et travailleur. Il était un passionné d’histoire et de musique”, a déclaré la mère d’Alexandre Strens. “Alexandre voyageait beaucoup aussi. A l’école, c’était un très bon élève. Son seul souci c’était d’étudier. J’ai voulu donner à mes enfants une bonne éducation”, a poursuivi la mère du jeune employé du Musée juif de Belgique, victime de la fusillade qui a eu lieu le 24 mai 2014. Ce dernier était âgé de 26 ans.
“À l’école, il avait fait un travail sur les horreurs d’Auschwitz. Il était ensuite allé avec sa classe visiter le camp d’Auschwitz. Il voulait que jamais plus une histoire comme ça ne se passe”, a dit cette mère de huit enfants, dont Alexandre était l’avant-dernier. “Aujourd’hui, je suis comme une maman à qui on a coupé ses ailes. Je parle à Alexandre tout le temps. Il était très proche de moi. Il me téléphonait tous les jours”, a-t-elle encore confié.
La mère d’Alexandre Strens a par ailleurs dit ne pas être au courant de l’orientation religieuse de son fils, qui s’était revendiqué du judaïsme auprès de plusieurs personnes. “J’ai élevé mes enfants dans l’humanisme”, a-t-elle simplement commenté.
Elle a par ailleurs appris l’attentat au musée par sa fille, la police l’a ensuite contactée pour lui annoncer que son fils faisait partie des blessés. “Je suis arrivée en soirée à l’hôpital et j’ai entendu des médecins se demander: ‘On le débranche ou pas?'” Elle a néanmoins eu l’occasion de le voir et de lui parler avant son décès. Le jeune homme est décédé des suites de ses blessures le 6 juin 2014. “Je ne demande qu’une chose, que justice soit faite”, a conclu sa mère devant la cour.
À la suite de cette audition, les avocats de Mehdi Nemmouche ont annoncé le dépôt de nouvelles pièces au dossier, affirmant notamment qu’Alexandre Strens avait une double identité et a voyagé en Israël.
► Découvrez notre dossier complet sur le procès de l’attentat du Musée juif.
“Je n’arrive pas à comprendre”
Une artiste chilienne de 81 ans, qui se trouvait au Musée juif de Belgique lors de l’attentat le 24 mai 2014, a qualifié cette attaque d’“ignoble”. “Je n’arrive pas à comprendre un acte pareil”, a-t-elle dit vendredi devant la cour d’assises de Bruxelles. Elle a raconté que, le 24 mai 2014, elle était venue visiter avec une amie l’exposition que cette dernière avait conçue au Musée juif, rue des Minimes à Bruxelles. Toutes deux devaient ensuite dîner avec Alexandre Strens, employé du musée et victime de l’attaque. “Nous avons entendu des coups de feu très très forts. J’ai toujours une appréhension quand j’entends des coups de feu parce que, dans mon pays, au Chili, j’ai échappé à la dictature. Mais je sais ce qu’il s’y est passé. Je ne peux pas entendre des coups de feu sans penser à la mort”, a-t-elle dit.
“Lorsque nous sommes descendues vers le rez-de-chaussée, un policier nous a empêchées de sortir. Nous avons attendu jusqu’à 22h00 environ avant de pouvoir sortir. Ensuite, je me suis sentie en danger. On se dit qu’à quelques secondes près, on aurait pu y passer aussi”, a raconté la témoin. “Aujourd’hui, ma vie est suspendue au-dessus de quelque chose qui n’est pas résolu. Quelqu’un se donne le droit de générer la mort d’autrui, comme ça. Je n’arrive pas à comprendre un acte pareil. Ma vie a été chamboulée”, a-t-elle déclaré, très émue.
Le président du musée témoigne
Ensuite, la présidente de la cour, Laurence Massart, a interrogé le président du Musée juif de Belgique Philippe Blondin sur les mesures de sécurité en place au Musée juif. “Deux boutons se situent sur le bureau” de l’accueil, a expliqué Philippe Blondin. “À la droite du siège, un bouton blanc large servait à désamorcer le magnétisme qui bloque la porte en verre qui se situe entre le hall d’entrée et l’accueil”, a-t-il exposé. Cette porte, une fois le rabat fermé, se bloquait automatiquement.
