Procès des attentats de Bruxelles : un ajournement du procès évité, la lecture de l’acte d’accusation se poursuit

Le procès devrait durer six à neuf mois, mais accumule déjà du retard dès les premiers jours…

C’est toujours la lecture de l’acte d’accusation qui est au programme de l’audience de lundi, au procès des attentats du 22 mars 2016, devant la cour d’assises de Bruxelles. Il était prévu que cet acte résumant l’enquête, qui est lu par les deux procureurs fédéraux, soit terminé jeudi soir. Mais la cour a pris du retard, notamment en raison de problèmes liés au transfert des accusés détenus qui ont été soulevés par les accusés eux-mêmes ainsi que par leurs conseils.

Notre dossier complet sur le procès des attentats du 22 mars 2016

La journée de lundi devait initialement être consacrée à la lecture d’éventuels actes de défense et à la constitution d’éventuelles nouvelles parties civiles, mais elle sera dédiée à la poursuite de la lecture de l’acte d’accusation, long d’environ 500 pages. Le document reprend les faits, les premiers éléments d’enquête, les devoirs d’enquête ultérieurs, l’identification et l’arrestation des accusés, leurs auditions et enfin les résultats des expertises (génétiques, légistes, psychiatriques…).

Les procureurs fédéraux en sont arrivés, jeudi soir, à un peu plus de la moitié. Il leur reste essentiellement à terminer de lire tout ce qui concerne l’accusé Ali El Haddad Asufi, puis à relater tout ce qui concerne l’accusé Bilal El Makhoukhi, l’accusé Hervé Bayingana Muhirwa et enfin les accusés Smail et Ibrahim Farisi. La présidente a annoncé, jeudi soir, que les constitutions de nouvelles parties civiles ne pourront donc avoir lieu que le lundi suivant, 19 décembre, voire mardi 20 décembre.

Procès des attentats de Bruxelles | Tout ce qu’il faut savoir pour suivre les audiences


9h41 – “Un virus circule”

La deuxième jurée suppléante, souffrante, faisait défaut à l’entame de la reprise, lundi matin, du procès des attentats de Bruxelles de mars 2016. Elle a donc été remplacée, a annoncé la présidente de la cour d’assises de Bruxelles.

La jurée était en route vers le Justitia, à Haren, mais, souffrant de fièvre, elle est finalement rentrée chez elle, a précisé Laurence Massart. Après une semaine d’audience, il ne reste déjà plus que 19 jurés suppléants sur 24 prévus.

Selon la présidente de la cour, elle-même touchée, “un virus circule” au sein de la magistrature, des avocats et des accusés.


9h45 – Salah Abdeslam aussi malade

Malade, Salah Abdeslam n’était pas présent au Justitia à l’entame de la reprise, lundi matin, du procès des attentats de Bruxelles de mars 2016. Hervé Bayingana Muhirwa, autre accusé, est également souffrant mais a, lui, fait le déplacement jusqu’au palais de justice installé dans l’ancien siège de l’Otan à Haren.

L’ensemble des accusés détenus, installés dans le box, a décidé de retourner en cellule et de ne pas assister à la poursuite de la lecture de l’acte d’accusation prévue lundi.


10h08 – Les jurés suppléants pourront finalement aussi assister au briefing de la DSU

Les jurés suppléants au procès des attentats à Bruxelles du 22 mars 2016 pourront finalement également assister à un briefing de la Direction centrale des unités spéciales (DSU) de la police fédérale. Jeudi, il avait été annoncé que seuls les 12 jurés effectifs participeraient à cette séance d’informations, comme l’ont été déjà les trois juges de la cour.

Lors de ce briefing, des informations seront données aux jurés sur la marche à suivre en cas de risque élevé de survenance d’un attentat.  Dans un premier temps, sur décision du Centre fédéral de crise, cette mise au point ne s’adressait qu’aux jurés effectifs, pas aux suppléants. Une “aberration”, avait commenté jeudi Me Vincent Lurquin, l’avocat de l’accusé Hervé Muhirwa Bayingana.

Les suppléants sont autant exposés aux éventuels risques de ce procès, avait-il fait valoir. Cela impliquait également qu’un “briefing” serait dispensé à chaque juré suppléant qui serait amené à remplacer un juré effectif.


