Dix ans après Charlie, “ça reste toujours incompréhensible”
Le 7 janvier 2015, douze personnes perdaient la vie dans un attentat islamiste. Huit d’entre elles faisaient partie de la rédaction de Charlie Hebdo. Une décennie plus tard et après de nombreuses commémorations, comment se porte le métier de dessinateur de presse aujourd’hui? Rencontre avec Frédéric Dubus.
■ Reportage de Meryem Laadissi, Anna Lawan et Corinne De Beul
“Ils n’ont pas tué Charlie Hebdo”
Depuis les attentats de janvier 2015, dont celui ayant touché Charlie Hebdo, qui ont marché la France et l’ensemble du monde, dix ans se sont écoulés. Le journal satirique poursuit son travail au service du rire et du droit à la caricature, et veut garder la tête haute. Les hommages aux victimes des attaques se déroulent à Paris et à Montrouge.
Dix ans après la tuerie du 7 janvier 2015 dans ses locaux d’alors, Charlie Hebdo, se qualifiant d’increvable, sort un numéro spécial “historique” de 32 pages. Le journal satirique publie des caricatures sur Dieu, choisies pour un concours international, relancé fin 2024 sur le thème #RiredeDieu. Il a reçu quelque 350 œuvres, envoyées par des dessinateurs du monde entier, et publie “les plus efficaces et les plus aboutis“.
Parmi ces dessins, une mère et son enfant déambulant dans un paysage de ruines et se disent qu'”un dieu, ça va, trois, bonjour les dégâts“, un Christ en croix se filmant au téléphone, un dessinateur se demandant si dessiner “un type qui dessine un type qui dessine Mahomet, ça va ?”.
“Ils n’ont pas tué Charlie Hebdo, et on veut qu’il dure 1.000 ans“, affirme le rédacteur en chef Gérard Biard. “La satire possède une vertu qui nous a aidés à traverser ces années tragiques : l’optimisme. Si on a envie de rire, c’est qu’on a envie de vivre. Le rire, l’ironie, la caricature sont des manifestations d’optimisme. Quoi qu’il arrive de dramatique ou d’heureux, l’envie de rire ne disparaîtra jamais“, souligne Riss dans l’édito qui revient sur les dix dernières années marquées, selon lui, par une “situation géopolitique qui s’est aggravée“. “Aujourd’hui, les valeurs de Charlie Hebdo, comme l’humour, la satire, la liberté d’expression, l’écologie, la laïcité, le féminisme pour ne citer que celles-ci, n’ont jamais été autant contestées“. “Peut-être parce que c’est la démocratie elle-même qui se trouve menacée par des forces obscurantistes renouvelées“, ajoute-t-il.
Des attaques sucitant une émotion mondiale
Douze personnes, dont huit de la rédaction, avaient été assassinées par les frères Chérif et Saïd Kouachi, ayant prêté allégeance à Al-Qaïda. Ils avaient été abattus après deux jours de traque, lors d’une intervention du GIGN, le groupe d’élite de la gendarmerie, dans une imprimerie de la Seine-et-Marne, où ils s’étaient retranchés, à 45 km de Paris.
Créé en 1970 sur les cendres du magazine Hara-Kiri, Charlie, joyeusement anarchiste et anticlérical, était la cible de menaces djihadistes, depuis la publication de caricatures du prophète Mohamed en 2006. Parmi les morts, son célèbre directeur, le dessinateur Charb, ainsi que deux légendes de la caricature française, Cabu et Wolinski.
D’autres attentats islamistes près de Paris ont coûté la vie à une policière le lendemain à Montrouge, puis à quatre personnes de confession juive dans l’Hypercasher, porte de Vincennes le 9 janvier.
Cela avait suscité une émotion mondiale et un slogan de soutien resté célèbre : “Je suis Charlie“. Le 11 janvier, des manifestations en France avaient réuni près de quatre millions de personnes, avec, à Paris, nombre de ministres et chefs d’État.
“Des commémorations marquées par la sobriété”
Les commémorations de ce mardi ont été “comme chaque année, marquées par la sobriété, conformément aux souhaits des familles“, a indiqué la mairie de Paris. « Anne Hidalgo a rendu hommage aux victimes de janvier 2015 en présence du président de la République et de plusieurs ministres ». Cela a débuté à 11h30 rue Nicolas-Appert dans le XIe arrondissement, lieu des anciens locaux de Charlie, s’est poursuivi boulevard Richard Lenoir, où le policier Ahmed Merabet avait été abattu par les Kouachi dans leur fuite ; et s’est achevé à 13h10, par un hommage aux victimes du grand magasin casher.
Mercredi se tiendra à Montrouge un hommage à la policière municipale Clarissa Jean-Philippe, tuée par Amedy Coulibaly, l’assaillant de l’Hypercasher.
Le 13 novembre suivant, la France avait été endeuillée par d’autres attentats, de plus grande ampleur, avec environ 130 morts, dans la salle de concert du Bataclan et sur des terrasses de bars et restaurants à Paris.
J.D. avec AFP