Rue de la Loi : l’exclusive d’Elio Di Rupo contre la N-VA
“Si c’est avec la NVA ce sera sans le PS. Si c’est avec le PS ce sera sans la NVA.”Voici en substance les propos tenus par Elio Di Rupo ce weekend dans les journaux du groupe Sud Presse et dans Le Soir. Une déclaration en forme d’exclusive, cette formule qui permet de dire qu’on ne gouvernera pas avec l’un ou l’autre partenaire.
Pourquoi Elio Di Rupo pose-t-il cette exclusive bien en amont des élections ? Essentiellement pour couper un des axes de campagne du Mouvement Réformateur. On sent bien que depuis quelques semaines que Charles Michel tente de se repositionner sur le terrain communautaire en se posant en défenseur des francophones. Cela passe par une posture très virile lorsqu’il s’agit de réformer la constitution, le premier ministre n’hésitant pas à se distancier des partis flamands membres de son gouvernement. Et cela se poursuit interview après interview par l’affirmation que PS et NVA se renforcent l’un l’autre, et que la tendance régionaliste présente au parti socialiste aurait tout intérêt à négocier une nouvelle réforme de l’Etat avec les nationalistes flamands. “Pas Op” ou “Halte-là”, c’est donc un peu le message d’Elio Di Rupo. Message en deux temps : ce n’est pas nous qui venons de gouverner 4 ans avec Jan Jambon et Théo Francken, premier temps, et second temps cet engagement sur l’avenir, le PS ne monterait donc pas au fédéral dans un prochain gouvernement avec la NVA.
En Belgique les déclarations de ce type restent rares, donc spectaculaires. Avec notre scrutin à la proportionnelle on sait que les majorités doivent se négocier entre plusieurs partis. Il ne suffit pas de gagner les élections il faut ensuite obtenir un accord de gouvernement avec un ou plusieurs partenaires, ce qui rend notre jeu politique moins lisible que le système français par exemple, où les partis peuvent avoir des positions plus clivées. Prononcer une exclusive comme vient de le faire d’Elio Di Rupo revient à restreindre ses possibilités d’être appelé à la table des négociations, ou, à tout le moins, faire le pari que celui qu’on annonce vouloir exclure n’y sera pas invité. Même s’il peut sembler de bon sens pour le PS de ne pas vouloir gouverner avec un Bart De Wever qui a fait de vous son meilleur ennemi, exclure une NVA qui continue dans les sondages à séduire près d’un flamand sur 3 et qui reste de loin le premier parti flamand constitue évidemment un pari osé.
Pour ceux qui ont un peu de mémoire, deux rappels. Ce n’est pas la première fois qu’Elio Di Rupo prononce une exclusive. Le 27 mai 2009 il avait indiqué en direct à la RTBF qu’il n’entendait pas gouverner avec le MR. L’affirmation avait laissé son adversaire du jour (Didier Reynders) pantois… mais le président du PS avait tenu parole : quelques semaines plus tard Rudy Demotte et Charles Picqué mettaient en place des gouvernements PS-CDH-Ecolo en Wallonie et à Bruxelles, laissant le MR dans l’opposition régionale.
En sens inverse en 2014 , Charles Michel avait annoncé dans la dernière ligne droite de la campagne (il répondait aux questions de l’auteur de cette chronique dans une interview matinale sur Bel RTL le 29 avril ) qu’il ne gouvernerait pas avec la NVA si le Mouvement Réformateur avait la main. On connait la suite. Toutes les exclusives ne se valent pas. Elles sont avant des positionnements de campagne, la réalité de l’après-scrutin permettant parfois de les nuancer.