Les cours et tribunaux demandes aux politiques “une augmentation du budget de la justice”
Quelques jours après le ministère public, ce sont les cours et tribunaux qui ont fait le point ce lundi sur leurs revendications à l’adresse des prochains gouvernements du pays.
Le Collège des cours et tribunaux soutient “une augmentation indispensable du budget de la justice”. Mais il faut aussi mieux allouer ces moyens, ce qui suppose d’investir dans l’autonomisation de la gestion de l’ordre judiciaire, a-t-il plaidé lors d’une conférence de presse.
Depuis 2014, une loi prévoit l’introduction d’une gestion autonome pour l’organisation judiciaire. Or le service d’appui du Collège des cours et tribunaux n’a toujours pas reçu les moyens et le personnel nécessaires pour mener les missions qui lui sont confiées par cette loi. “La situation est dramatique”, déplorent Pol Van Iseghem et Didier Rinskopf, respectivement président du Collège et directeur de son service d’appui. “Le service d’appui dispose de 17,2 équivalents temps plein pour soutenir une organisation d’environ 6.000 personnes (1.500 magistrats et 4.500 greffiers et autres collaborateurs)”, a rappelé Didier Rinskopf. “Le ministre de la Justice dit souhaiter la gestion autonome mais il ne nous donne pas les moyens de la développer.”
Répartition des moyens
En attendant d’y parvenir, le Collège a comme priorité d’objectiver la répartition des moyens entre les juridictions. Actuellement, le Collège n’a aucune compétence décisionnelle en matière de personnel, ses avis ne sont pas toujours suivis par le ministre de la Justice tandis que les cadres légaux ne sont pas remplis. Les cours et tribunaux veulent pouvoir participer directement à l’ouverture des places vacantes, à l’aide d’un modèle d’allocation en cours de finalisation.
Les deux autres priorités du Collège sont d’améliorer les statistiques judiciaires et de prendre en charge l’informatisation des cours et tribunaux. Des tâches de longue haleine qui doivent elles aussi soutenir la gestion autonome de l’ordre judiciaire.
Les équipes du service d’appui ont déjà bien avancé pour uniformiser les pratiques d’encodage, avec comme objectif d’aboutir à des statistiques exhaustives et comparables pour mesurer l’activité de chaque juridiction. Des tests sont en cours pour analyser les premières données récoltées. Mais des difficultés subsistent encore à cause du manque d’interconnexion des plateformes informatiques.
Besoins informatiques
L’informatique des cours et tribunaux, c’est “un monstre à mille têtes”, a appuyé Pol Van Iseghem. Son développement est intégralement géré par le ministre de la Justice et le SPF Justice. Le Collège voudrait pouvoir intervenir dans les décisions : l’informatisation doit reposer “sur les besoins informatiques des justiciables, des magistrats et des collaborateurs des cours et tribunaux et non uniquement sur la vision du monde politique ou les technologies et capacités informatiques du SPF Justice”, argumente-t-il. Le Collège aurait préféré qu’on interconnecte mieux les plateformes existantes plutôt que de basculer tous les systèmes dans l’application “MaCH”, a illustré Didier Rinskopf. L’informatisation a surtout été pensée pour la chaîne pénale et non pour tous les cours et tribunaux dans leur diversité, a-t-il ajouté. Prochainement, le service d’appui va compléter ses effectifs pour aider l’ordre judiciaire à élaborer sa propre stratégie informatique et à faire part de ses priorités.
“Ces dernières années, on a réalisé des investissements sans être sûrs qu’ils soient les plus pertinents. Il faut passer par le Collège pour déterminer là où les besoins sont les plus criants”, a résumé Didier Rinskopf.
Affaire Julie Van Espen, audiences supprimées par manque de magistrats, bâtiments judiciaires décrépis,… Les cours et tribunaux sont inquiets pour leur avenir et affectés par le tableau guère reluisant qu’on donne d’eux dans les médias, ont rapporté plus largement Pol Van Iseghem et Didier Rinskopf. Toutes les décisions politiques qui impliquent l’ordre judiciaire, quel que soit le niveau de pouvoir, devraient être analysées sur le plan budgétaire par un “bureau d’impact”, défendent-ils. “Sinon on prend des mesures d’économie invisibles!”
Jeudi dernier, le ministère public a publié un “livre blanc” pour implorer lui aussi le prochain gouvernement fédéral de refinancer la justice et soutenir sa gestion autonome. Koen Geens, le ministre sortant de la Justice, a annoncé avant les élections qu’il ne briguerait pas de second mandat si le budget de la justice n’était pas augmenté de 750 millions d’euros. (avec Belga)
■ Reportage de Thomas Dufrasne et Marjorie Fellinger.