Emploi des personnes handicapées : seules sept administrations communales respectent les quotas

Les administrations des pouvoirs locaux sont soumises à des obligations en matière d’emploi de personnes en situation de handicap. Sept communes atteignent, voire dépassent, les quotas fixés en 2017 par une ordonnance régionale. Si la situation s’améliore, il reste du chemin. Quels sont les freins ? Le point à l’occasion du deuxième salon Cap vers l’emploi destiné à l’inclusion professionnelle des personnes porteuses de handicap.

Depuis l’entrée en vigueur en 2018 de l’ordonnance « relative à l’obligation d’engager des personnes en situation de handicap dans les administrations des pouvoirs locaux », la situation dans les communes a évolué. Mais selon le dernier rapport d’évaluation, publié en 2021, sur base de chiffres de 2020, on est loin du compte. La législation prévoit que les administrations des pouvoirs locaux emploient au moins une personne handicapée à mi-temps par tranche de 20 équivalents temps plein (ETP), soit 2,5% des ETP. Ces quotas peuvent être atteints soit par l’emploi direct, soit par l’emploi indirect, via le recours aux services d’entreprises de travail adapté dans le cadre de marchés publics.

Sept communes parviennent à dépasser l’obligation légale : Anderlecht (2,91%), Auderghem (2,98%), Saint-Josse (4,74%), Uccle (4,03%), Watermael-Boitsfort (2,97%), Woluwe-Saint-Lambert (2,64%) et Woluwe-Saint-Pierre (2,95%). La Ville de Bruxelles et Koekelberg sont proches des quotas imposés, avec respectivement 2,37% et 2,36% du personnel en situation de handicap. En deux ans, certaines administrations ont progressé, notamment celle d’Uccle qui passe de 2,33% à plus de 4%, Watermael-Boitsfort (1,88% en 2018; 2,97% en 2020), Jette, qui était sous la barre de 0,9% en 2018 et monte à 1,51% ou Saint-Gilles, qui grimpe de près de zéro à 1,36%. Mais d’autres ne quittent pas le bas du tableau, comme Forest (0,54%), Ganshoren (0,36%), ou Ixelles (0,65%).

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Flexibilité

« L’objectif des 2,5% est légitime mais c’est très ambitieux et difficile à atteindre au vu des fonctions auxquelles on doit pourvoir», commente Cathy Marcus (PS), échevine chargée du Personnel à Saint-Gilles. L’élue évoque des barèmes communaux peu attractifs : « Les personnes préfèrent garder l’indemnité liée à leur handicap, mais plusieurs ont signé avec la commune une convention de bénévolat rémunéré ». Enfin, selon Cathy Marcus, de manière générale, les engagements sont rares tant la situation financière de la commune (sous plan d’assainissement) est difficile. Saint-Gilles est sensibilisée, assure Cathy Marcus. Elle a notamment fait appel à DiversiCom (lire ci-dessous) et a en deux ans pu faire appel à une dizaine de travailleurs porteurs de handicap (en ce-compris le personnel d’entreprises de travail adapté via les marchés publics.)

« Il y a certes des difficultés pour les communes » , convient Marie-Laure Jonet, directrice et fondatrice de DiversiCom. Cette asbl a pour mission de promouvoir et de faciliter la mise à l’emploi des personnes en situation de handicap. Elle aide d’une part les candidats à trouver un job en adéquation avec leurs compétences et d’autre part conseillent les entreprises, publiques ou privées, qui souhaitent s’engager sur la voie de l’inclusion, sans toujours savoir comment s’y prendre. « Aujourd’hui, nous sommes à environ 200 entreprises partenaires, essentiellement à Bruxelles, dont beaucoup d’entreprises publiques. Nous avons accompagné 350 personnes, la moitié à trouver un emploi. Notre mission est de les aider à le garder et trouver pour les autres des postes qui leur conviennent. »

DiversiCom a pu concrétiser des projets avec une douzaine de communes. Et dès lors, percevoir également les difficultés auxquelles celles-ci sont confrontées. Au niveau des pouvoirs locaux, les obstacles sont souvent d’ordre administratif et financier. Les procédures de recrutement sont plus longues et les profils de poste manquent de souplesse. « Quand on travaille avec des personnes en situation de handicap, il faut faire preuve de flexibilité et d’adaptabilité car une partie des tâches fixées dans le descriptif de fonction n’est pas toujours applicable telle quelle. Les communes qui parviennent à relever le défi sont celles qui trouvent le moyen de créer des dispositifs et d’adapter les postes. » Autre frein : le système des primes régionales. Les entreprises publiques qui s’engagent à donner leur place aux personnes porteuses de handicap ont droit à une aide financière. Mais celle-ci n’est allouée qu’une fois l’objectif des 2,5% atteint. Dès lors qu’elles restent en deçà, elles ne la perçoivent pas. « Et c’est un point de blocage pour les communes. On ne leur donne pas tous les moyens nécessaires pour mettre en œuvre leurs ambitions. Elles doivent assumer elles-mêmes l’incidence économique du handicap, qui est réelle », déplore Marie-Laure Jonet.