10h18 – Une clé USB suspecte

Les procureurs fédéraux ont évoqué, lundi, dans le chapitre de leur acte d’accusation consacré aux indices de culpabilité d’Ali El Haddad Asufi, la découverte d’une clé USB suspecte chez ce dernier. Elle contenait plusieurs messages d’adieu enregistrés par Ibrahim El Bakraoui, qui s’est fait exploser à l’aéroport le 22 mars 2016.

Cette clé USB avait échappé aux enquêteurs lorsqu’ils ont perquisitionné pour la première fois le domicile d’Ali El Haddad Asufi, le 24 mars 2016. C’est donc lors de la seconde perquisition qu’ils ont pu mettre la main dessus. “Ali El Haddad Asufi avait pris soin d’y coller une étiquette RCCU [Regional Computer Crime Unit NDLR], préalablement apposée sur une autre clé saisie puis restituée, donnant l’impression qu’elle avait déjà été analysée par ce service“, mentionne l’acte d’accusation.

Cette clé USB a été connectée à l’ordinateur retrouvé rue du Dries ainsi qu’à l’ordinateur retrouvé rue Max Roos. Elle contenait six fichiers créés le 21 mars 2016, veille des attentats. Il s’agit de messages d’adieu, enregistrés par Ibrahim El Bakraoui, à destination de diverses personnes. Il ne donne aucun nom des personnes à qui il s’adresse et s’en explique: “on va pas citer de nom comme ça, on sait jamais où cet audio il va arriver, mais le frère inchallah qui va vous le faire écouter normalement… Il sait à qui il doit le faire écouter“.


12h15 – Bilal El Makhoukhou filmé entrant et sortant des planques

Bilal El Makhoukhi est aperçu sur les images de caméras de vidéo-surveillance de l’immeuble de l’avenue des Casernes où se trouve l’une des planques de la cellule, le 16 mars 2016, en compagnie de Khalid El Bakraoui, kamikaze de la station de métro Maelbeek. C’est ce que relèvent les procureurs fédéraux dans leur acte d’accusation.

Lors de ses auditions, El Makhoukhi a affirmé que, ce jour-là, il avait rencontré Khalid El Bakraoui par hasard à Laeken puis qu’ils étaient allés ensemble avenue des Casernes. Ce même jour, un peu plus tard, El Makhoukhi est vu aussi, toujours avec Khalid El Bakraoui, entrant dans la planque de la rue Max Roos à Schaerbeek. Selon l’accusé, Ibrahim El Bakraoui les y a accueillis mais lui-même n’est resté que vingt minutes sur place.

Selon l’enquête, il s’est aussi rendu à cette adresse avant, le 15 mars, et une nouvelle fois après, le 21 mars. Par ailleurs, selon les déclarations d’Osama Krayem, El Makhoukhi a aussi fréquenté la planque de la rue du Tivoli à Laeken, soit le domicile d’Hervé Muhirwa Bayingana. C’était après les attentats, selon Krayem. El Makhoukhi a nié s’être rendu chez son ami Hervé tandis que Krayem s’y trouvait aussi.

Sur le plan de la téléphonie, l’acte d’accusation relève qu’El Makhoukhi a éteint son téléphone à des “moments-clés” comme les 15, 16 et 21 mars lorsqu’il se rend à la planque de la rue Max Roos à Schaerbeek, ce qui ne permet donc pas de le localiser. Mais aussi, l’analyse de l’activité de son téléphone révèle 94 contacts avec Hervé Muhirwa Bayingana entre globalement le 4 décembre 2015 et le 7 avril 2016, mais aucun entre le 23 et le 31 mars, soit directement après les attentats.


12h30 – Les avocats de la défense enverront une citation au ministre de la Justice

Les sept équipes défendant des accusés détenus dans le cadre du procès des attentats de Bruxelles vont adresser mercredi une citation au ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open VLD), concernant les mesures de sécurité entourant le transfert de leurs clients de la prison vers le Justitia, a indiqué Me Vincent Lurquin, qui défend l’accusé Hervé Bayingana Muhirwa.

Depuis le début du méga-procès des attentats de Bruxelles de mars 2016, qui ont fait 32 morts, les mesures de sécurité entourant le transfert des accusés détenus fait débat. Me Lurquin dénonce en particulier des fouilles à nu systématiques ainsi que la diffusion de musique “tonitruante” et l’aveuglement des accusés dans le but, selon lui, de les “désorienter”. À plusieurs reprises la semaine dernière et encore ce lundi matin, les accusés détenus ont quitté la salle d’audience, en signe de protestation.

