Attentats de Bruxelles: “Désengager les returnees nécessite un processus long et fragile”

La menace que constituent les individus radicalisés de retour de Syrie et d’Irak a fortement diminué par rapport à ce qu’elle était avant les attentats du 22 mars 2016.

Cependant, leur désengagement nécessite un processus long et extrêmement fragile, explique Thomas Renard, chercheur à l’Institut Egmont et spécialiste du terrorisme.

Le nombre de mouvements entre les zones de combat en Syrie et en Irak et la Belgique s’est effondré depuis quelques années, passant d’une bonne vingtaine par mois au plus fort du phénomène à moins d’un par mois en moyenne désormais.

“On en est à une dizaine de retours depuis 2016”, précise Thomas Renard. Outre les difficultés de l’État islamique, il y a aussi eu un accord avec la Turquie, un renforcement du contrôle des frontières, ou encore des mesures administratives pour empêcher des gens de voyager, ajoute-t-il.

Pour autant, un attentat impliquant un “returnee” n’est évidemment pas impossible. Un individu pourrait se glisser dans un flux de réfugiés comme cela a été le cas de membres de la cellule à l’oeuvre à Paris et Bruxelles. Par ailleurs, des combattants de la “quatrième vague” qui ont été incarcérés à leur retour sont déjà sortis et parmi eux, certains suscitent des inquiétudes.

Le terreau toujours présent

“Il y a des signaux positifs, mais pas pour tous”, précise le chercheur. “Et même pour les cas positifs, il faut voir si ça dure. La radicalisation nécessite un terreau fertile, mais c’est un processus banal qui combine des frustrations et des mauvaises fréquentations. Cela crée un effet boule de neige, comme cela a été le cas en Belgique.” L’un des problèmes, estime M. Renard, c’est que le terreau est toujours là. “Rien n’a été fait pour s’attaquer à la ghettoisation, au racisme, à la discrimination. Les trois phrases prononcées par Salah Abdeslam à son procès ont eu un large écho, et pas uniquement chez les radicaux belges. Le sentiment de discrimination est très large au sein de la population musulmane européenne.”

Bien que la Belgique ne soit certainement pas le plus mauvais élève de la classe européenne, les trajectoires de désengagement pour détenus radicalisés n’existent vraiment que depuis fin 2017, avec un taux de réussite “variable”, précise le chercheur.

Le désengagement est extrêmement fragile, et nécessite un suivi très poussé, parfois pendant des années car les signes de rechute sont difficiles à détecter, insiste-t-il. D’où l’importance de continuer à investir pour généraliser et pérenniser les initiatives, qui sont majoritairement locales et soutenues par des fonds exceptionnels (plan canal, fonds européens, etc.). “Si tel n’est pas le cas, on risque de perdre les personnes qui connaissant mieux que quiconque le phénomène et des programmes qui semblent prometteurs, même s’ils sont pour l’instant encore difficiles à évaluer.”

Les autorités estiment que quelque 280 Belges ayant quitté le pays pour la Syrie ou l’Irak ne sont pas rentrés, dont la moitié seraient morts.

Avec Belga