“Un autre bouton, plus petit, était relié à une société de surveillance. Lorsqu’on appuie dessus, la société est prévenue, vérifie ce qu’il en est et agit en conséquence” en prévenant la police par exemple. Le président du musée a admis ignorer si le bouton fonctionnait bien ce jour-là mais aucune défectuosité n’avait été constatée dans les jours précédant l’attaque. “Selon mon interprétation des images, Dominique Sabrier a essayé d’atteindre le bouton mais n’a manifestement pas réussi.”
Par ailleurs, Philippe Blondin a souligné que le musée n’exerçait qu’une activité culturelle et aucune action politique. “Nous n’avons jamais reçu de menace. Aucun graffiti n’a jamais été dessiné. Aucun membre du personnel n’a jamais été menacé”, a-t-il insisté. “Ce qui est arrivé était pour nous comme un éclat de tonnerre.”
Les images de vidéosurveillance
À la demande des avocats de Mehdi Nemmouche, les images de vidéosurveillance du Musée juif de Belgique lors de l’attaque qui a duré 82 secondes et tué quatre personnes, ont été visionnées. Alors que le procureur fédéral Bernard Michel a demandé que les auditions filmées de Mehdi Nemmouche puissent être diffusées durant le procès, vu que l’accusé ne souhaite pas parler.
Dans ce procès, Mehdi Nemmouche et Nacer Bendrer, deux Français âgés de 33 et 30 ans, sont accusés d’être auteurs ou co-auteurs de l’attaque terroriste commise le 24 mai 2014 au Musée juif de Belgique, situé rue des Minimes à Bruxelles. L’attentat avait coûté la vie à quatre personnes : Emanuel et Miriam Riva, un couple de touristes israéliens, Dominique Sabrier, une bénévole du musée, et Alexandre Strens, un employé du musée.
■ Reportage de Camille Tang Quynh et Yannick Vangansbeek.
Revivez notre direct depuis le Palais de justice de Bruxelles
12h38 – L’audience se clôture
Les images seront encore diffusées, par extraits, lors des prochaines auditions des enquêteurs, prévues la semaine prochaine.
La présidente de la cour d’assises annonce la fin de cette audience. Le procès se poursuivra ce lundi à 9h00, pour six jours d’audition des juges d’instruction et enquêteurs.
12h34 – Les images de la fusillade
On découvre tardivement les images de vidéosurveillance dans la salle de presse, à côté de la cour d’assises. On passe à la caméra 4 et aux séquences filmées dans la salle d’accueil du Musée juif. On voit notamment la fusillade, et l tireur qui tire avec son revolver sur Alexandre Strens puis avec son fusil d’assaut sur Dominique Sabrier.
Une séquence suivante montre qu’Alexandre Strens bougeait encore quand des personnes sont rentrées par la force dans la salle d’accueil pour lui donner les premiers secours. Les images continuent de défiler et montrent l’arrivée des secours et de la police.
12h16 – Plusieurs séquences
Les images sont diffusées en plusieurs séquences par caméra. Après trois séquences de la caméra 1, qui montre un angle de l’entrée depuis la rue, on passe à quatre séquences de la caméra 2, qui montre un autre angle de l’entrée depuis la rue. Ensuite, la cour, le jury, les avocats et les accusés découvrent les images de la caméra 3, à l’intérieur du hall d’entrée du Musée juif.
12h11 – Visionnage
Nacer Bendrer et Mehdi Nemmouche suivent attentivement ces séquences. Cela discute entre certains avocats de la partie civile, alors que Me Courtoy lit en même temps des documents.
12h09 – Les images de vidéosurveillance
Les images de vidéosurveillance vont désormais être visionnées. Les images brutes de quatre caméras de musée vont être diffusées. Soit une à deux minutes à chaque fois. Cette diffusion n’est pas visible pour la presse.