“La cour nous entend. Le procureur nous entend. Mais le ministre ne nous entend pas”, a déploré l’avocat. Dès lors, les équipes de défense vont envoyer mercredi une citation à Vincent Van Quickenborne afin qu’il adapte les mesures de sécurité. Sans réponse, une action en référé sera engagée, ce qui pourrait mener à une suspension des débats. “On va tout faire pour que lundi (prochain), on puisse être en ordre de marche et qu’il n’y ait plus de nouveau départ” des accusés, a cependant assuré Me Lurquin. Selon lui, la cour devrait décider de suspendre le procès lundi, pour une reprise dans une semaine, alors que la présidente de la cour a confié envisager cette possibilité après que plusieurs jurés suppléants sont tombés malades, tout comme des membres de la magistrature, des greffiers, des avocats…


14h54 – Finalement pas d’ajournement

Le procès des attentats de Bruxelles  se poursuivra bien mardi comme prévu, a indiqué la présidente de la cour Laurence Massart lundi en début d’après-midi. Un ajournement éventuel avait été envisagé à l’entame de l’audience en matinée en raison d’un “virus qui circule” au sein de la cour.

La présidente craignait surtout de perdre encore des membres du jury, alors que la deuxième jurée suppléante a fait défaut lundi matin, souffrant de fièvre. Il s’agit du cinquième membre du jury à être absent, réduisant la “réserve” de jurés à 19, sur les 24 prévus. Finalement, il semblerait que les jurés se portent bien et que ce sont “plutôt les magistrats professionnels” qui sont malades, a glissé Mme Massart, qui a dès lors maintenu l’audience de ce mardi.


15h06 – Focus sur Hervé Bayingana, hébergeur

Après une courte pause, les procureurs fédéraux ont repris la lecture de l’acte d’accusation lundi, en fin de matinée, en se concentrant sur Hervé Bayingana Muhirwa, poursuivi comme co-auteur des attentats du 22 mars 2016.

D’après le récit de l’acte d’accusation, Hervé Bayingana Muhirwa, né au Rwanda en 1985, vient d’une famille catholique de la classe moyenne et décrit son enfance comme normale, dans une famille soudée et sans gros heurt. Son père décède cependant en 1990, “assassiné par le pouvoir en place”, selon les dires de l’accusé.

C’est en 2006, après avoir déménagé à Laeken, qu’il fait la connaissance de Bilal El Makhoukhi, autre accusé dans ce procès et présumé membre de la cellule terroriste de Bruxelles. Dans le même temps, Hervé Bayingana Muhirwa termine ses études secondaires.

En mars 2011, il se convertit à l’islam, puis, en 2012, il fait la connaissance de Najim Laachraoui, un des deux kamikazes de l’aéroport, avec qui il a plusieurs amis en commun et qui finira par partir en Syrie, tout comme Bilal El Makhoukhi.

C’est à son domicile qu’il sera observé en compagnie d’Osama Krayem, qui devait aussi se faire exploser dans le métro le 22 mars. Il sera arrêté le 9 avril 2016. Hervé Bayingana Muhirwa est accusé d’avoir apporté une aide logistique “indispensable” à la commission des attentats, selon les mots repris dans l’acte d’accusation.

Il a notamment rencontré à deux reprises Najim Laachraoui, en février et mars 2016.


16h50 – La sous-location de Smail Farisi

Avec l’aide du CPAS d’Etterbeek, Smail Farisi a pris en location un studio à l’avenue des Casernes 39, à Etterbeek, en février 2015, qui a ensuite servi de planque pour les terroristes des attentats de Bruxelles le 22 mars 2016, indiquent les procureurs fédéraux. Alcoolique et accro aux jeux, Smail Farisi dormait peu dans ce studio, où il était pourtant domicilié.

En septembre 2015, il rencontre par hasard son ami d’enfance, Ali El Haddad Asufi, également accusé dans ce procès. Ce dernier lui demande s’il connaîtrait un lieu où leur ami commun Ibrahim El Bakraoui pourrait loger. Tous trois ont étudié dans la même école secondaire.

