Port de signes convictionnels dans l’enseignement supérieur : une manifestation s’annonce le 5 juillet

Cette semaine, le gouvernement bruxellois doit valider la levée de l’interdiction du port des signes convictionnels dans les écoles de promotion sociale. Une décision qui fait partie de la déclaration de politique régionale mais qui va à l’encontre d’une récente décision de la Cour constitutionnelle. Un appel à la manifestation a été lancé pour le 5 juillet.

La question du port des signes convictionnels reste épineuse. Depuis longtemps, les partis politiques s’opposent sur la question et, même au sein d’une même famille, les avis divergent. Les débats existent d’ailleurs dans la famille écologiste depuis de nombreuses années et sont ressortis à l’occasion de la campagne électorale de 2019.

Il fallait donc trancher et c’est ce qui a été fait dans la déclaration de politique générale pour 2019-2024. Apportée par Ecolo, PS et DéFi ont approuvé la levée de l’interdiction du port de signes convictionnels dans les établissements de promotion sociale ainsi que dans ceux de l’enseignement supérieur dépendant de la Cocof. Cependant, la décision n’est toujours pas d’application. Elle devrait l’être dès la rentrée prochaine pour les élèves de promotion sociale. “Le point passera en gouvernement ce jeudi ou le suivant au plus tard”, nous confirme-t-on au cabinet du ministre-président bruxellois, Rudi Vervoort (PS), également en charge de la Promotion sociale. “Cela prend du temps car il faut changer le règlement d’ordre intérieur et être certain qu’il reste valable juridiquement. Nous sommes prêts pour la promotion sociale mais pas encore pour les hautes écoles. Nous espérons l’être pour la rentrée mais nous n’en sommes pas certains.”

Un arrêt de la Cour constitutionnelle observé de près

Si la Cocof est si prudente, c’est notamment à cause de l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle le 4 juin dernier. Cette dernière avait été saisie par le tribunal de première instance de Bruxelles suite à la plainte d’une étudiante contre la haute école Francisco Ferrer. Cette élève se plaignait du règlement d’ordre intérieur qui interdisait les signes convictionnels à l’intérieur de l’école.

La Cour constitutionnelle a finalement validé le règlement. La Haute école a voulu, en prenant ce règlement, créer un environnement scolaire “totalement neutre” où ne s’exerce pas une pression sociale de la part de ceux qui “rendent leur opinion visible“. Une ingérence acceptable dans la liberté religieuse, selon la Cour. “La disposition en cause ne fait pas de distinction fondée sur la nature des convictions religieuses, politiques ou philosophiques des élèves ou des étudiants. Cette disposition ne fait pas non plus naître une différence de traitement basée sur la distinction entre les convictions de la majorité et celles d’une minorité. L’interdiction que la disposition en cause permet d’instaurer ne saurait être qualifiée de mesure par laquelle l’autorité publique se montre partiale vis-à-vis des différentes convictions présentes dans la société, quand bien même une telle interdiction pourrait être perçue par certaines personnes qui adhèrent à certaines de ces convictions comme une restriction plus grave que par d’autres élèves ou étudiants“, précise l’école.

Le tribunal de première instance de Bruxelles doit encore juger l’affaire sur le fond mais il est peu probable que l’étudiante plaignante obtienne gain de cause.

Cet arrêt de la Cour constitutionnelle a satisfait l’échevine de l’Enseignement de la Ville de Bruxelles, Faouzia Hariche (PS). ” La Cour garantit la validité du projet pédagogique de la Ville visant à instituer un environnement éducatif totalement neutre et qui évite à chacun.e de subir une pression sociale liée au port ou à l’absence de port de signes convictionnels. Plus précisément, l’arrêt de la Cour constitutionnelle consacre le principe fondamental de la neutralité de l’enseignement, tel qu’il est défini par le Décret du 31 mars 1994 auquel nous adhérons pleinement,” peut-on lire dans le communiqué de l’échevine.

Un appel à la manifestation

Cependant, il n’a pas fait que des heureux. Le CCIB, le collectif contre l’islamophobie en Belgique, a notamment réagi en s’indignant. “La décision de la Cour est incompréhensible et constitue une brèche sans précédent dans notre corpus juridique garantissant le respect des droits fondamentaux en matière de convictions religieuses et philosophiques. Par cet arrêt, la Belgique ne respecte pas ses engagements internationaux en matière de libertés publiques et de non-discrimination à l’égard de tous les étudiant.e.s de notre enseignement,” explique le CCIB.

Pour le 5 juillet, un appel à la manifestation a été lancé. Sur la page Facebook de l’événement, 2.000 personnes disent vouloir y participer et 5.000 sont intéressées.  Les organisateurs disent la préparer selon les règles en vigueur.

Des jeunes femmes ont aussi lancé sur les réseaux sociaux le slogan #hijabisfightback et #touchepasamesetudes. Elles veulent pouvoir poursuivre leur cursus pour pratiquer le métier qu’elles désirent sans être discriminées. Avec plus de 2.000 publications, elles espèrent faire naître un mouvement.

Dans leurs messages, elles expliquent leur vécu. « La Belgique dans laquelle nous étudions et travaillons, dans laquelle nous nous engageons socialement dans un désir profond d’émancipation, d’instruction et d’épanouissement, devrait être une Belgique inclusive où le respect mutuel fait loi, » peut-on lire. “On restreint l’accès aux études aux femmes qui portent le foulard et on prend une décision sans nous concerter, “ clame une jeune femme dans une vidéo postée sur Facebook.

Si elles ne peuvent étudier, alors elles seront dépendantes de leurs familles et de la société à vie, concluent-elles, exhortant tous ceux qui le souhaitent à venir manifester le 5 juillet.

Vanessa Lhuillier – Photo: Facebook