La présidente de la cour d’assises précise qu’aucun commentaire ne sera possible de la part des avocats ou du parquet. “Vous pourrez en parler lorsque les enquêteurs seront interrogés la semaine prochaine”, explique-t-elle.
12h06 – Commentaire
L’audience reprend. Me Vanderbeck, avocat de Nacer Bendrer reprend la parole et revient sur les jugements de Nacer Bendrer déposés au dossier, ce vendredi matin, par le procureur fédéral. Il affirme que Nacer Bendrer n’a pas menti, contrairement à ce que disait le procureur ce matin. “J’ai la faiblesse de penser que Nacer Bendrer est apparu d’une grande sincérité” lors de l’interrogatoire, clame-t-il. “Et cela gène le parquet et les parties civiles”.
11h40 – Nouvelle réplique de Me Courtoy
Me Masset, avocat du Musée juif de Belgique, revient sur l’audition de son client et salue son “humanisme” et “l’éducation nécessaire” pour la démocratie.
Me Courtoy, avocat de Mehdi Nemmouche, réplique en affirmant : “Pour faire un attentat, on ne va pas dans un musée vide”. “Il y a une synagogue 300 mètres pas loin. Avec une kalachnikov et 300 munitions, on ne va pas dans le musée juif”, clame-t-il. “Il n’y a pas de complot. S’il y a complot, soit de l’État Islamique, soit un complot visant des agents. Personne n’a jamais affirmé, à part quelques journalistes un peu fainéants, que ce serait le Mossad qui aurait tué ses propres agents. (…) Cette explication a été fournie par le journal le plus sérieux d’Israël. Tout cela paraît obscure mais cela vous sera démontré”.
Il dépose une nouvelle pièce, qui serait un témoignage d’une cousine de la famille Riva qui révélerait que l’époux a travaillé à Berlin.
L’audience est suspendue sur ces propos. Retour dans une vingtaine de minutes pour les images de vidéosurveillance.
11h35 – Les victimes
Le directeur du Musée juif de Belgique demande encore de dire un mot. Il estime que c’est “regrettable” que les noms des victimes n’ont pas été nommés depuis le début du procès, jusqu’à ce vendredi. La présidente de la cour d’assises rappelle qu’il s’agit de la procédure et que le tribunal n’est “pas un lieu d’hommage”.
11h31 – Questions techniques
Me Courtoy s’interroge également sur l’emplacement exact de l’émetteur de l’alarme, permettant d’envoyer l’alerte à l’entreprise de sécurité. “Ce bouton doit travailler, à mon sens, via un système téléphonique. Mais techniquement, je suis incapable de répondre à vos questions”, explique le directeur. Me Courtoy se demande également comment arriver au bâtiment arrière de la rue de la samaritaine. “Il y a bien un accès via la rue de la Samaritaine. C’est un accès protégé avec une porte en métal. Il y a des clés à l’intérieur pour ouvrir l’accès sur la rue. Mais seulement à l’intérieur”, explique le directeur.
11h29 – Le nombre de visiteurs
Me Courtoy, avocat de Mehdi Nemmouche, veut poser une question : “Est-ce que Mr Blondin peut signaler le nombre de visiteurs en mai 2014 ?” Selon lui, le jour des faits, quatre visiteurs dont deux qui ont visité leur propre exposition étaient là au musée.
“Les oeuvres exposées ce jour n’étaient pas des oeuvres à la portée de tout le monde”, explique le directeur. “Je ne me rappelle pas des chiffres de 2014. Pour l’instant, nous tournons autour de 30 à 35.000 visiteurs par an, soit 100 visiteurs par jour en moyenne. À l’époque, on était autour de 15.000 visiteurs pour l’exposition sur Gotlib (NDLR : juste après la réouverture du musée). Il est vrai que le jour de l’attaque, heureusement que nous n’avions pas 40 élèves d’une école qui venaient visiter le Musée juif”.
