Procès de l’attentat du Musée juif : des vidéos de revendication sur l’ordinateur de Nemmouche

Ce vendredi, les procureurs reprennent la lecture de l’acte d’accusation du procès de l’attentat du Musée juif de Belgique, dans lequel Mehdi Nemmouche et Nacer Bendrer sont accusés d’être les auteur et co-auteur de l’attaque qui a mené à la mort de quatre personnes, le 24 mai 2014, à Bruxelles.

Après la lecture de la première partie de l’acte d’accusation, concernant le récit de l’attaque, les témoignages des témoins sur place, l’enquête belge autour de Mehdi Nemmouche, les auditions du suspect ainsi que l’enquête française autour de Mehdi Nemmouche, la séance de ce vendredi revient notamment sur les auditions des directeurs de prisons par lesquelles Mehdi Nemmouche est passé, les objets découverts lors de l’arrestation de Mehdi Nemmouche ou encore l’arrestation et les auditions de Nacer Bendrer. La séance a débuté à 9h15.

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Plusieurs armes et munitions chez Bendrer

On apprend ainsi que Nacer Bendrer a été interpellé le 9 décembre 2014 à 06h35, alors qu’il se trouvait dans un pavillon au fond d’une impasse à Ceyreste, dans la grande banlieue de Marseille. La police française y avait trouvé des cartouches, des boîtes de munitions de différents calibres, des chargeurs, deux pistolets semi-automatiques, un gilet pare-balles, un fusil de chasse et une kalachnikov similaire à celle qui a été retrouvée en possession de Mehdi Nemmouche lors de son arrestation le 30 mai 2014.

L’enquête en Belgique était remontée jusqu’à Nacer Bendrer à la suite d’une enquête de téléphonie. Il était apparu qu’il avait eu 46 contacts, entre le 9 et le 24 avril 2014, avec le numéro de GSM utilisé par Mehdi Nemmouche. Et il était apparu que les deux hommes se connaissaient après avoir été incarcérés ensemble à la prison de Salon-de-Provence, près de Marseille, entre 2009 et 2010. L’enquête avait également montré que Nacer Bendrer avait pris le train pour Bruxelles le 10 avril 2014, tandis que Mehdi Nemmouche séjournait lui aussi dans la capitale depuis fin mars de la même année. Interrogé sur tous ces éléments, dès le 9 décembre 2014 par la police française, Nacer Bendrer s’était retranché derrière son droit au silence.

Attallah, un ancien prisonnier de Salon-de-Provence

Ce même jour, la police à Marseille avait également interpellé Mounir Attallah, un ami d’enfance de Nacer Bendrer, et qui avait, lui aussi, connu Mehdi Nemmouche à la prison de Salon-de-Provence. L’intéressé avait également eu de nombreux contacts téléphoniques avec Mehdi Nemmouche en avril 2014. Il avait déclaré à la police française que Mehdi Nemmouche l’avait appelé pour lui demander de venir le chercher à la gare de Marseille et le déposer dans un hôtel du quartier de “La Valentine”.

Il avait affirmé que Mehdi Nemmouche lui avait aussi demandé d’en faire de même à la gare de Nice, quelques jours plus tard, mais qu’il n’avait pas pu lui rendre ce service. Les policiers lui avaient demandé si Mehdi Nemmouche l’avait appelé parce qu’il avait besoin de Nacer Bendrer, ce à quoi Mounir Attallah avait répondu par la négative. Il avait aussi dit ignorer si son ami Nacer Bendrer était un intermédiaire dans le cadre de ventes d’armes.

Découvrez notre dossier complet autour du procès de l’attentat du Musée juif de Belgique.

