Procès des attentats de Bruxelles : “Après ce genre d’événement, je ne vois pas qui pourrait simuler”

Accusés Procès Attentats de Bruxelles 22 mars 2016 Justitia - Belga Eric Lalmand

Le procès des attentats du 22 mars 2016 se poursuit ce mercredi avec une nouvelle valse de témoins relatifs aux faits et aux accusés.

Ce mercredi, la cour d’assises de Bruxelles se réunit au Justitia pour écouter notamment le témoignage d’une psychologue de l’armée, chargée d’apporter un éclairage sur les effets neurologiques provoqués par les explosions chez les victimes.

Lors de son témoignage, il y a plusieurs semaines, une victime avait suggéré qu’il pourrait être utile d’entendre un expert sur lesdits effets, également mentionnés par plusieurs autres victimes. La présidente de la cour Laurence Massart a approuvé cette idée et demandé la convocation d’une psychologue de l’armée.

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Le reste de l’audience de mercredi est consacré aux témoignages de plusieurs connaissances des accusés Bilal El Makhoukhi et Hervé Bayingana Muhirwa. Leur présence reste toutefois à confirmer, plusieurs témoins ayant brillé par leur absence lors des précédentes audiences.

D’autres témoignages relatifs aux faits sont encore prévus jusqu’à la fin de la semaine. Ils seront suivis par les déclarations des témoins de moralité entendus afin de mieux percevoir la personnalité des accusés, entremêlées de quelques témoignages d’experts.

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12h00 – Les problèmes avec les médecins-conseils remis sur le table

Les problèmes rencontrés par les victimes des attentats avec les assurances ont été remis sur le devant de la scène, le temps d’une question. La présidente de la cour d’assises de Bruxelles a en effet interrogé la psychologue militaire Magali Huret sur la manière dont les professionnels de la santé pouvaient juger de la réalité des séquelles psychologiques des victimes.

“Comment un professionnel de la santé, comme ceux des assurances, peuvent-ils faire la différence entre ceux qui sont vraiment atteints et les autres ? Existe-t-il des outils sur lesquels se baser ou faut-il faire confiance au discours du patient ?”, a questionné Laurence Massart. “C’est avant tout l’expérience du professionnel qui va pouvoir faire la différence”, a répondu la psychologue militaire. “Il existe une liste très complète des symptômes liés à un stress post-traumatique. C’est trouvable sur internet donc une personne qui le voudrait pourrait consulter cette liste avant d’aller chez le médecin pour expliquer qu’elle souffre d’anxiété, qu’elle est plus impulsive, etc.”, a précisé Magali Huret. “Cependant, après avoir vécu ce genre d’événement, je ne vois pas bien qui pourrait simuler”, a-t-elle ajouté.

 

Leila Maron, victime de l’attentat de Maelbeek, témoigne lors du procès des attentats du 22 mars 2016. – Dessin : Belga/Janne Van Woensel Kooy

Confrontée à une autre question concernant la sensibilisation des professionnels au trauma, la psychologue a expliqué que plusieurs événements, tels que les attentats, avaient donné conscience de l’importance de détecter et de traiter les traumatismes. “Il y a un éveil des professionnels depuis une petite dizaine d’années, mais c’est encore compliqué”, a-t-elle conclu.

Durant leurs témoignages devant la cour d’assises, plusieurs victimes avaient dénoncé le comportement des assurances, dont les médecins-conseils cherchaient, selon elles, à minimiser voire nier leurs souffrances psychologiques afin de débourser le moins d’argent possible. Une situation considérée comme extrêmement violente par beaucoup de victimes.

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12h53 – “Vivre avec son traumatisme”

Durant plusieurs semaines, les victimes des attentats sont venues déposer un peu de leur fardeau devant la cour d’assises de Bruxelles. Magali Huret a levé un coin du voile sur le traumatisme vécu par les personnes présentes à Zaventem et Maelbeek, mais aussi leurs proches.

“Quand les déflagrations ont retenti, je n’ai rien fait.” Assise sur un banc, “je continuais à manger mes tartines”, avait ainsi raconté une victime de l’aéroport qui, depuis, a voulu mettre un terme à sa souffrance et au sentiment de culpabilité qui la hante en demandant l’euthanasie. Comment expliquer cette réaction que la victime elle-même ne s’explique ni ne se pardonne ? “Face à un événement beaucoup trop intense, cette femme est revenue à un comportement sécurisant : manger ses tartines sur le banc”, a exposé Magali Huret, qui travaille au centre de santé mentale de l’hôpital militaire de Neder-Over-Hembeek.

D’autres victimes ont rapporté s’être senties coupées de leurs proches, incapables de s’occuper de leurs enfants. “De nouveau, c’est une réaction assez normale“, a poursuivi l’experte. “La personne doit traiter toute une série d’informations par rapport à l’événement vécu et toutes ses conséquences (psychologiques, physiques, sociales¿). Ces informations prennent beaucoup de place sur le disque dur, si je peux oser la métaphore”, a-t-elle illustré. “Les victimes ont tellement mal qu’elles doivent prendre soin d’elles-mêmes et ne sont pas capables de prendre soin de l’autre.” Prendre conscience de son traumatisme, “cela veut dire qu’une série d’informations ont déjà été traitées et que de l’espace se libère sur le disque dur”.

Sept ans après, les victimes peuvent-elles guérir ? “Il faut vivre avec ses symptômes. On peut aider la personne à mieux gérer son quotidien, ses émotions, mais les images, odeurs, bruits et silences resteront à tout jamais.”

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15h20 – “Le jury pourrait-il être traumatisé par les récits des victimes ?”

 “Le jury pourrait-il être traumatisé par les récits des victimes des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles et Zaventem“, s’est inquiété ce mercredi un juré suppléant face à la psychologue militaire Magali Huret, qui avait abordé le concept de “traumatisme vicariant“, soit un traumatisme qui apparaît chez une personne après qu’elle a été mise en contact avec le vécu traumatique d’une autre personne.

Pendant un bon mois, les victimes survivantes ont témoigné de leurs vécus, espoirs, blessures et traumatismes devant la cour d’assises de Bruxelles qui juge 10 hommes pour la double explosion à l’aéroport et l’attentat-suicide dans le métro de Maelbeek. Des images photos et vidéos parfois difficiles ont également été diffusées à l’audience durant l’exposé de l’enquête. Ces éléments pourraient-ils créer un traumatisme chez les membres du jury, dont le procès constitue le quotidien depuis déjà cinq mois, s’est interrogé le juré suppléant. “Oui, il se pourrait que vous soyez victimes de tous les récits entendus“, a répondu la professionnelle. “C’est pour ça que vous avez droit à une assistance.” La présidente de la cour, Laurence Massart, a alors précisé qu’aucune aide n’était prévue au départ mais que la cour avait “négocié” 10 séances à la demande, après le procès pour chaque membre du jury.

Avec Belga – Photo : Belga/Eric Lalmand