11h25 – Questions du jury
Une question du jury : Alexandre Strens jouait-il un rôle de curateur ? “Je pense que Mme Villalobos s’est trompée dans les rôles. Non, Alexandre Strens n’était pas curateur“, explique-t-il.
Le jury se demande également si le musée est aussi “areligieux”. “C’est un musée juif, en effet. Mais nous n’avons de comptes à rendre qu’à notre ministre de tutelle, la ministre de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Nous avons une position humaniste, ouverte, et de culture. Dès que je suis arrivé en fonction, j’ai plaidé pour ouvrir le samedi car il s’agit d’un musée”, explique Philippe Blondin.
11h21 – Attentif
Cette fois, Mehdi Nemmouche regarde plus souvent le témoin. Il reste toutefois aussi les yeux vers le sol à plusieurs moments. Nacer Bendrer reste, pour sa part, toujours attentif.
11h19 – L’avenir du musée
Philippe Blondin insiste : “Le Musée juif n’est pas la 5e victime de cette attaque”. “Nous avons profité de ces quatre mois de fermeture pour réfléchir à notre futur”, explique le directeur du musée. Il confie que de nombreuses expositions temporaires et des collaborations avec des artistes ont été organisées depuis 2014. Il revient longuement sur tous les projets portés par le musée depuis lors.
11h16 – La police
Sur le fait que la police aurait été appelée le samedi précédant l’attaque pour des soupçons, Philippe Blondin dit qu’il n’est pas au courant. La police, elle, n’a pas de trace d’intervention à cette date-là.
Toujours concernant la sécurité, la présidente de la cour d’assises s’interroge sur ce qui était en place le samedi de l’attaque. “Des bénévoles et Alexandre Strens travaillaient le week-end”, explique Philippe Blondin.
11h14 – La sécurité du musée
Le président du musée explique que les boutons au bureau de l’accueil, ont deux fonctions. L’un permet l’ouverture de la porte entre le hall d’entrée et l’accueil, et l’autre permet d’appeler la police directement. L’enquête a toutefois révélé que cela a été relié une société de sécurité. “Je m’excuse, je me suis trompé : il est en effet relié à une société de sécurité”, rectifie Philippe Blondin. “La société prend les mesures qu’il faut, vérifier ce qu’il se passe, et vient sur place avec la police et les pompiers si nécessaire”.
“Le bouton fonctionnait-il ce jour là ?”, demande la présidente de la cour. “En principe, cela devait fonctionner. Mais je ne peux répondre à votre question”.
D’après les vidéos que Philippe Blondin a pu visionner, le directeur du musée estime que Dominique Sabrier a bien essayé d’appuyer sur le bouton.
11h11 – Le couple Riva
Le directeur du musée affirme qu’il ne connaissait pas le couple Riva. Il dit qu’ils étaient “comme le Thaïlandais tué à Strasbourg”.
11h08 – Pas de menace
La présidente de la cour d’assises demande si le musée avait des positions politiques et s’il avait déjà fait l’objet de menaces. Le directeur du musée revient sur l’article 2 des statuts de l’association en charge du musée. “Notre musée n’a jamais d’activité politique. Elle n’a qu’une activité qui est culturelle”, explique-t-il.
Le directeur explique encore que seules quatre ou cinq personnes sont de confession juive sur tous les employés actuels au Musée juif. Il affirme encore que le musée n’a jamais fait l’objet de menaces.
11h06 – Le rôle d’Alexandre Strens
Concernant Alexandre Strens, ce dernier est arrivé via Actiris pour gérer également l’accueil. “C’est un garçon qui m’a directement épaté par sa beauté, sa franchise”, explique Philippe Blondin. “Alexandre pouvait aussi s’asseoir au côté de Dominique à l’accueil. Mais il aimait sa balader et accueillir debout ou emmener les visiteurs dans le musée”.
11h03 – Le rôle de Dominique Sabrier
Place à l’audition du directeur du Musée juif de Belgique au moment des faits, Philippe Blondin. Directeur depuis 2012, il est toujours en charge du musée, avec une quinzaine de personnes employées et plusieurs bénévoles à sa charge.