Bendrer reconnaît enfin ses rencontres avec Nemmouche

Nacer Bendrer a reconnu, lors de son interrogatoire par la juge d’instruction le 13 mars 2015, qu’il avait vu Mehdi Nemmouche à Bruxelles les 10 et 11 avril 2014, après avoir pris le train depuis Marseille. Il a expliqué qu’il devait y venir pour “voir une voiture” et qu’il avait accepté d’y retrouver son ancien compagnon de cellule à la demande de ce dernier. Il a également reconnu que c’est lors de cette rencontre que Mehdi Nemmouche lui a dit qu’il voulait une arme, et plus spécifiquement une kalachnikov.

Une dizaine de jours plus tard, ce dernier l’a recontacté, lui disant qu’il se trouvait devant chez lui à Marseille, selon sa version. Nacer Bendrer lui aurait alors dit qu’il n’avait pas l’arme qu’il cherchait. Il a indiqué aux enquêteurs qu’il n’avait ensuite plus eu de nouvelles de Mehdi Nemmouche. Il a également expliqué que, s’il n’était pas venu à Bruxelles avec son GSM, c’était simplement parce qu’il n’en avait pas besoin.

Nacer Bendrer a ajouté qu’il ne savait ni pourquoi Mehdi Nemmouche voulait une arme ni pourquoi ce dernier était revenu à Marseille le 30 mai 2014, quelques jours après la fusillade au Musée juif.

Attallah bénéficie d’un non-lieu

Quant à Mounir Attallah, il avait également fini par admettre, devant la juge d’instruction le 1er juillet 2015, que Mehdi Nemmouche l’avait bien contacté en avril 2014 pour obtenir le numéro de téléphone de Nacer Bendrer. Les trois hommes s’étaient connus en prison, à Salon-de-Provence, entre 2009 et 2010. Mounir Attallah avait précisé qu’il ne savait pas pour quelle raison Mehdi Nemmouche souhaitait contacter Nacer Bendrer.

À l’issue de cet interrogatoire, Mounir Attallah avait été inculpé lui aussi de complicité d’assassinats dans un contexte terroriste et placé sous mandat d’arrêt. Il a finalement fait l’objet d’un non-lieu et n’a pas été renvoyé devant la cour d’assises.

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Mounir Attallah s’est dit qu’il était “dans la merde”

Lorsqu’ils se sont vus à Marseille un mois et demi avant l’attaque, Mounir Attallah, que Mehdi Nemmouche avait également cotoyé en prison, a d’abord eu des difficultés à la reconnaître car il ne portait pas de barbe. S’il a finalement reconnu avoir donné le numéro de Nacer Bendrer à Mehdi Nemmouche, Mounir Attallah a assuré lors de ses interrogatoires qu’il n’avait vu l’accusé qu’une fois lors de son séjour dans la cité phocéenne, que ce dernier ne lui avait pas demandé d’arme et qu’il ne l’aurait pas conduit chez Nacer Bendrer car il avait l’air “suspect”.

Il a aussi rapporté l’inquiétude dont Mehdi Nemmouche faisait preuve, regardant sans cesse autour de lui. Quant au fait que l’accusé avait retiré la puce de son téléphone, Mounir Attallah souligne que “si quelqu’un fait ça chez nous, c’est qu’il est cramé, qu’il ne veut pas borner”. S’il avait été informé des projets de Mehdi Nemmouche, Mounir Attallah affirme qu’il aurait cassé son téléphone pour ne plus avoir de nouvelles de sa part.

Enfin, lorsqu’il a appris que l’accusé était soupçonné de la tuerie, il s’est dit qu’il était “dans la merde”, vu leurs contacts réguliers dans les semaines précédant les faits. Quant à Nacer Bendrer, il était “grave énervé, il l’a insulté”, selon Mounir Attallah. Ce dernier explique ses premières dénégations par le fait qu’il n’a pas voulu mettre Nacer Bendrer “en danger”. Il craignait également que Mehdi Nemmouche s’en prenne à lui par la suite.

