L’édito de Fabrice Grosfilley : good move, la campagne qui continue

Dans son édito de ce jeudi 13 juin, Fabrice Grosfilley revient sur le tacle de Georges-Louis Bouchez envers Elke Van den Brandt.

Peut-on en finir avec Good Move ? Rayer d’un trait ce plan de mobilité et partir dans une autre direction ? Oui, il le faut, et il faut le faire vite et fort, cela semble être la position défendue par Georges-Louis Bouchez, le président du Mouvement Réformateur. Georges-Louis Bouchez qui  multiplie les déclarations sur ce sujet depuis deux jours. Ce mercredi soir encore, sur LN24, le président du MR s’est montré particulièrement déterminé. Face à lui, Elke Van den Brandt, ministre de la Mobilité du gouvernement bruxellois sortant, qui a remporté les élections dans le collège néerlandophone et qui estime donc, elle aussi, être renforcée pour poursuivre sa politique. Elle le disait dès lundi matin sur BX1 : “J’ai un mandat pour cela.” Ce mano a mano entre Georges-Louis Bouchez et Elke Van den Brandt est doucement en train de monter. C’est une mayonnaise politique classique : on personnalise les enjeux, on adopte une position intransigeante, on s’assassine à coup de petites phrases.

“Nous avons gagné avec un engagement clair… Mme Van den Brandt doit aussi accepter la réalité arithmétique. Cela s’appelle être démocrate”, lançait Georges-Louis Bouchez chez nos confrères, invitant Elke Van den Brandt à comparer son score personnel avec celui des ténors libéraux. Bref, Georges-Louis Bouchez est toujours en opposition frontale avec les écologistes : “Ils ont déjà pris Bruxelles en otage avec Good Move. Est-ce qu’ils veulent la prendre en otage institutionnellement ?” disait le président du MR, qui envisageait d’avoir recours à une majorité parlementaire pour contourner l’obstruction de la ministre néerlandophone (c’est mathématiquement possible, mais il est politiquement incompréhensible d’annoncer à une partenaire qu’on passera en force sur un sujet aussi important). En regardant cette séquence, on pourrait se demander si la campagne électorale est réellement terminée et si le MR est réellement en train d’essayer de former une majorité pour gouverner Bruxelles.

En réalité, Elke Van den Brandt et le parti Groen sont incontournables en région bruxelloise. Même si son score électoral n’a aucune commune mesure avec celui du Mouvement Réformateur, les deux partis ne boxent pas dans la même catégorie, Groen est bien le premier parti néerlandophone. Pour pouvoir s’en passer, il faudrait pas moins de cinq partis : l’Open VLD, le CD&V, Vooruit, mais aussi la N-VA et la Team Ahidar. Autant dire que c’est impossible. Deuxième mauvaise nouvelle pour ceux qui voudraient mettre Elke Van den Brandt hors-jeu : la manière dont on forme les gouvernements bruxellois. Elle est la suivante : on négocie dans des collèges linguistiques séparés, puis dans la dernière ligne droite, on attribue. Le premier parti francophone prend la ministre-présidence, puis le premier parti néerlandophone est le suivant à avoir la main et peut donc choisir la compétence de son choix. En partant en croisade contre Elke Van den Brandt, Georges-Louis Bouchez n’ignore pas qu’il se heurte à une réalité institutionnelle qui ne lui est pas favorable. Mais il met la pression, au risque d’apparaître comme celui qui dicte la politique du Mouvement Réformateur à Bruxelles aussi. C’est un partage des rôles qu’on a déjà pu observer : Georges-Louis Bouchez, c’est le bad cop, celui qui parle très fort et fixe des objectifs difficilement atteignables. David Leisterh, c’est le good cop, celui qui reste discret et est chargé de trouver les compromis. Quand le good cop risque de paraître trop fade sur un enjeu jugé essentiel, le bad cop reprend son mégaphone. Au risque évidemment de compliquer les négociations.

On l’a déjà dit et on le répète : il est facile de dire qu’on ne veut plus de Good Move, il est plus compliqué de dire ce que l’on fera à la place. Est-ce qu’on va effectivement retirer des pistes cyclables ? Est-ce qu’on va renoncer aux zones 30 ? Est-ce qu’on va réinstaller des places de parking ? Est-ce qu’on va retirer des sites propres pour les trams ou les bus ? On soulignera que sur ces questions, le MR et l’Open VLD, par exemple, ne sont pas totalement alignés. On peut évidemment retirer l’étiquette Good Move, ce concept marketing est complètement démonétisé. C’est devenu un symbole, un slogan, cela ne dit rien de concret. Le MR, les Engagés, Groen et tous ceux qui participeront à la négociation seront donc invités, quoi qu’il arrive, à dépasser les slogans et à dire concrètement ce qu’ils veulent en matière de mobilité.

Deuxième observation : une politique de mobilité se construit sur le long terme. Le plan Good Move était censé s’étaler sur 10 ans. À l’évidence, on va donc l’arrêter à mi-parcours. Mais c’est un paquebot, pas une vedette rapide. Le virage ne sera pas immédiat, même si on peut bien sûr prendre quelques décisions spectaculaires pour frapper l’opinion. Mais il ne faudrait pas que la nouvelle majorité fasse la même erreur que la précédente : avancer trop vite et sans concertation. Concerter, on l’a compris, ça prend du temps. Il faut surtout se rappeler qu’en région bruxelloise, les compétences en matière de mobilité sont partagées entre la région et les communes. Cela avait été la grande force des écologistes néerlandophones dans la législature précédente. Ils avaient pris la compétence de la mobilité au niveau régional, mais aussi dans les communes, partout où ils pouvaient. S’il veut vraiment peser sur la mobilité de demain, le Mouvement Réformateur devra faire la même chose dans les nouveaux collèges communaux. Ce sera l’un des enjeux des élections du mois d’octobre. C’est aussi comme cela qu’il faut comprendre les déclarations du moment. Les élections régionales sont derrière nous, mais la campagne pour les communales vient de commencer. Elle se jouera en partie sur la mobilité.

Fabrice Grosfilley

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13 juin 2024 - 10h29
Modifié le 13 juin 2024 - 10h29