Rue de la Loi : pourquoi la FGTB torpille l’accord interprofessionnel (et pourquoi ça pourrait arranger la majorité)
C’est une adoption mais pas une adoption à l’unanimité. Ce mardi, les trois syndicats étaient amenés à se prononcer sur le projet d’AIP, l’accord interprofessionnel. Deux ont dit oui à l’accord. Le syndicat chrétien et le syndicat libéral. Mais un a dit non : le syndicat socialiste. Le comité fédéral de la FGTB a rejeté l’accord à 56%.
Cet accord interprofessionnel est un texte qui régit les relations sociales entre les entreprises d’un côté et les syndicats de l’autre. Un mécanisme typiquement belge, qui permet tous les deux ans d’aboutir à un accord cadre, qui s’appliquera à tous les secteurs et qui permet de fixer les augmentations de salaires, l’évolution des cotisations sociales, l’investissement dans la formation, les revenus de remplacement, etc. En échange de cet accord les syndicats s’engagent à maintenir une certaine forme de paix sociale. Traditionnellement, il est d’usage chez les partenaires sociaux d’avancer par consensus, au sein du groupe des 10. Obtenir l’assentiment à la fois du banc patronal et des syndicats est donc un exercice toujours délicat.
Dans la version de 2019 de cet accord, il y avait donc une augmentation des salaires de 1 ,1%. Le salaire minimum était relevé de 10 centimes de l’heure, pour le syndicat socialiste c’est une aumône. Les allocations sociales allaient être augmentées de plus d’un milliard sur deux ans et le plafond des heures supplémentaires passait de 100 à 120 heures par an. La possibilité de prester un emploi à mi-temps en fin de carrière avec des compensations sociales restait possible à 57 ans et les employeurs augmentaient leur participation dans le remboursement des abonnements de train.
En refusant un accord global, le syndicat socialiste tente de forcer la voie de négociations secteur par secteur. Une manière de créer, pense-t-il, un rapport de force plus favorable aux travailleurs, au besoin en recourant à la grève. Pour les employeurs le scénario est négatif : il crée de l’instabilité sociale et les négociations sectorielles peuvent déboucher sur des hausses de salaires telles qu’elles entraînent une baisse de la compétitivité des entreprises belges. Pour les membres de la coalition suédoise, la FGTB poursuit également un agenda politique : le syndicat socialiste tente de démontrer que la concertation sociale ne fonctionne plus sous la législature actuelle.
L’accord rejeté par la FGTB signifie-t-il que l’accord négocié est à mettre à la poubelle ? Non estiment la CSC, confédération des syndicats chrétiens, et la FEB , la Fédération des Entreprises de Belgique. Puisque toutes les organisations patronales ont approuvé le texte ainsi que 2 syndicats sur 3, on peut considérer que celui-ci a recueilli une très large majorité. FEB et CSC ont donc appelé le gouvernement fédéral à appliquer intégralement l’accord, le jugeant équilibré. On rappellera que la FGTB n’avait déjà pas ratifié l’accord de 2015, mais que celui-ci avait été appliqué.
Or l’application, c’est là que les choses deviennent un peu plus compliquées. Un AIP a un impact sur le budget de la sécurité sociale et donc le budget de l’Etat fédéral. La norme salariale doit être fixée par un arrêté royal. L’enveloppe bien-être doit faire l’objet d’un vote du parlement. Le gouvernement de Charles Michel n’est absolument pas certain de trouver une majorité sur ces textes. La NVA n’en voulait pas. L’open VLD pourrait aussi ne pas voter l’intégralité des mesures adoptées par les partenaires sociaux. Dans la majorité, on limite toutefois la portée de ces écueils : l’essentiel de l’accord était bien applicable en l’état, seuls quelques points délicats mais marginaux auraient fait l’objet d’un vote sensible.
Dés mercredi matin, le Premier Ministre a d’ailleurs pris l’initiative de convoquer le groupe des 10 pour débattre de la suite à donner à ce projet d’accord. Alors c’est vrai, c’est le syndicat socialiste qui a torpillé l’AIP. Mais c’est le paradoxe du jour : le syndicat socialiste a peut être rendu service à Charles Michel.