Nemmouche met Bendrer et Attallah hors de cause

Confronté durant l’enquête sur l’attentat au Musée juif à son co-accusé Nacer Bendrer et au suspect finalement mis hors de cause Mounir Attallah, Mehdi Nemmouche a assuré que les deux hommes n’avaient rien à voir avec les faits, tout en se disant lui-même innocent, ressort-il de l’acte de l’accusation. Un paradoxe qui a suscité l’énervement de l’accusé lorsqu’il a été souligné par les enquêteurs.

Le 29 septembre 2015, à la demande de la défense de Mounir Attallah, Mehdi Nemmouche affirme face à son “collègue” qu’il “n’a rien à voir, ni de près, ni de loin” avec les faits. “On s’est vu une fois 25 minutes à peu près (à Marseille en avril 2014, NDLR). Il est en prison parce qu’il a reçu un coup de téléphone et c’est une pratique digne de la Stasi.”

Le 25 juin 2016, confronté cette fois à Nacer Bendrer, Mehdi Nemmouche le met également hors de cause : ils n’ont jamais abordé des sujets religieux, ni parlé de terrorisme et il ne lui a jamais fourni arme ou argent. L’assurance de l’accusé quant à l’innocence de Bendrer incite les enquêteurs à réagir. Comment Mehdi Nemmouche peut-il être aussi catégorique s’il est lui-même étranger aux faits? “Parce que le peu que je sais dans cette affaire me permet de certifier que Bendrer n’a rien à voir”, répond-il de manière “très nerveuse”. “Est-ce que vous me prenez pour un débile, vous le savez très bien que j’ai à voir dans cette affaire, ce n’est pas un ange qui est venu devant chez moi déposer les armes et me dire va te faire des ‘juifetons'”, s’emporte l’accusé. “Les armes, on me les a données. Je ne suis pas un assassin, je n’ai tué personne. J’en sais suffisamment dans cette affaire que pour savoir que Nacer n’a rien à voir.” Dans la foulée de cet incident, Mehdi Nemmouche a demandé le nom des enquêteurs, les menaçant d’une “petite visite” lorsqu’il se sera “évadé”.

Des vidéos de revendication et une voix “identique”

L’analyse de l’ordinateur portable et d’autres appareils numériques trouvés sur Mehdi Nemmouche lors de son arrestation le 30 mai 2014 laisse apparaître de très nombreux éléments défavorables à l’accusé. Sept vidéos de revendication de la tuerie ont été découvertes sur le portable. Sur celles-ci apparaissent les objets, méticuleusement posés, trouvés sur Mehdi Nemmouche lors de son arrestation: un drap blanc avec des inscriptions en langue arabe, des munitions, une kalachnikov, un revolver, une paire de lunettes, une casquette, une petite caméra et une veste bleue.

L’accusé a refusé un “prélèvement” en vue d’une comparaison entre sa voix et la voix off des vidéos. Une comparaison par un ingénieur a cependant mené à la conclusion qu’il existait une “identité de voix” entre celles-ci. Les journalistes otages en Syrie ont également reconnu la voix comme celle de l’un de leurs geôliers, qu’ils ont identifié comme étant l’accusé. Dans l’une des vidéos, la voix présente le matériel comme étant celui utilisé pour l’attentat au Musée juif, promettant qu’il ne s’agit que du “début d’une longue série d’attaques” en vue de mettre Bruxelles “à feu et à sang”.

En outre, plusieurs éléments permettent d’identifier le lieu de tournage comme étant la chambre que Mehdi Nemmouche a occupé pendant près de deux mois à Molenbeek, en avril et mai 2014.

L’analyse de l’historique internet montre, quant à elle, la consultation de reportages consacrés à l’attaque, à Mohammed Merah ou encore aux attentats de Boston. Des traces des vidéos de revendication ont également été retrouvées sur des cartes mémoire utilisées dans l’appareil photo et la caméra dont l’accusé était en possession au moment de son arrestation.

■ Duplex de Camille Tang Quynh et Morgane Van Hoobrouck.

Gr.I. avec Belga – Photo : Belga/Igor Preys

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11 janvier 2019 - 14h00
Modifié le 11 janvier 2019 - 14h12