Il revient sur les rôles de Dominique Sabier et d’Alexandre Strens. “Dominique Sabrier, c’est une femme intelligente, cultivée, élégante, raffinée. Elle avait frappé à notre porte quelques mois auparavant. Elle nous avait demandé pour travailler comme bénévole à l’accueil. Elle était heureuse de retrouver ses traces au sein du musée, car à l’époque, elle avait perdu contact avec sa judéité. C’était l’occasion de la retrouver au sein de notre association. Elle travaillait à l’accueil les samedi et dimanche”, explique-t-elle. “Elle avait des relations d’amitié extrêmement fortes avec Alexandre Strens. Ils venaient travailler ensemble et Dominique demandait de toujours être là quand Alexandre Strens était là”.
“Dominique était la meilleure ambassadrice qu’on puisse trouver pour un musée”, ajoute encore Philippe Blondin.
10h58 – Réplique
Me Laquay, avocat de Mehdi Nemmouche, revient sur le témoignage de Mme Billeke Villalobos : “Elle a dit de manière factuelle : ‘Je n’ai rien vu, rien entendu'”.
Pourtant, elle a bien dit avoir entendu des coups de feu.
10h51 – Sous le choc
Comme pour la mère d’Alexandre Strens, Mehdi Nemmouche garde son regard par terre ou face à la présidente de la cour d’assises. Nacer Bendrer regarde, lui, la témoin.
De son côté, Clara Billeke Villalobos explique que depuis l’attaque, elle reste sous le choc : “Quelqu’un s’est abrogé le droit de donner la mort. Dans un pays de démocratie et d’accueil. Cela me fait mal qu’on puisse donner la mort comme ça. Je n’arrive pas à comprendre un acte pareil. Je dors très mal. Ma vie est chamboulée, elle a été arrêtée sur quelque chose que je n’aime pas du tout. J’avais juste une seule envie en sortant : je voulais donner un coup de poing. Puis je me suis dis que je devais avoir la lucidité”. Elle termine en pleurs, visiblement choquée.
Aucune autre question n’est posée. Son audition est terminée. Me Lurquin, son avocat, termine par un commentaire : “Il faut graver ce qu’elle nous a dit dans notre cœur et dans votre délibéré. C’est ça l’essentiel du procès”, clame-t-il.
10h48 – La sortie du musée
Clara Billeke Villalobos a finalement pu quitter plus tard le Musée juif avec son amie. “C’est une dame qui s’occupait de l’enquête, une femme un peu rude, nerveuse, qui nous a fait sortir l’un après l’autre”, explique-t-elle. “J’étais très mal et j’essayais de pouvoir sortir de là car je n’en pouvais plus. Je me sentais en danger même si je savais que tout était déjà passé”, affirme-t-elle, avec des trémolos dans la voix. “J’ai entendu les coups de feu mais je n’ai rien vu. J’ai fermé les yeux en sortant du musée. J’ai juste vu quelques traces par terre”. Sous le choc, elle est tombée contre le mur avant de chuter au sol. Son amie, qui a été infirmière, l’a aidée, et a appelé une ambulance. Elle a ensuite été emmenée à l’hôpital.
10h43 – “La police arrive”
Clara Billeke Villalobos explique alors que la police est arrivée juste après dans la pièce de l’exposition. “Ils nous ont demandé ce qu’on faisait là et nous ont expliqué qu’il y avait eu un attentat”, raconte-t-elle. Elle s’est alors souvenu de la dame qui travaillait à l’accueil. “J’ai pensé à elle et à Alexandre Strens. Je ne l’avais pas encore rencontré jusqu’ici”, explique-t-elle.
“Je me suis mise à penser au fait qu’on aurait pu être à l’entrée. On est passé à rien du tout d’une mort certaine”, raconte encore l’artiste. “Les policiers nous ont empêché de sortir. On a pas eu de détails. Mon amie, elle, a reçu un coup de téléphone lui expliquant qu’elle était dans un attentat. Mais on ne savait juste pas plus que ça”.
