Variants du coronavirus : faut-il de nouvelles recommandations sur le port du masque ?
Le récent comité de concertation, vendredi dernier, a annoncé de nouvelles mesures dans le contexte de la circulation des nouveaux variants du Sars-CoV-2. Mais rien de neuf concernant le port du masque pour la population, contrairement à certains de nos voisins, comme la France. Faut-il modifier les recommandations en la matière ? Sciensano et les experts du Risk Assessment Group doivent se pencher sur la question.
En France, les masques sont classés en fonction de leur capacité de filtration. Les masques réutilisables en tissus sont répartis en deux catégories : les masques très filtrants (90%) et les moins filtrants (70%). Ceux-ci sont les masques artisanaux. Ils sont désormais déconseillés, en raison de leur moindre efficacité, alors que les inquiétudes grandissent face aux nouveaux variants du Covid-19, beaucoup plus contagieux.
Chez nous, le dernier comité de concertation n’a abordé la question du port de masques que dans un cas très précis : dans la perspective où les métiers de contacts pourraient reprendre leurs activités dans le courant du mois de février. Les mesures de sécurité seraient renforcées et le port du masque FFP2 imposé aux travailleurs. Les clients seraient tenus de porter le masque chirurgical, au minimum. Pour le reste, rien de neuf sur les protections buccales.
Passer au niveau supérieur ?
L’épidémiologiste Yves Coppieters s’en étonne : « Il faut des masques conformes, qu’ils soient en tissu ou chirurgicaux. Les masques de faible qualité, sans capacité de filtration suffisante, ne sont plus adaptés à la situation, au contexte de développement des variants. Sans compter que le masque est souvent mal porté. » Pour le professeur de santé publique à l’ULB, il faut passer au niveau supérieur : « Conseiller l’usage de masques avec de bonnes capacités de filtration, c’est-à-dire des masques en tissu avec filtres, des masques chirurgicaux labellisés, voire des masques FFP2 dans les situations à risque. » Sans plaider pour l’imposition pure et simple du FFP2, l’expert serait partisan de l’imposer à certains publics de collectivités, comme le personnel et les visiteurs des maisons de repos, « ou encore aux adultes dans les écoles, vu la flambée des clusters. » Mais cette position ne fait pas l’unanimité.
De son côté, Yves Van Laethem insiste pour rappeler que l’idée d’imposer le port du FFP2 aux travailleurs des métiers de contacts ne vient pas des experts. À ce stade, le Conseil supérieur de la santé estime qu’il ne doit pas être imposé en dehors du milieu hospitalier, rappelle le porte-parole du centre de crise coronavirus. « Ce n’est pas souhaitable. Le masque FFP2 est plus compliqué à porter et à supporter », estime-t-il. Il ne voit pas la nécessité de modifier les règles dans les écoles ou les maison de repos, où le FFP2 ne se justifie qu’au contact de personnes infectées. Mais il faut certes renforcer l’usage correct du masque, l’usage de masques de qualité, « deux couches de tissus, un filtre au milieu » ou de masques industriels certifiés, et en finir avec les écharpes et les foulards.
Le foulard et l’écharpe : pas efficaces
Sur le site du SPF Économie, le foulard ou l’écharpe figurent en effet toujours parmi les alternatives « s’il n’est pas possible de se procurer un masque. » « Cela doit disparaître », déplore Yves Van Laethem. Pour autant, l’expert ne pense pas que la Belgique va embrayer sur la France : « La France est plus normative. Elle a élaboré des catégories de masques, nous ne fonctionnons pas de la même manière. » Et de conclure : « Ne nous trompons pas d’ennemi : le virus n’est pas devenu plus petit mais dans certains cas il se diffuse plus rapidement et en plus grande quantité. »
Au cabinet du ministre fédéral de la Santé, la porte-parole de Frank Vandenbroucke (sp.a) nous répond qu’il n’y a pas de changement à ce stade : masques en tissus et chirurgicaux restent préconisés, comme bien sûr toutes les mesures barrières, et le dépistage massif. « Les mesures qui étaient efficaces jusqu’ici, le restent avec les nouvelles souches »
Imposer le masque sur le lieu de travail ?
Si, en France, le port du masque est devenu obligatoire en entreprise depuis le mois de septembre 2020, ce n’est pas le cas chez nous. Mais les mesures prévoient que lorsque les règles de distanciation ne peuvent être respectées, le masque doit être imposé. À ce stade, variant ou pas, il n’y a pas de changement dans les recommandations sur le port du masque en entreprise, nous indique le cabinet de Pierre-Yves Dermagne (PS), le ministre fédéral de l’Économie et du Travail. Pour Yves Coppieters, la situation mérite d’être réexaminée : « On n’a jamais eu le courage en Belgique d’imposer le masque en entreprise. Pourtant il devrait l’être dans certains contextes, comme les plateaux ou paysagers, où les travailleurs circulent et se croisent. On parle peu du monde du travail, il faudrait une clarification. »
Une réunion d’évaluation
Le port du masque figure pourtant à l’ordre du jour de la prochaine réunion de Sciensano et du Risk Management Group. Il faut dire que le dernier avis sur le sujet de l’Institut belge de santé publique Sciensano date du 1er juin 2020, et n’a pas été mis à jour depuis : « La population en général doit être encouragée à porter un masque buccal (masque en tissu ou chirurgical) en dehors du ménage lors de l’utilisation d’un espace partagé ou lorsqu’il est difficile de maintenir une distance physique. » Le masque FFP2 est réservé aux professionnels de santé. Mais l’avis pourrait bien être prochainement actualisé, compte tenu des nouvelles données et de la circulation des nouveaux variants, nous indique le porte-parole du Conseil supérieur de la Santé, Fabrice Peters.
Dans quel sens ? Des discussions auront lieu ce mercredi. Les experts du Commissariat Corona y participeront également. « Il faut évaluer s’il y a lieu de revoir les procédures et de se relever les capacités de filtration des masques pour la population générale. On risque d’aller vers un niveau supérieur de protection. Mais il faut voir comment et s’il y aura consensus. C’est le même débat qu’en France », concède-t-il. Réponse dans le courant de la semaine.
S.R. – Photo : Belga/Nicolas Maeterlinck