Députée ou échevine : Françoise Schepmans ne compte pas choisir
Un an et demi après la dernière échéance électorale, la Région bruxelloise n’a pas avancé dans le dossier du décumul des mandats. Exercer une fonction exécutive locale tout en étant député.e reste autorisé. La plupart des partis se sont toutefois dotés de règles internes. Encore faut-il qu’elles soient respectées. A Molenbeek, la MR Françoise Schepmans résiste : elle a choisi de ne pas choisir entre ses postes d’échevine d’une grande commune et de députée régionale, malgré les principes défendus par les Réformateurs bruxellois.
Aucune loi n’interdit le cumul entre un mandat exécutif local (échevin, bourgmestre) et un siège de député à Bruxelles. Un projet d’ordonnance portant sur le décumul intégral des fonctions a été longuement discuté au parlement bruxellois au printemps 2018, mais il n’a jamais été voté, faute de majorité du côté néerlandophone.
Toutefois, échaudés par le scandale du Samusocial et l’affaire Publifin, la plupart des partis ont adopté des règles, de manière à encadrer et limiter le cumul. Ainsi Ecolo et DéFI interdisent purement et simplement dans leurs statuts tout cumul entre un mandat exécutif local et un mandat de parlementaire. Au PS et au PTB, le cumul est interdit dans les communes de plus de 50.000 habitants. Sans l’avoir encore intégré à ses statuts, dont la révision est en cours, le MR applique lui aussi le principe du décumul dans les communes de plus de 50.000 habitants. Le cdH ne dispose pas de règles internes à ce sujet.
Françoise Schepmans, un cas particulier ?
Plusieurs élus cumulent un mandat exécutif local avec un siège de député, régional ou fédéral (voir ci-dessous). Mais seul l’un d’entre eux est élu dans une commune de plus de 50.000 habitants, relève Cumuleo : la MR Françoise Schepmans, députée bruxelloise MR et échevine de la Culture francophone, du Tourisme et de l’Etat civil à Molenbeek (près de 98.000 habitants).
Peu après les élections législatives de mai 2019, l’ancienne bourgmestre de Molenbeek, assurait pourtant dans une interview à nos confrères de la Dernière Heure : “J’attends également que la coalition à Molenbeek prenne pleinement ses marques, ce qui n’est pas encore tout à fait le cas. A terme, je ne cumulerai pas.”
Un an et demi (et une pandémie) plus tard, le discours de la Molenbeekoise est sensiblement différent. Françoise Schepmans nous répond aujourd’hui : « La question ne se pose pas. Dans la situation actuelle, venir avec des histoires de règles de cumul, c’est tout à fait hors de propos. » L’échevine n’a aucunement l’intention de quitter Molenbeek à ce stade, pas plus que le parlement régional. Dans le contexte économique et sanitaire que l’on connaît, “les Molenbeekois ont besoin de moi. Je ne me verrais pas faire un pas de côté, alors que la population attend de moi que je sois présente. Les gens me connaissent depuis longtemps et me font confiance. », continue-t-elle, arguant aussi que « la majorité à Molenbeek est en outre loin d’être apaisée”.
Et les principes en application au sein du parti ? « La question n’a pas été portée devant les instances de mon parti. Celui-ci est parfaitement au courant, et n’a jamais émis la moindre remarque. Le parti ne m’a jamais demandé de choisir entre mes deux mandats. », indique encore celle qui lors des dernières élections fédérales en mai 2019, affichait des records de popularité, avec 16.856 voix de préférence, juste après le ministre-président Rudi Vervoort (PS).
A la présidence du MR bruxellois, David Leisterh nous confirme que le cas de Françoise Schepmans est particulier, dû au contexte molenbeekois. D’une part, en tant qu’échevine l’élue a hérité de compétences « légères », indique-t-il, et d’autre part, la transition à Molenbeek est « difficile » : « Succéder à Françoise Schepmans n’est pas facile, nous avons besoin d’elle pour soutenir les rangs libéraux et faire contre-poids à Catherine Moureaux (la bourgmestre PS – NDLR). » La succession se prépare, ajoute-t-il, mais cela prend du temps. Pourquoi ne pas passer par une procédure de dérogation ? « Parce qu’elle n’est pas prévue par les statuts du parti. » Les règles appliquées en matière de décumul ne figurent, en effet, pas encore dans les statuts, dont la révision est toujours en cours. Mais selon le président des Réformateurs bruxellois, Françoise Schepmans serait la seule mandataire MR dans ce cas.
Bientôt le retour des débats sur la gouvernance ?
La question devrait-elle revenir sur le métier au niveau régional ? Cela est prévu dans l’accord du gouvernement, commente Emilie Van Haute, politologue à l’ULB (Cevipol). Mais avec la crise sanitaire, les dossiers de gouvernance sont passés au second plan. « Le sujet du décumul fait partie d’un accord plus global, avec des équilibres à trouver entre les revendications portées par les francophones et celles des néerlandophones. », explique-t-elle. Pour autant, nombre de mandataires ont été élus pour leur investissement sur ces sujets-là. Ils devraient donc tôt ou tard revenir au cœur des débats.
Qui cumule à Bruxelles ?
Au PS :
Ahmed Laaouej, député fédéral et bourgmestre de Koekelberg (moins de 50.000 habitants)
Khalil Aouasti, député fédéral et échevin à Koekelberg (moins de 50.000 habitants)
Ridouane Chahid, député bruxellois et bourgmestre f.f. à Evere (moins de 50.000 habitants)
Au MR :
Vincent De Wolf, député bruxellois et bourgmestre d’Etterbeek (moins de 50.000 habitants)
David Leisterh (MR), député bruxellois et président du CPAS de Watermael-Boitsfort (moins de 50.000 habitants)
Françoise Schepmans (MR), députée bruxelloise et échevine à Molenbeek-Saint-Jean (plus de 50.000 habitants)
Au cdH :
Pierre Kompany (cdH), député bruxellois et bourgmestre de Ganshoren (moins de 50.000 habitants)
Véronique Lefrancq (cdH), députée bruxelloise et échevine à Koekelberg (moins de 50.000 habitants)
Indépendant :
Emir Kir, député fédéral et bourgmestre de Saint-Josse-ten-Noode (moins de 50.000 habitants)
(Avec Cumuleo)
S.R. – Photo : Belga/Jean-Marc Hervé Abelard