“Je ne peux pas imaginer qu’en Belgique, on en est encore au stade qu’un musée juif puisse être attaqué. Qu’il peut y avoir ce genre d’attaque”, lâche-t-elle encore.
10h39 – Le récit de la fusillade
Clara Billeke Villalobos, une artiste d’origine chilienne, accompagnait une autre personne au Musée juif de Belgique et devait rencontrer Alexandre Strens à propos de l’organisation de son exposition au Musée juif. “J’étais admiratif du travail de ce garçon”, explique-t-elle. “J’étais là en tant qu’amie et en tant que public intéressé”.
Elle explique avoir regardé les œuvres de l’exposition, avant de rentrer dans une salle pour regarder un film. “Puis on a entendu des coups de feu”, explique-t-elle. Son amie lui a répondu que c’était peut-être issu du film. En larmes, elle explique avoir échappé à la dictature chilienne et que les coups de feu lui faisaient donc peur. “Je lui répétais que cela ressemblait à des coups de feu”.
Elles sont finalement sorties à la fin du film, puis Clara Billeke Villalobos a regardé d’autres photos de l’exposition, pendant que son amie est partie fumer.
10h34 – Une témoin de l’attaque à la barre
Clara Billeke Villalobos (81 ans), une personne qui visitait le Musée juif de Belgique le 24 mai 2014 lors de l’attaque, est désormais interrogée. “Je passe des moments très difficiles. C’est une histoire que je ne domine pas très bien. Je n’arrête pas de réfléchir à cela. Je suis aidée par un psychologue car toute seule, je n’y arrive pas”, explique-t-elle. Elle affirme avoir été suivi par une personne juste après l’attaque, mais celle-ci n’a pu poursuivre le travail. Elle est désormais suivie par un autre psychologue.
“C’était tellement affreux qu’on ne peut pas arrêter de réfléchir à ça. C’est un problème de société, un problème de racisme, il faut le dire”, lance-t-elle. “Je pense à la famille de chacun de ces victimes”.
10h30 – Me Courtoy affirme qu’Alexandre Strens avait une double identité
Me Courtoy, l’avocat de Mehdi Nemmouche, fait un commentaire sur cette audition d’Annie Adam : “Le chagrin d’une maman, on respecte. C’est la raison pour laquelle nous n’avons posé aucune question”. Il ajoute : “Il y a toutefois un autre impératif : c’est savoir ce qui va se passer. Il faut également comprendre le mobile, et connaître les personnes qui sont visées”.
Il annonce qu’il va déposer des documents concernant d’Emmanuel Riva et Alexandre Strens, qui aurait une double identité. Son compagnon, qui viendra témoigner lors du procès, aurait affirmé qu’il vivait sous l’identité d’Alexandre Dieter. Il dit que le père avait été fiché à la Sûreté de l’État pour des problèmes en Iran. “Le commissaire Schmidt, de la DR6, a mené un véritable interrogatoire du père d’Alexandre Strens”, lance-t-il. Il s’interroge également sur un voyage en Israël d’Alexandre Strens.
10h24 – L’enfance d’Alexandre Strens
Me Dalne revient encore sur l’enfance d’Alexandre Strens. Annie Adam : “C’était un garçon qui rangeait toujours, il participait à toutes les fêtes d’école, les tombola. Parfois, pendant les vacances, il allait s’occuper d’enfants pour enseigner le français. Il était toujours au service des autres, pour le bien des autres. Il aimait connaître le monde et se faire des relations”.
L’avocat interroge encore la mère d’Alexandre sur sa petite-fille : “J’ai élevé ma petite-fille car une de mes filles, sa maman, est malade. Je la garde depuis ses 40 jours, elle a ses 17 ans aujourd’hui. Si je n’avais pas ma petite-fille, je serais plus souvent près de la tombe d’Alexandre, au Maroc”.
