Horeca bruxellois : qui sont-ils ? Quel est leur réseau ?

Mis à mal par la crise du coronavirus, l’horeca bruxellois est pour l’instant à l’arrêt ou presque. De nombreux bars et restaurants font preuve de créativité pour tenir le coup jusqu’à la réouverture tant attendue.

Un dynamisme que l’on doit peut-être aux jeunes entrepreneurs qui se cachent derrière les établissements bruxellois. Des familles d’associés qui multiplient les projets. Plutôt branchés et centrés sur Ixelles et Saint-Gilles. Coup d’oeil, non exhaustif, sur cette nouvelle génération de créateurs bruxellois.

De la Maison du Peuple à Chez Franz et Chez Richard en passant par Tortue

Souvenez-vous, en 2008, La Maison du Peuple rouvrait ses portes au Parvis de Saint-Gilles. En coulisse, quatre jeunes associés qui se sont rencontrés au Belga, dont Thomas Kok. “A l’époque, on a répondu à un appel à projet. On a ouvert ça avec 5000 euros et sans réel bagage derrière nous.” Leur audace et leur énergie paient. Très vite, Thomas Kok se voit proposer d’autres projets. “Un ami d’enfance et son associé m’ont emmené dans l’aventure de Chez Franz, en 2011. Nous avons ensuite repris, à trois, Chez Richard, en 2016. Et avec un quatrième associé, nous avons ouvert le bar à vin Tortue à Uccle en 2019. Trois bars, une même famille, un même ADN.”

Ses comparses de La Maison du Peuple ne sont pas en reste. Ils ont ouvert, de leur coté, le café La Biche, place Van Meenen à Saint-Gilles, le Caberdouche, place de la Liberté, ont repris le Bar du Cirque royal et lancé la Brasserie de l’Ermitage.

Une multitude de projets  portés par de jeunes associés issus de la vague Nicolay qui a marqué Bruxelles des bars aux Halles Saint-Géry, en passant par le Tavernier, le Belga ou encore le Flamingo. “Notre génération a fait disparaître l’exploitant pur et dur qui gère seul son restaurant et le fait tourner toute sa vie”, ajoute Thomas Kok. “Gérer plusieurs projets crée de l’emploi et développe l’offre au risque peut-être de perdre l’âme de chaque établissement. 

Prochainement, Thomas Kok se lancera dans un projet qu’il mène seul, la reprise du bar-restaurant de l’hôtel Le Berger, toujours à Ixelles.Ça s’appellera Le Fripon. On espère ouvrir au mois de mai ou de juin.

Cuisine asiatique et “smash burgers”

Les ramifications ne s’arrêtent pas là. Sadri Rokbani, associé à Thomas Kok pour Chez Franz, chez Richard et Tortue, vient de se lancer dans une nouvelle aventure. Avec le duo John Prigogine et Xavier Chen qui ont lancé un nouveau concept de restaurant asiatique à Bruxelles Old Boy (Juillet 2018) et Lil Boy (octobre 2019), il fait partie de l’aventure Rambo Burger. Au menu, des smash burgers (burgers écrasés) qui font le buzz depuis le début de cette année. Le trio d’entrepreneurs est accompagné par Olivier Gilard et Vincent Losson, deux créatifs de l’agence Bold at Work. “Avec Rambo, on a le projet de développer une ligne de vêtements, on veut être créatifs aussi dans la manière dont on communique”, explique John Prigogine.  

Même profil pour le duo d’entrepreneurs John Prigogine et Xavier Chen : universitaires mais pas d’école hôtelière, ni d’histoire familiale dans l’horeca. “Nous, on ne vient pas du tout de l’horeca mais on adore aller manger au resto et on est très curieux, très attentifs à ce qui se fait. C’est une passion qui va bien au-delà du microcosme bruxellois. On essaie de suivre ce qui se passe dans d’autres grandes villes : Paris, Londres, New-York…” En créant Old Boy,  ils renouvellent le restaurant asiatique : un menu à dix plats, une belle carte des vins où l’on partage les assiettes. Le concept fait mouche lui aussi et se décline aujourd’hui en comptoir à emporter, Lil Boy. “On a travaillé sur une idée, on a fait le business plan puis on s’est bien entouré. Par exemple, Lakdhar Hamina (Caffè Al Dente, la Gazetta) nous a accompagnés durant un an comme consultant.

