Rue de la Loi : le tango de la temporisation (J+3)
Comment avancer, ou en tout cas donner l’impression d’avancer, sans se précipiter ? Comment négocier à son niveau de pouvoir, Bruxelles ou la Wallonie, mais sans oublier de regarder ce qui se passe en Flandre et sans compromettre le peu d’options encore possibles au niveau fédéral ? Tous les négociateurs se trouvent dans cette délicate position, qui consiste à ouvrir des discussions, mais à le faire sur un bon tempo, sans se hâter, sans trainer non plus.
La difficulté consiste à se caler sur le rythme du fédéral. Parce que conclure trop vite en région serait prendre le risque de bloquer le jeu au niveau fédéral. Un argument que vos adversaires risquent de vous resservir pendant longtemps et qu’il vaut donc mieux éviter. A Bruxelles deux entretiens ont donc lieu aujourd’hui. Laurette Onkelinx et Rudi Vervoort reçoivent les écologistes et les libéraux. En Wallonie, Elio Di Rupo fait le même exercice dans l’autre sens. Demain c’est le jeudi de l’ascension. Cela permettra d’observer une pause. Mieux même, tout le monde va s’accorder un weekend prolongé. Quatre jours qui seront donc bien utiles pour faire baisser la pression. Les consultations reprendront donc lundi prochain.
Est-ce que cela veut dire que dès mardi ou mercredi prochain les formateurs des deux régions lanceront vraiment les négociations ? Probablement pas. Parce que la situation ne sera toujours pas mure au fédérale. La suite logique sera donc d’entendre les partenaires sociaux, patrons et syndicats, des représentants de la société civile, puisqu’on a beaucoup entendu parler de climat pendant cette campagne, entendre des experts de la question ne serait pas forcément inutile. On pourrait encore demander à des économistes de chiffrer les mesures proposer par les uns ou les autres lors de ce premier tour de table pour éclairer encore le débat. Sur le fond rien de tout cela n’est inutile : éclairer les futures négociateurs avant qu’ils n’entrent en scène c’est finalement aller sérieusement au fond des problèmes. Sur la forme personne n’est dupe : il s’agit de se hâter lentement et d’interpréter au mieux les signaux qui sortiront du chaos fédéral.
En clair, il faudra au moins 10 à 15 jours pour que les négociations ne débutent réellement. 10 à 15 jours pour que le parti socialiste ne choisisse les partenaires avec lesquels il veut vraiment négocier des accords de gouvernements. Dans ce tango du bon tempo ce sont plutôt les wallons qui donnent le rythme. Si on pressent bien que les gouvernement bruxellois et wallons se construiront autour d’un axe Ps-Ecolo, il faut le 3e partenaire, et choisir le bon. A Bruxelles c’est Défi qui tient la corde. En Wallonie les partenaires doivent choisir entre le CDH plus à gauche mais numériquement faible, et un MR plus à droite mais qui offrirait des garanties de stabilité, au niveau régional, à la fédération Wallonie-Bruxelles et même au fédéral puisque cet arc-en-ciel francophone pourrait se présenter comme un bloc francophone aux épaules solides.
Le dilemme est donc le suivant : prendre les libéraux à bord en Wallonie et à la Fédération c’est renoncer au gouvernement le plus progressiste possible et s’exposer aux critiques du PTB. Les laisser au dehors c’est avoir une double opposition à gérer (à gauche le PTB, à droite le MR) et envoyer aux partis flamands le signal que le niveau fédéral n’est plus une priorité. Les négociateurs régionaux doivent donc attendre que le dilemme soit tranché. Et le PS doit intégrer qu’il n’est pas seul à décider : il faudra que les écologistes partagent la même vision.