La mendicité bientôt réglementée à la Ville de Bruxelles ? Le débat est lancé

Réglementer la mendicité ? La Ville de Bruxelles y travaille. Un règlement est en cours de préparation au sein de la majorité PS-Ecolo-DéFI, et le sujet est en principe au menu du conseil communal de ce lundi. De son côté, l’opposition MR a rédigé une proposition dans le même sens, inspirée des textes adoptés par plusieurs villes belges, dont Etterbeek.

Le sujet est sur la table de la majorité bruxelloise. Un arrêté en vue de la régulation de la mendicité sur le territoire de la Ville est en cours de préparation, nous indique-t-on à bonne source. L’échevin des Affaires économiques Fabian Maingain (DéFI) nous confirme qu’un texte devrait aboutir prochainement. En attendant, le dossier doit être abordé ce lundi au conseil communal par le bourgmestre Philippe Close (PS). L’opposition MR se préparait à présenter au même conseil communal sa proposition de motion « visant à réglementer la mendicité ». Mais l’intervention est reportée, nous indique David Weytsman. Le chef de groupe des Réformateurs a été sollicité pour intégrer un groupe de travail, réunissant majorité et opposition.

Deux à quatre mendiants par artères

Sur la ligne défendue par la majorité, le projet est donc présenté au conseil communal. Quant à la proposition MR, elle est largement inspirée de ce qui s’est fait dans d’autres villes, comme Liège, Charleroi, Tournai, Namur et… Etterbeek. « La plupart des villes belges, au Nord comme au Sud, ont réglementé la mendicité, à l’exception de la capitale », lâche au passage David Weytsman.

Pour rappel, depuis 1993, la mendicité n’est plus un délit. Elle ne peut en conséquence être interdite. Mais elle peut être limitée et régulée, insiste l’élu réformateur, qui vise notamment des formes de mendicité agressive. « Nous avons été contactés par des associations de riverains et de commerçants qui se plaignent de nuisances. » Avec sa collègue Céline Vivier, il propose notamment, ainsi qu’il l’expliquait dans le quotidien La Capitale, de limiter le nombre de mendiants à deux ou quatre par artères dans les noyaux commerçants (Marie-Christine, Houba, De Wand, Monnaie-Fripiers, Bourse, De Brouckère, Anspach, avenue Louise, Sablon etc).

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« L’objectif est de rediriger les personnes vers les services sociaux adéquats, non pas d’interdire. » Sauf à certains endroits : comme à proximité des écoles, des marchés ou des terrasses. Le plan proposé par le MR s’inscrit dans une dynamique plus large axée sur la relance économique, la propreté publique, la qualité des noyaux commerciaux et la lutte contre le harcèlement sexiste. Les auteurs plaident aussi pour l’intensification de la lutte contre la mendicité organisée ou l’exploitation des enfants.

“On n’a jamais arrêté personne”

Le texte s’inspire notamment de ce qui a été mis en place à Etterbeek, en mai 2012. Il y a 10 ans, la majorité MR-PS-Ecolo introduisait une modification du règlement général de police pour limiter à quatre le nombre de mendiants par axes commerçants, comme du côté de la Chasse et de la rue des Tongres. Évaluée à deux reprises, « la mesure s’est révélée positive », assure le bourgmestre Vincent De Wolf (MR) : « Nous n’avons jamais arrêté personne, mais la régulation a permis de faire baisser les tensions, de calmer les relations entre commerçants et mendiants, d’écarter les personnes qui se montreraient agressives, et cela, sans interdire la mendicité. »

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Mais l’exemple etterbeekois n’a visiblement pas été beaucoup suivi à Bruxelles. Rien de cet ordre à Schaerbeek ou Saint-Josse. À Ixelles, « c’est exclu », réagit l’Ecolo Christos Doulkeridis, mais les services de polices et de prévention sont attentifs aux problèmes sous-jacents – santé mentale, toxicomanie, exploitation.

Anderlecht est sur la même ligne. Selon le bourgmestre Fabrice Cumps (PS), s’il y a de plus en plus de mendicité dans certains quartiers commerçants comme la rue Wayez, elle ne suscite pas de surcroît de plaintes.

“Un risque d’invisibilisation”

À Uccle, un travail est mené régulièrement avec les services de prévention, et de police le cas échéant, sans qu’il ait été nécessaire de définir des zones où la mendicité est interdite. « Mais on invite les mendiants à circuler, afin d’éviter les nuisances pour les commerçants ou les riverains, et on travaille avec les services sociaux », précise le bourgmestre Boris Dilliès (MR).

Quant à Saint-Gilles, qui mise aussi sur le dialogue, avec ses équipes de prévention et de médiation, « je ne vois pas quelle serait la base légale qui permettrait d’interdire l’accès à certains espaces », interroge le bourgmestre Charles Picqué (PS).

L’arsenal législatif existant est en effet suffisant, assure Nicolas De Kuyssche (Le Forum – Bruxelles contre les inégalités) : « Les comportements nuisibles liés à la mendicité sont déjà réglementés par une série de mesures. Encadrer davantage est inutile et risque de stigmatiser, et d’invisibiliser une population déjà fragile. »

S.R. – Photo : Belga/Jorge Dirkx