Rue de la Loi : prononcer des exclusives… mais ne pas oublier la réalité mathématique
Nous entrons dans la dernière semaine de campagne. Des derniers jours où la lutte se fait plus âpre, il faut séduire les derniers indécis. Dernière occasion de mettre en avant une dernière proposition pour marquer les esprits. Et pour certaines formations, l’occasion de clarifier leur position en matière de coalition.
Cette dernière semaine commence avec une exclusive très claire (re)posée par le parti socialiste. Elle concerne le niveau fédéral, mais on peut imaginer qu’elle s’applique aussi à la Région bruxelloise. Le PS exclut donc de gouverner avec la N-VA. Ce sera avec eux ou avec nous, ont donc réaffirmé Elio Di Rupo et Paul Magnette.
En face, la N-VA ne prononce pas d’exclusive mais pose des exigences qui peuvent apparaître comme un miroir de la position socialiste. C’est Theo Francken qui affirme dans la Dernière Heure que si les francophones votent à gauche et les flamands à droite, alors il sera nécessaire d’avoir le confédéralisme. C’est Cieltje van Achter qui laisse entendre sur le plateau de RTL que la N-VA mettra de l’eau dans son vin communautaire si on peut reconduire une coalition de droite. Le bâton pour l’un, la carotte pour l’autre.
« De quoi je me mêle ? » serait-on tenté de dire à ceux qui prononcent des sentences définitives sur le vote de l’autre communauté. C’est vrai que ni la N-VA ni le PS ne sont légitimes lorsqu’ils jugent ce qui se passe dans une partie du pays où ils ne se présentent pas. Qu’ils le veuillent ou non le résultat des votes s’imposera à eux, et le PS a de fortes chances d’être le premier parti en Fédération Wallonie-Bruxelles, comme la N-VA a de fortes chances d’être le premier parti côté flamand. La vérité des urnes, quelle qu’elle soit, s’imposera à tous.
Ces positionnements n’ont pas comme seul objectif de surfer sur le clivage communautaire et de se poser en champion de sa communauté. Ils obéissent aussi à des dynamiques tactiques à l’intérieur de son propre camp linguistique.
Le MR et Charles Michel ont beaucoup insisté sur un axe PS-NVA qui pourrait replonger le pays dans la crise dans le but de négocier de grands accords communautaires. En excluant publiquement de gouverner avec la N-VA, le PS casse le cou à cet argument de campagne. Il renvoie la pression sur le MR dont on sait qu’il peut, lui, repartir avec les nationalistes flamands, et accessoirement sur le cdH qui n’a pas exclu d’y apporter son concours. Quand Olivier Maingain classe la N-VA à l’extrême droite et demande quel parti francophone pourrait porter l’infâme responsabilité de gouverner avec lui (ce sont les propos qu’il a tenu sur Bel RTL ce lundi matin), il renforce cette pression.
Attention quand même. Exclure de gouverner avec le plus grand parti de l’autre communauté c’est, soit se condamner soi-même à l’opposition au fédéral, soit faire le pari qu’une majorité contournant ce parti dominant sera mathématiquement possible. Si on assiste le 27 mai à une poussée sur la gauche du PTB ou sur la droite du Vlaams Belang, PS et N-VA seront encore plus difficilement contournables, et ce pari mathématique virera au casse-tête. C’est vrai pour le fédéral. C’est encore plus vrai pour la Région bruxelloise où le gouvernement régional doit avoir la majorité dans les deux collèges linguistiques, et où la N-VA, si l’on croit les derniers sondages annonçant une poussée inattendue du Vlaams Belang, n’est plus très loin d’être indispensable.