Procès des attentats de Bruxelles : ce que révèlent les prélèvements de l’appartement de la rue Max Roos

La police est photographiée lors de la reconstruction de la planque dans la Rue Max Roos à Schaerbeek - Photo : Belga Image/Thierry Roge

L’audience de ce lundi concerne l’appartement de la rue Max Roos à Schaerbeek, où a notamment été fabriqué le TATP, l’explosif improvisé dont se sont servis les terroristes des attentats à Bruxelles du 16 mars 2022

Le procès des attentats du 22 mars 2016 a repris ce lundi au Justitia. Les accusés ont été intérrogés, à la demande d’un avocat de la défense, par la présidente de la cour, Laurence Massart, pour savoir s’ils avaient subi une fouille a nu avec génuflexion ce matin.

Les accusés ont répondu, depuis le box, à l’affirmative. Seuls Mohamed Abrini et Osama Krayem ont refusé de s’exprimer. Ali El Haddad Asufi a ajouté qu’il avait été “brutalisé“, précisant que les policiers l’avaient “plaqué contre un mur” et lui avaient “tordu les bras“.

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Mohamed Abrini a, aujourd’hui encore, demandé s’il pouvait changer de place pour s’assoir à coté de Salah Abedeslam. À cela, la procureur fédérale, Paule Somers, a répondu que les bavardages entre les deux accusés gênaient et empêchaient de suivre les débats. “Je suis juste devant eux et je n’entends rien“, a insisté l’avocate de Mohamed Abrini, Me Laura Pinilla. Laurence Massart a également dit ne pas entendre de discussions entre les deux accusés et a les a autorisés à s’assoir côte à côte en guise de “dernière expérience”.

Finalement, Mohamed Abrini a décidé de rester à sa place initiale

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10h52 – Résultats des premières analyses de pièces de Max Roos

Avant de pouvoir entrer et perquisitionner l’appartement de la rue Max Roos, le labo de la police technique et scientifique avait déjà récupéré plusieurs pièces à conviction, a expliqué Patrick Delmoitiez lundi matin devant la cour d’assises de Bruxelles qui doit juger les attentats commis le 22 mars dans la capitale et à l’aéroport national.

Le labo n’a pu pénétrer dans l’appartement que peu après 23h le jour des attentats, après que la DSU (unités spéciales de la police fédérale) et le SEDEE (Service d’enlèvement et de destruction d’engins explosifs) ont pu sécuriser l’habitation.

Entre-temps, plusieurs pièces ont déjà été remises au labo: un GSM Nokia trouvé plus tôt dans la chambre à coucher et des boîtes de GSM vides. Sur ces pièces, l’exploitation ADN et la recherche de traces papillaires ne donnent rien, mais il en va autrement pour l’analyse des deux cartons de poubelle Brabantia trouvés dans la rue. L’un d’entre eux contient des mouchoirs usagés. L’analyse ADN de ceux-ci permet de mettre en évidence les profils d’Ibrahim El Bakraoui et Najim Laachraoui. L’analyse d’un gobelet en plastique fait ressortir celui d’Ali El Haddad Asufi. La recherche de traces papillaires sur une boîte de boulons vides retrouvé dans la première poubelle fait ressortir le profil d’Osama Krayem.

Un GSM, retrouvé sonnant vers 20h dans le salon, est également analysé et son exploitation ADN met en évidence les profils de Najim Laachraoui et Ibrahim El Bakraoui, a expliqué Patrick Delmoitiez.

Une vidéo de la perquisition de l’appartement, filmée par le labo d’Anvers venu en renfort, a ensuite été diffusée à la cour. La visite en images de l’habitation permet de remarquer, entre autres, des bacs contenant du TATP, une vingtaine de bidons d’acétone, des emballages divers, deux autres sacs de voyage à roulettes comme ceux utilisés par les kamikazes à Zaventem, des boulons, des gants de cuisine, des lunettes de protection, deux drapeaux du groupe terroriste Etat islamique, des petits radiateurs probablement utilisés pour faire sécher le TATP mais aussi du flamigel et des emballages de pansements et sparadraps.


12h15 – Des traces ADN retrouvées

L’ensemble des objets sur lesquels des traces ont été retrouvées a été passé en revue devant la cour. Dans l’entrée de l’appartement, les agents ont trouvé un sac Zeeman bleu contenant une carabine démontée, sur laquelle ont été retrouvées des traces de Mohamed Abrini, de Najim Laachraoui ainsi que d’un certain Ahmad Al Mohammad, l’un des kamikazes du stade de France à Paris. Sur l’étagère à côté de la porte d’entrée, un exemplaire du livre “Congo: une histoire” de David Van Reybrouck, présentant également les empreintes de Najim Laachraoui. Dans un sac poubelle, on trouve par ailleurs des cheveux d’Osama Krayem et de Mohammed Abrini sur une brosse; un mouchoir usagé attribué à Khalid El Bakraoui; ainsi qu’un coton-tige utilisé par Hervé Bayingana Muhirwa.

