Child Focus peut désormais analyser les images de pédopornographie qui lui sont transmises (témoignage)
Child Focus réalisera désormais une première analyse des images à caractère pédopornographique qui lui sont signalées, a annoncé sa directrice générale, Heidi De Pauw, lors d’une conférence de presse à Bruxelles jeudi matin. Celle-ci précédait la signature d’un protocole de collaboration en ce sens entre les autorités judiciaires et policières du pays et Child Focus.
Laurie, une victime de pédopornographie témoigne (vidéo ci-dessus)
“Il faut vraiment qu’il y ait une bonne collaboration entre la police et Child Focus”, Laurie se dit très satisfaite par cette nouvelle loi, elle aurait voulu que cette démarche soit faite avant pour qu’elle puisse en bénéficier, aujourd’hui elle témoigne publiquement pour aider les autres victimes.
Le protocole entre dans le cadre de l’organisation internationale INHOPE
Ce réseau, qui regroupe 51 points de contact dans 45 pays, lutte contre la pornographie enfantine via Internet en échangeant et analysant des signalements entre pays. Child Focus est le membre belge d’INHOPE, mais son point de contact n’était jusqu’ici pas totalement opérationnel. En effet, le droit belge “interdit à quiconque, sans exception légale et quelle que soit l’intention, de visionner des images d’abus sexuels d’enfants”, a expliqué Yasmin Van Damme, de Child Focus. L’organisation n’était dès lors pas autorisée à analyser les différents signalements qui lui sont transmis (environ 800 par an) via son formulaire en ligne, et n’agissait donc pas concrètement au sein d’INHOPE. De plus, les informations transmises par Child Focus à la police fédérale n’étaient pas systématiquement traitées. Un projet de loi, porté par le ministre de la Justice Koen Geens, permettant à Child Focus d’analyser le contenu et l’origine de ces images a finalement été approuvé en mai 2016. Child Focus a ensuite été reconnu comme point de contact en novembre. Le protocole signé jeudi vient officialiser ce rôle et explicite la procédure à suivre. Il doit permettre une collaboration plus rapide et plus efficace entre l’organisation et les autorités policières et judiciaires belges. Le rôle international de Child Focus se voit également renforcé. Concrètement, quatre collaborateurs ont été formés chez Interpol et INHOPE et travailleront quotidiennement, sous forme de roulement, au visionnage des images et à leur analyse. Une “salle de détente”, avec notamment une console de jeux, a aussi été installée, dans laquelle ces collaborateurs seront obligés de se rendre pour décompresser, a détaillé l’un des deux superviseurs de l’équipe lors d’une visite des infrastructures. Certains images peuvent en effet être “insoutenables”. Les collaborateurs seront aussi régulièrement suivis psychologiquement. Child Focus transmettra ensuite les images à la police fédérale. Le contenu qui est hébergé à l’étranger et dans un pays du réseau INHOPE sera envoyé au point de contact dudit pays pour la suite de leur traitement. Au départ, l’idée de faire de Child Focus un premier véritable filtre et d’impliquer la société civile n’a pas suscité l’enthousiasme du collège des procureurs généraux, a par ailleurs rappelé Christian de Valkeneer. Le collège percevait cela comme “une privatisation de l’enquête pénale”. “Mais les réserves législatives ont ensuite été levées, la loi a changé.” Le procureur général a ainsi souligné “la volonté du ministère public de lutter contre la pédopornographie, avec un système qui augmentera l’efficacité dans ce domaine-là.” “Tous les signalements entrants seront tout de même transmis à la police, et il reviendra toujours au ministère public d’évaluer dans quelles mesures les images sont en infraction par rapport à la loi et doivent faire l’objet de poursuites”, a quant à lui précisé le ministre de la Justice, Koen Geens. L’expertise de Child Focus “permettra d’aider la police et le parquet dans la transmission d’éventuelles infractions”, assure ministre. “La Belgique fait un pas en avant”, a déclaré jeudi Laurie, une victime qui a tenu à sortir de l’anonymat et témoigner. “Aujourd’hui j’ai confiance en moi, je suis bien entourée. (…) Je suis ici pour provoquer un séisme, briser le silence et ce mutisme destructeur”, a-t-elle poursuivi, ajoutant qu'”il ne faut jamais perdre espoir”. “Je n’ai pas bénéficié du soutien nécessaire durant dix ans, mais cela a abouti par la suite. Il n’est jamais trop tard.” “La mise offline de ces sites web est surtout importante pour les victimes, qui non seulement doivent vivre avec les séquelles de l’abus sexuel le restant de leur vie, mais savent en outre que les images continuent à circuler”, a conclu Heidi De Pauw. Les signataires de l’accord sont le ministre de la Justice Koen Geens, le commissaire général Catherine De Bolle, le directeur de la police judiciaire fédérale Claude Fontaine, le procureur général Christian De Valkeneer et la directrice générale de Child Focus Heidi De Pauw. (avec Belga)