10h20 – “Il voulait dire quelque chose”
Me Dalne, l’avocat d’Annie Adam, pose des questions à sa cliente. Il revient sur son accueil “compliqué” et “désolant” à l’hôpital : “Un professeur m’a dit qu’Alexandre pouvait m’entendre du côté gauche car il avait reçu la balle à droite. Je lui ai alors dit : ‘La justice est avec toi’. Il a poussé un râle, il voulait dire quelque chose mais on n’a pu entendre”.
L’avocat interroge Annie Adam sur le premier contact avec les policiers après la fusillade : “Ce sont mes enfants qui ont eu un premier contact. Ils ont dit à Nathalie (NDLR : une de ses filles) qu’il était parmi les blessés. (…) La police m’a ensuite convoqué. Ils m’ont demandé d’où venaient mes noms, ils ont insisté là-dessus mais j’ai dit que c’était mon nom. Je leur ai dit que j’étais là pour mon fils”.
10h15 – “On va le débrancher ?”
“On ne m’a pas averti directement qu’Alexandre était à l’hôpital. C’est ma fille qui a appris qu’il y avait eu une fusillade au Musée juif. J’ai alors appris qu’il était à l’hôpital”, explique Annie Adam. “À l’hôpital, on m’a dit : ‘On va le débrancher ? Il lui reste un demi-kilo de cervelle. Il est mort’. Mon sang n’a fait qu’un tour. (…) On doit mettre des gants quand on dit ce genre de choses, non?”
La mère d’Alexandre Strens veut se souvenir d’un fils “humain”, “gentil”. Elle explique qu’ils ont notamment été au Maroc ensemble, qu’il “souriait aux enfants”, qu’il “était généreux”.
Par rapport au fait qu’Alexandre Strens se réclamait parfois du judaïsme, sa mère dit que “c’est personnel” : “On ne parlait jamais de ça. (…) On a juste parlé, comme à tous mes enfants, des religions musulmane et juive”.
10h12 – “Que justice soit faite”
Annie Adam revient sur ses origines et son arrivée du Maroc en Belgique. Elle explique avoir été accueillie par une famille en Belgique, la famille Strens, et a dès lors changé de prénom et de nom “par arrêté royal”. Elle voulait “une intégration totale” en Belgique. C’est ici qu’elle a rencontré son mari “qui travaillait à la mine”, alors qu’elle a travaillé “pendant quarante ans en tant que technicienne de surface à l’hôpital de Nivelles”. Annie Adam explique avoir été celle qui a élevé ses enfants. “J’ai élevé mes enfants dans l’humanisme, rien d’autre”, affirme-t-elle.
“Aujourd’hui, on est là pour la mémoire d’Alexandre, pas pour un procès me concernant. Je ne demande qu’une chose, c’est que justice soit faite”, dit-elle avec émotion dans la voix.
10h08 – Mehdi Nemmouche ne regarde pas Annie Adam
“C’est moi l’église au milieu du village”, explique Annie Adam à propos des relations entre ses enfants et elle. “Entre mes enfants, il y a des différences, notamment au niveau de leur travail”.
Durant ce témoignage, Nacer Bendrer regarde la mère d’Alexandre Strens, alors que Mehdi Nemmouche garde son regard sur la présidente de la cour d’assises ou devant lui. Il évite de regarder la personne auditionnée.
10h04 – “Il n’est jamais rentré chez lui”
Annie Adam répète souvent “Alexandre” pour évoquer la vie de son fils. “Alexandre a eu un travail au Musée juif, qu’il considérait comme sa famille”, affirme-t-elle. “Il était en dernière année en économie internationale. Il n’y a pas un jour où il ne me téléphonait pas”.
“Le 24 mai, je devais souper avec lui ce soir-là. Il n’est jamais rentré chez lui”, explique-t-elle. “Je parle à Alexandre tout le temps, je vais plusieurs fois sur sa tombe.”
10h00 – L’audition d’Annie Adam
Les auditions peuvent commencer. On commence par Annie Adam (68 ans), la mère d’Alexandre Strens, l’employé du Musée juif de Belgique tué lors de la fusillade. Elle n’a jusqu’ici jamais parlé à la presse et s’est portée partie civile à l’encontre des deux accusés.