Ibrahim El Bakraoui s’installe dans le studio le 4 octobre 2015 en échange de 400, 500 voire 800 euros par mois payés à Smail Farisi qui “ne sait pas d’où venait l’argent” mais “ne se méfie pas”, selon ses dires reproduits dans l’acte d’accusation. Smail remet une clé et un badge d’accès à Ibrahim El Bakraoui (qu’il ne récupèrera jamais) et passe régulièrement. En novembre, par exemple, Smail Farisi se rend 17 fois dans le studio, à en croire les images d’une caméra de surveillance dans l’immeuble.

Fin novembre, s’installe dans le studio Khalid El Bakraoui, le frère d’Ibrahim, et ce dernier n’y est plus vu après le 29 février 2016. Le 16 mars arrive également Osama Krayem. C’est de cet appartement qu’est parti un commando des attentats.

Le studio est finalement perquisitionné le 9 avril 2016, après que Smail et son frère Ibrahim ont vidé les lieux. Osama Krayem, l’un des accusés au procès, a déclaré lors d’un interrogatoire que la location de l’appartement était dans les “préparatifs” des attentats de Bruxelles. Smail Farisi “est un pauvre, car il ne faisait pas partie du groupe chargé d’orchestrer les attaques (…) Lui ne savait pas pourquoi, mais les autres lui avaient déjà demandé de louer un appartement à son nom. Ce sont des préparatifs sur le long terme“.


17h19 – Le “déclic” de Smail Farisi

Le 13 janvier 2016, Smail Farisi et Ibrahim El Bakraoui, l’un des terroristes, partent ensemble du studio. Le second arbore une perruque, des lunettes et un bonnet. Quelques mois plus tard, à la suite de l’intervention policière à la rue du Dries le 15 mars, les photos des frères El Bakraoui sont publiées dans la presse. L’article fait clairement le lien entre les individus et le groupe terroriste État islamique.

L’attitude de Smail Farisi se modifie totalement après la parution de cette information, relève l’acte d’accusation. Il se rend à de nombreuses reprises au studio, parfois plusieurs fois par jour. Aux agents qui lui demandent pourquoi il n’a pas prévenu la police, il dit avoir pris “la plus mauvaise décision de sa vie”. Il déclare avoir été “choqué” et avoir eu peur.  Selon sa mère, le jour des attentats, son fils avait du mal à respirer. “Il se sentait trahi”, dit-elle. “J’ai compris que les frères El Bakraoui étaient impliqués dans les attentats (…) J’ai directement senti que c’était eux”, selon les propos de Smail Farisi repris dans l’acte d’accusation.

Le ministère public souligne: “À l’entendre, ni l’arrestation de Mohamed Bakkali, qu’il croise dans son studio en novembre 2015, ni la publication des photographies des frères El Bakraoui le 15 mars 2016, ni les événements de la rue du Dries, ni les articles de presse s’y référant, ni la présence d’Osama Krayem dans ce même studio n’ont pu l’éclairer sur les activités du groupe auquel les frères El Bakraoui participaient. Il aurait été manipulé par ses amis auxquels il avait demandé de partir.”

Après les attentats, Smail Farisi prend rapidement la décision de vider son studio avec l’aide de son petit frère Ibrahim et de mettre fin à la location.


17h48 – La lecture de l’acte d’accusation se termine ce mardi

Le procès reprendra mardi matin à 09h00 avec la fin de la lecture de l’acte d’accusation. Il reste aux procureurs fédéraux à terminer de décrire l’implication présumée de Smail Farisi et d’aborder le rôle et l’implication présumée d’Ibrahim Farisi, seul accusé ne devant répondre que d’un chef d’accusation, celui de participation aux activités d’un groupe terroriste.

La parole sera ensuite donnée aux avocats de la défense, dont les premiers actes ou “déclarations de défense” devraient être lus mardi. Les audiences seront ensuite suspendues jusque lundi prochain, en raison de la tenue d’un sommet européen à Bruxelles du 14 au 16 décembre.

Lundi prochain, le 19 décembre, devrait encore être consacré à la lecture des actes de défense tandis que mardi sera dédié aux constitutions de parties civiles. Selon l’agenda toujours provisoire, l’interrogatoire des accusés pourrait débuter mercredi 21 décembre.

Belga et rédaction