Dans le séjour se trouvait notamment une perruque ainsi qu’une carte d’identité au nom de Miguel Dos Santos, le nom de couverture d’Ibrahim El Bakraoui pour louer l’appartement. Un peu plus loin, un petit sachet en plastique correspond à des traces découvertes à la suite de la fusillade rue du Dries à Forest le 15 mars.

Dans la cuisine sont découverts des masques, des seringues et de nombreux glaçons dans le congélateur, utilisés dans le processus de fabrication du TATP. Sur une fourchette, des traces ADN de Najim Laachraoui. Dans la poubelle, un noyau de datte et un gobelet sont attribués à Bilal El Makhoukhi.

Dans la chambre, les agents trouvent de l’acétone et de l’acide sulfurique dans les bidons ainsi qu’une perceuse, des boulons… Des traces d’Osama Krayem et de Mohamed Abrini sont retrouvées sur du matériel de boxe.

En tout, 489 pièces ou groupes de pièces à conviction ont été saisies. 299 traces ADN et dactyloscopiques ont été analysées, dont 174 analyses ADN. 15 pièces à conviction ont été saisies à titre conservatoire (par exemple : des boulons). 22 traces papillaires ont été découvertes sur les lieux et 81 relevées sur les pièces à conviction.


12h36 – La défense de Smail Farisi veut interroger rapidement les témoins

Me Degreve, avocat de l’accusé Smail Farisi, a annoncé à une reprise d’audience, qu’il déposait des conclusions pour demander à pouvoir interroger les témoins plus rapidement que prévu par le planning du procès. Si celui-ci est respecté, les avocats de la défense ne pourront poser leurs questions aux témoins, qui se succèdent depuis plusieurs semaines, que le 6 février. Cela viole, selon lui, le principe de contradiction.

“Du 6 décembre au 19 décembre 2022, nous avons eu droit à la lecture de l’acte d’accusation. Un acte d’accusation de 486 pages (…) qui contenait parfois des erreurs cruciales”, a avancé Me Degreve. “Les débats ont débuté le 21 décembre, et la défense ne pourra poser ses questions que le 6 février“, soit 46 jours plus tard.

La crainte de l’avocat de Smail Farisi est qu’entre-temps, “la conviction du jury ait eu le temps de se forger et de s’ancrer”. Selon lui, de cette longue période “sans contradiction” découlera inévitablement des déperditions pour le jury. Il estime en outre que les témoins ne pourront, sans les éléments de contexte qui étaient ceux du temps du témoignage, répondre correctement aux questions.

“Que fera-t-on en outre si un des témoins ne revient pas le 6 février ?”, a-t-il rajouté. “En cas d’absence, la défense perdra son droit à interroger les témoins et à rectifier certaines erreurs.” 

Pour Me Degreve, en deux mois, “l’accusation aura eu tout le loisir d’étaler” son point de vue, tandis que les accusés n’auront eu la parole que 30 minutes. “Cette manière de procéder entraîne une violation des droits de la défense, à un débat contradictoire et à un procès équitable”, a poursuivi l’avocat. Il demande dès lors à pouvoir interroger les témoins à l’issue de chaque journée d’audience, ou “à tout le moins” à l’issue de chaque thématique.

Du côté de la défense, celle d’Osama Krayem s’y est opposée, tandis que celles des accusés Ibrahim Farisi, Salah Abdeslam et Bilal El Makhouki ont indiqué “s’en remettre à la sagesse de la cour” et ne pas s’associer à cette demande. Les avocats de Mohamed Abrini, Ali El Haddad Asufi, Sofien Ayari et Hervé Bayingana Muhirwa l’ont soutenue.


17h18 – La cour d’assises ne suit pas la défense de Smail Farisi

Après une longue suspension, la cour d’assises s’est déclarée incompétente. La prérogative revient à la présidente, qui a décidé de maintenir le calendrier tel quel.

L’arrêt rendu par la cour d’assises relève notamment que les accusés avaient droit à rendre un acte de défense à la suite de la lecture de l’acte d’accusation et que Smail Farisi “a fait le choix” de ne pas en présenter.

Il indique également que le planning, prévoyant des blocs de témoignages puis une semaine consacrée aux questions de la défense, a été communiqué plusieurs semaines avant le dépôt des conclusions. En outre, la “large plage horaire” prévue pour les questions de la défense à la suite des témoignages assure le caractère contradictoire des débats, selon l’arrêt.

L’audience a été levée peu après 17h. La journée de mardi débutera avec une présentation conséquente de la perquisition à l’appartement de la rue Max Roos à Schaerbeek.

Belga – Photo : Belga Image/Thierry Roge