Vaccination obligatoire du personnel soignant : “Certains quitteront la profession pour ne pas se faire vacciner”
Le 1er janvier 2022 marque le début de l’obligation vaccinale pour le personnel soignant. Une obligation vaccinale qui n’est pas encore appliquée dans le secteur.
Le 15 novembre 2021, un accord est conclu au sein du gouvernement fédéral. Tous les membres du personnel soignant sont dans l’obligation de se faire vacciner, et ce, à partir du 1er janvier 2022. En théorie, les infirmières, les médecins ou encore les kinésithérapeutes ont jusqu’au 31 mars pour se faire vacciner.
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Mais dans les faits, si l’accord prévoit l’entrée en vigueur de l’obligation vaccinale au 1er janvier 2022, dans la pratique, il n’en est encore qu’au stade de l’avant-projet de loi. Un avant-projet qui doit encore être soumis à la Chambre en ce début d’année pour consultation et avis du Conseil d’État. Pour le moment, l’obligation vaccinale n’est donc pas appliquée de la part du personnel soignant.
“C’est annoncé depuis longtemps, mais il n’y a toujours rien“
Pour Gaëtan Mestag, vice-président d’Union 4U (syndicat autonome des infirmiers et des aides-soignants), cet avant-projet de loi est “un écran de fumée qui sert à disperser l’attention. 92% des infirmiers et infirmières sont vaccinés. Dire que le personnel soignant est dangereux, c’est assez spécial. C’est attirer le regard sur quelque chose qui est dérisoire et de manière négative. On est dans un système assez anxiogène, c’est annoncé depuis longtemps, mais il n’y a toujours rien“.
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Il ajoute que l’obligation vaccinale va plutôt créer un effet de contradiction : “Certains pourraient ne pas se faire vacciner ou ne pas avoir la troisième dose pour être en contradiction avec le gouvernement, et non par conviction anti-vaccinale“. Un argument que confirme Fabienne Van Dooren, directrice générale d’Axxon, l’association professionnelle des kinésithérapeutes : “Certains sont contre la notion d’obligation, cela leur hérisse les poils, donc l’obligation vaccinale pourrait les énerver“.
“Certains quitteront la profession pour ne pas se faire vacciner“
Selon M. Mestag, l’obligation vaccinale du personnel soignant va entrainer des départs : “Certains quitteront la profession pour ne pas se faire vacciner. D’autres pourraient se mettre au chômage corona pendant quelque temps pour faire une pause puis recevoir leur dose de booster et retourner au travail. Mais entre temps, il y aura du personnel soignant en moins“.
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Gaëtan Mestag explique également que la vaccination obligatoire doit être “une vraie décision politique faite pour tous. On ne peut pas stigmatiser un seul secteur. Toute l’écriture de cette loi est une aberration“.
“Absurde” de viser un secteur
Du côté du syndicat CGSLB, on ne comprend pas pourquoi un seul secteur est visé par cette obligation vaccinale, à savoir le personnel soignant : “on prend acte de la décision de l’obligation vaccinale pour le personnel soignant, mais c’est absurde de toucher un secteur et non les autres. Les métiers ‘non soignants’ ne sont pas concernés par cet avant-projet de loi, donc c’est un peu bizarre. C’est bizarre que l’on touche à un certain groupe (le personnel soignant). Bien sûr, ce groupe-là a des contacts avec les patients, mais ce n’est pas le seul“, explique Gert Van Hees, responsable non-marchand de la CGSLB.
Des sanctions “inappropriées”
M. Van Hees ajoute que les sanctions sont inappropriées : “Sachant qu’il y a déjà une pénurie dans les unités, cela va rendre le travail des personnes vaccinées encore plus compliqué. Déjà que le travail est alourdi à cause des sous-effectifs dus aux quarantaines, là ça risque d’être pire“.
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Il explique aussi que si l’obligation vaccinale ne vise pas l’ensemble des travailleurs, soignants et non-soignants, en contact direct avec les patients, il aurait peut-être fallu “la limiter à certaines unités comme les soins intensifs, les urgences ou encore les unités gériatriques. Les membres du personnel soignant non-vaccinés seraient alors transférés dans un autre service plutôt que d’être renvoyés“.
Un constat que partage Fabienne Van Dooren : “Les sanctions annoncées par notre cher ministre Vandenbroucke sont extrêmes. Est-ce pour faire bouger les gens ? Peut-être“, s’interroge-t-elle. Et puis, si elle est également pour la vaccination et trouve “normal qu’un membre du personnel de soins de santé soit vacciné“, elle se demande aussi pourquoi il n’y a pas un élargissement à toute la population.
L’annonce a-t-elle incité le personnel soignant à se faire vacciner ?
S’il n’a pas d’indication concrète pour répondre à cette question, Gert Van Hees pense, comme Gaëtan Mestag, que cet avant-projet de loi ne va pas aider à augmenter le taux de vaccination du personnel soignant. “Je suppose que certains vont réfléchir à tout ça, mais d’autres en auront assez et vont quitter leur boulot“. Alors que Fabienne Van Dooren pense que les kinésithérapeutes réfractaires à la vaccination attendront le dernier moment pour se faire vacciner.
Quel contrôle ?
Du côté des kinésithérapeutes, on se demande comment les contrôles auront lieu. Selon la directrice générale d’Axxon, “savoir qui a été vacciné ou non sera plus difficile. Dans les milieux institutionnels ou hospitaliers ça irait, mais dans le libéral, ça risque d’être difficile de contrôler“.
À l’heure actuelle, aucune action n’est programmée de la part des deux syndicats. Mais ils l’annoncent déjà, si le Conseil d’État est favorable à l’avant-projet de loi sur l’obligation vaccinale du personnel soignant, ils réagiront. Quant à Axxon, peu importe la décision du Conseil d’État, rien n’est prévu.
Rappel des sanctions
L’avant-projet de loi prévoit que le personnel soignant a jusqu’au 31 mars pour se faire vacciner. À partir du 1er avril 2022, la personne qui n’est pas vaccinée verra soit son contrat prendre fin et aura droit au chômage corona, soit suspendra son contrat et dans ce cas-ci, il n’y a pas de revenu ni d’allocation.
Y. Mo. – Photo : Belga/Laurie Dieffembacq