De nouveaux lieux qui entendent aussi bousculer les codes traditionnels de la restauration. Pas de réservation chez Old boy, il faut arriver tôt pour décrocher une table ou attendre. Même chose chez Rambo burger, pas de livraison, on vient chercher son burger et s’il y a du monde, on fait la queue. “Et on communique bien sur les réseaux sociaux. On fait tout nous-mêmes. On a une notion du beau, une identité graphique forte et quelque chose à raconter” analyse John Prigogine. Le duo espère bientôt ouvrir un Lil boy 2 “et il y aura, j’espère, un Rambo 2, 3 et 4” s’amuse-t-il.

Autour des vins naturels

Dans la famille des serial entrepreneurs de l’horeca, je demande Coralie Rutten. Diplômée de journalisme à la fin des années 90, elle entre par hasard dans l’horeca où elle œuvrait  jusqu’alors comme jobiste. Elle démarre au Tavernier, au cimetière d’Ixelles. “C’est Fred Nicolay qui m’a engagée. Il a ouvert une nouvelle voie qui a légitimé des non-professionnels de l’horeca à lancer leur bar, leur resto parce qu’ils ont une histoire à raconter.” Et Coralie ne s’arrêtera plus : Le Delecta, Yag… Et aujourd’hui un groupe de bars à vin et caviste dans lequel elle s’investit comme indépendante. “Avec l’entreprise belge ‘Vins naturels’ nous avons ouvert, à Ixelles, le bar à vin Tarzan en 2016, 6 mois plus tard, juste à côté, Jane, une cave à vin, et durant l’été 2019, Nabu, à Wouwe-Saint-Lambert.” Le groupe détient aussi 50% du Bar du canal, au bout de la rue Dansaert. 

L’idée du groupe, c’est de développer de chouettes petits bars à vin, en soutenant, les jeunes qui veulent se lancer. En contrepartie, ils vendent les vins de l’importateur”, ajoute Coralie Rutten. Mais depuis, la crise du Covid est passée par là. Tout s’est arrêté ou presque. “On attend maintenant de pouvoir rouvrir nos bars. Mais on ne sait pas quand, ni comment. C’est très difficile de se projeter. On est vraiment au jour le jour.” Au-delà de ses propres établissements, la structure réfléchit aussi à comment venir en aide à ceux qui sont aujourd’hui en difficulté. Et si elle salue la créativité dont font preuve certains en ce moment, elle est aussi curieuse de voir comment va évoluer le paysage horeca bruxellois d’après-crise. En tout cas, il en faut plus pour arrêter cette pro de l’horeca depuis plus de 20 ans. Coralie Rutten va lancer très prochainement une épicerie bio et locale à Uccle.

Dans le cadre de l’émission After sur BX1, nous avons aussi rencontré Paul-Antoine Bertin qui a lancé avec plusieurs associés Otäp, Rebel ou encore la boulangerie Grain Bakery. Thuan Lam, qui a créé Le Tigre avec son frère, puis Chez ta mère, La Laiterie et Liesse avec d’autres associés. Les frères Alexis et Arnaud Mestdag : les restaurants Takumi, La Meute, le bar La Famille. Antoine Bradfer et Carmelo Licata à qui l’on doit Cocina, la pizzeria Cocina Flagey, le Bistro nazionale ou encore l’épicerie fine Gabriella… Une liste non exhaustive.   

Plus forts ensemble ?

Travailler avec des associés permet de répartir les risques mais multiplier les projets n’implique pas toujours une solidarité entre ceux-ci. “Financièrement, ces établissements sont gérés par des sociétés indépendantes les unes des autres, donc au niveau économique, c’est un peu chacun pour soi.”, explique Thomas Kok. 

Ces multi-entrepreneurs n’ont en tout cas pas froid aux yeux et pensent tous à l’après-crise. Pour Thomas Kok, “après une année très difficile, on va certainement assister à un basculement vers des établissements avec des produits simples, favoriser la rentabilité plutôt que la convivialité qui coûte souvent plus cher.”

Valérie Leclercq