Plan taxi : les députés bruxellois ont débuté des débats qui se promettent houleux

Ce mardi matin, les députés de la commission affaires intérieures ont pu ouvrir le bal des questions sur le plan taxi présenté par le ministre-président Rudi Vervoort (PS). Majorité et opposition y sont allées de leur refrain avec, évidemment, des arguments très différents. Si le PS semble ravi de la proposition, les autres groupes attirent l’attention sur les différences entre les chauffeurs de taxis de rue et de station.

Cela fait plus de 7 ans que la Région bruxelloise attend le nouveau plan qui doit réguler le secteur du transport rémunéré de personnes. Voici 4 ans, le précédent gouvernement, par la voix de Pascal Smet (one.brussels), avait rendu un premier plan qui avait été recalé, car jugé trop favorable à des plateformes comme Uber. Il aura fallu attendre encore longtemps, et surtout une décision de justice de novembre dernier, pour hâter le gouvernement.

Uber : la solution transitoire du gouvernement adoptée par la commission

L’ordonnance “Sparadrap” était née pour permettre aux chauffeurs LVC de poursuivre leurs activités en attendant l’élaboration d’un véritable plan taxi. Dans ce laps de temps, les taximen comme les chauffeurs LVC ont multiplié les manifestations devant les instances régionales pour tenter de faire entendre leurs arguments. Ce plan est ainsi le fruit d’un compromis, comme le reconnaît Rudi Vervoort, et ne peut donc satisfaire pleinement les deux parties.

Le Plan taxi approuvé en dernière lecture par le gouvernement bruxellois

En début de séance, Rudi Vervoort a ainsi présenté son plan qui distingue trois catégories dans le transport rémunéré de personnes. Tout d’abord, les véhicules de station qui sont l’équivalent des taxis classiques. Ils peuvent être pris directement dans la rue, aux stations, sans réservation et circuler sur les voies de bus. Ensuite, les véhicules de rue, à savoir les chauffeurs de LVC qui doivent être réservés via une plateforme agréée. Ils ne peuvent pas circuler sur les bandes réservées à la Stib, ni prendre des courses à titre privé. Enfin, les véhicules de cérémonie, comme les limousines, dont le statut ne changera pas.

La question des licences

Les licences seront accordées pour une durée de 7 ans renouvelables. Les plateformes devront avoir une adresse dans la capitale et répondre à certaines obligations pour pouvoir fonctionner. Les chauffeurs, eux, devront tous disposer d’un certificat de capacité. Ceux qui travaillent pour une plateforme ne pourront pas travailler pour une autre. Cela devrait redonner un peu de poids aux chauffeurs dans leurs négociations avec les exploitants.

Par contre, dans le plan taxi, on ne démine pas l’épineuse question du nombre de licences qui pourront être accordées, que cela soit pour les taxis de station ou de rue. Et sur ce point, les avis divergent selon les partis politiques. Ainsi, pour le MR tout comme les Engagés, il faut augmenter le nombre de licences. “Le transport rémunéré de personnes est une vraie question de mobilité qui complète les transports en commun et la voiture individuelle”, explique le libéral David Weytsman. “C’est aussi un enjeu de sécurité routière, surtout pour les jeunes. Il est indispensable de le développer.”

Le MR est revenu sur la nécessité de prendre cette décision à l’aide d’une étude indépendante. Celle qui avait été faite par Deloitte et qui parlait de plus de 5 000 licences est contestée par la majorité. “Une chose est certaine, avant l’ordonnance “Sparadrap”, il fallait attendre environ 5 minutes pour obtenir un véhicule. Aujourd’hui, c’est plutôt 15 à 20 minutes. Cela prouve bien que le nombre de véhicules n’est pas suffisant.”

“Ma recette n’est plus rentable” : un chauffeur LVC campe devant le siège d’Uber

Du côté des socialistes, on rappelle qu’il faut que le secteur soit rentable. Et pour cela, un quota est indispensable. “Les taxis ont été maltraités pendant des années à cause de la concurrence déloyale d’Uber”, a rappelé le député PS, Jamal Ikazban. “C’est du capitalisme sauvage qui a dérégulé le secteur. Il faut donc d’abord donner des licences aux taxis de station et surtout à ceux dont c’est le métier à temps plein. Quant aux autres, il faut les aider à sortir des griffes du capitalisme débridé.”

Chez Ecolo, on est un peu plus modéré tout en dénonçant les spéculations qui se font actuellement sur les licences. “La priorité est la rentabilité économique et il faut au moins le même nombre de licences que maintenant”, a plaidé Hicham Talhi. Même son de cloche du côté de DéFi, qui réclame une nouvelle étude objective le plus rapidement possible.

Des différences entre les chauffeurs

Plusieurs députés ont aussi pointé les différences de statuts qui vont perdurer entre les chauffeurs. Il y a évidemment la question de la circulation sur la bande de bus qui augmente la compétitivité des taxis de station. “On nous dit que les autres ne peuvent pas circuler dessus parce qu‘ils ne sont pas reconnaissables. Or, c’est faux”, clame l’Engagé, Christophe De Beukelaer. “Tout le monde les identifient via leurs plaques d’immatriculation. C’est un enjeu de mobilité pour le futur de Bruxelles.”

Selon le plan, les chauffeurs de rue ne pourraient pas obtenir de licence s’ils travaillent moins de 20 heures par semaineOn condamne les indépendants complémentaires dans ce secteur, estime David Weytsman. “Il existe au moins 15 discriminations entre chauffeurs qui pourraient faire l’objet d’un futur recours. Pourquoi ne peuvent-ils pas prendre de client à leur compte ? La course à minium 8 euros n’est pas accessible à tous les Bruxellois. La transmission des licences n’est pas claire. Tout le monde a le droit de travailler sur un même pied d’égalité.”

L’octroi des agréments

Les chauffeurs actuellement avec une licence LVC auront 6 mois pour obtenir leur agrément. Selon les Engagés, ce délai sera intenable, notamment en termes de surcharge de travail pour Bruxelles Mobilité. Du côté d’Ecolo, on regrette qu’il n’y ait pas l’instauration de quota pour féminiser la profession. “La clientèle est demandeuse de femmes et nous pouvions très bien réserver un quota de licences pour les conductrices”, ajoute Hicham Talhi.

Quant à l’agrément pour les plateformes, il faudra donc une unité d’établissement, et non forcément un siège social, dans la Région. “C’est très bien, mais insuffisant”, complète Youssef Handichi du PTB. “En plus, alors que les autres plateformes ont déjà introduit leurs demandes, la Région ne l’a pas encore fait. À croire qu’elle veut laisser Uber se développer.”

La semaine prochaine, Rudi Vervoort devra répondre aux nombreuses questions posées ce mardi par les députés. Les débats se profilent houleux. La date pour communiquer les arrêtés et notamment le fameux numerus clausus n’est pas connue. Par contre, le gouvernement espère faire valider ce nouveau plan avant les congés estivaux, pour une entrée en vigueur le 22 octobre prochain.

Vanessa Lhuillier – Photo : Belga/Dirk Waem