Plans Diversité

Mais les pauvres résultats de certaines entités peuvent aussi découler d’un manque de volontarisme, observe la directrice de DiversiCom. « Il faut se donner les moyens humains de relever ce défi. En créant un service dévolu à la diversité ou à la personne en situation de handicap, par exemple. C’est essentiel. » Et il semble qu’elles soient de plus en plus nombreuses à l’avoir compris. Ainsi, par exemple, plusieurs communes, mènent des projets encourageants, et qui portent leurs fruits, analyse Marie-Laure Jonet. C’est le cas de Schaerbeek, qui, sans toutefois atteindre les quotas, a engagé, entre autres, une personne en situation de handicap à l’accueil des visiteurs de la Maison des arts ; Koekelberg, qui a pris sous contrat de formation dans une crèche communale des personnes qui ont ensuite pu être lancées et trouver du travail comme puéricultrices ; ou encore Woluwe-Saint-Pierre, qui outre plusieurs jardiniers et balayeurs, a aussi engagé au service urbanisme une personne en situation de handicap. En tout, 10 personnes en emploi direct, et cinq via des marchés publics confiés à des entreprises de travail adapté.

Anderlecht est l’une de ces communes qui a développé un plan diversité, avec un axe consacré au handicap, indique le cabinet de l’échevin Jérémie Drouart (Ecolo), chargé des Ressources humaines et de l’Égalité des chances. Selon le rapport d’évaluation, l’administration emploie une quarantaine de personnes en situation de handicap, sur un total de 1400 ETP, soit 2,91% de son personnel. L’administration collabore avec des services comme Phare et Infosourds et propose des « stages découvertes » (cinq stages sont en cours actuellement) et des contrats d’adaptation professionnelle (quatre sont en cours). En outre, elle emploie huit auxiliaires administratifs en situation de handicap. Les postes concernés ? Balayage, aide jardinier, agent d’accueil. « Nous aimerions travailler à faire évoluer ces engagements vers d’autres type de fonctions, pour montrer qu’une personne en situation de handicap peut effectuer bien d’autres métiersIl y a une grande variété de cas et de possibilités, en fonction notamment du type de handicap ». Les difficultés ? « Elles existent mais si le processus d’inclusion est bien mené, c’est extrêmement positif, car cela amène de la diversité, et cela démystifie le handicap aux yeux des autres fonctionnaires », répond le cabinet de Jérémie Drouart.

De son côté, la Ville de Bruxelles dispose depuis 2008 d’un plan Diversité, actualisé tous les cinq ans, avec un axe pour l’intégration des personnes porteuses de handicap, suivi par un coordinateur ad hoc. Les offres d’emploi sont communiquées largement aux organisations spécialisées, et des partenariats existent avec l’associatif pour encourager les candidats et candidates concernées. La commune s’est d’ailleurs fixé pour objectif d’avoir au sein de son personnel au moins 3% de travailleurs et travailleuses en situation de handicap. Elle est aujourd’hui à 2,37% selon le rapport l’évaluation de l’ordonnance, soit 82 personnes, sur un total de 4000 ETP, employés essentiellement dans les niveaux C, D E de l’administration.

Stéréotypes puissants

À Etterbeek, Vincent De Wolf (MR) affirme être particulièrement attentif à l’inclusion des personnes porteuses de handicap. Notamment au moment des recrutements, le personnel communal est sensibilisé à la question, assure le bourgmestre, si ce n’est qu’il n’existe pas de service spécifique pour favoriser l’embauche de ces publics. « Il y a une marge d’amélioration », admet-il. En matière de recrutement, par exemple, en élargissant les partenariats avec le réseau associatif spécialisé.

Mais il ne s’agit pas que de statistiques, insiste-t-il. « La volonté est bien là mais le respect des quotas, ce n’est pas qu’une question de chiffres, c’est avant tout une question humaine. » Certaines personnes employées à l’administration ne veulent pas faire mention de leur handicap, qu’elles considèrent comme une affaire privée. Et de citer le cas d’une personne muette et malentendante travaillant comme infographiste, non reconnue comme porteuse de handicap et ne figurant donc pas dans les chiffres officiels.

C’est une réalité, confirme Marie-Laure Jonet. Il n’y a aucune obligation à mentionner le handicap si la personne ne le souhaite pas. Et plus de 80% des handicaps ne sont pas visibles. C’est le cas de nombre de maladies invalidantes, comme la maladie de Crohn ou des troubles psychiques. « Sans l’incidence sur l’exercice de la fonction, un employeur peut ne pas être conscient qu’il a dans son équipe une personne atteinte de handicap ». Il faut donc prendre les chiffres avec prudence. « Nous encourageons les travailleurs et travailleuses porteuses de handicap à exprimer leurs difficultés et leurs besoins. C’est important pour leur donner toutes les chances que leur inclusion se passe bien. »

« Il est important de briser les stéréotypes autour du handicap. Certains employeurs s’inquiètent des adaptations que l’engagement de personnes en situation de handicap vont impliquer. Mais il existe une grande diversité de handicaps, certains nécessitent des aménagements, d’autres pas », recadre Jean-Louis Péters, directeur de la Centrale de l’emploi de la Ville de Bruxelles et organisateur du salon Cap vers l’emploi, ce mardi après-midi au stade Roi Baudouin. Objectif ? Mettre en contact des candidats et candidates à l’emploi avec des employeurs et employeuses potentiels, aussi bien dans le public que dans le privé.

Les choses bougent, assure Marie-Laure Jonet. « Mais il reste de nombreux freins. Les mentalités doivent encore évoluer. Les stéréotypes et les peurs ont la vie dure. Or dans les communes, il y a une telle palette de profils et un tel vivier d’emploi, qu’il y a moyen de réaliser l’inclusion le plus largement possible. »

S.R. – Photo : Arch. Bx1

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23 novembre 2021 - 15h00
Modifié le 23 novembre 2021 - 17h01