Alexandre était le 7e de ses 8 enfants. La présidente de la cour d’assises l’interroge sur sa famille. “Alexandre était un garçon très charmant, gentil, courageux, travailleur. Il avait la main sur le coeur. Il était à mes côtés, c’était quelqu’un qui se confiait beaucoup à moi et m’écoutait. Son seul souhait, c’était d’étudier. Il était passionné par l’histoire et la musique. Il avait toujours un livre à lire”, explique-t-elle. “C’était un excellent élève. Pour moi, avec l’éducation, on a tout”.
9h58 – La défense de Nacer Bendrer répond
Me Vanderbeck, avocat de Nacer Bendrer, se dit étonné du fait que le parquet “distille les informations au fil du procès” et qu’il a “attendu le 18 janvier 2019 pour s’intéresser au passé judiciaire” de Nacer Bendrer.
9h57 – La défense de Nemmouche réplique
Face à ces demandes, l’avocat de Mehdi Nemmouche Me Laquay estime que cette proposition du parquet ne fait que “dévier le procès”. “Une fois de plus, cela n’a rien à voir avec les faits qui nous occupent”, estime l’avocat. Il affirme aussi qu’il s’agit d’une perte de temps “de plusieurs heures” et regrette que ses demandes de visionnage d’émissions de RTL et de la RTBF ont été refusées par le parquet. Il s’étonne également de la demande d’analyse psychiatrique de ces auditions.
Me Courtoy, l’autre conseil de l’accusé, prend également la parole et affirme que l’analyse psychiatrique de Mounir Attalah le disait “sociopathe” alors “qu’il n’a pas commis les faits qu’on lui attribuait”. Il affirme que ces expertises sont “une pseudo-science”.
9h47 – Les auditions filmées de Mehdi Nemmouche
Le procureur Bernard Michel revient sur le fait que Mehdi Nemmouche n’a pas souhaité répondre aux questions de la cour. Il explique avoir regardé ce jeudi les auditions filmées de Mehdi Nemmouche durant l’enquête. Il souligne les attitudes de Mehdi Nemmouche “qui semble parfois au Club Med”, “des moments où il se marre”, “où il fait de l’humour”… “Il y a toute une série de choses qui, de mon point de vue, sont interpellantes”, estime-t-il.
Le procureur fédéral demande donc de voir ces auditions filmées de Mehdi Nemmouche lors de ce procès. “Au moins les 7 auditions réalisées à Paris”, précise-t-il.
Le procureur fédéral souhaite également que ces auditions filmées soient soumises à des experts psychiatriques, afin que ces derniers fassent une analyse concernant Mehdi Nemmouche. Ce dernier, en pull jaune, reste souvent les coudes sur la table, le menton sur ses bras, presque couché.
9h45 – Quatre nouvelles pièces au dossier
La présidente de la cour d’assises précise que le retard est dû au fait que “les trains ne sont pas à l’heure”.
Le procureur fédéral prend la parole et annonce qu’il a quatre pièces à ajouter au dossier : deux précédents jugements de Nacer Bendrer devant la justice française, ainsi que deux jugements concernant des affaires d’armes sur le frère cadet de Nacer Bendrer. Nacer Bendrer hoche la tête négativement.
9h40 – L’audience débute
Après 40 minutes d’attente, l’audience de ce vendredi peut enfin commencer. Seul Me Courtoy et Me Taelman, avocats de Mehdi Nemmouche, ne sont pas présents pour l’instant.
8h45 – Le procès reprend ce vendredi
La presse est de nouveau nombreuse, ce vendredi, pour assister à la reprise du procès de l’attentat du Musée juif de Belgique. Le témoignage des parties civiles est très attendu, avant que les enquêteurs soient interrogés, la semaine prochaine. Les avocats arrivent également au compte-gouttes. L’audience doit reprendre vers 9h00.
Grégory Ienco, avec Camille Tang Quynh et Belga – Photos : Belga/Igor Preys et Pool/Dirk Waem