Uber Files : Pascal Smet et Boris Dilliès cités en relations étroites avec Uber

Le quotidien Le Soir révèle que le nom de Pascal Smet, ancien ministre bruxellois de la Mobilité et actuel secrétaire d’État bruxellois à l’Urbanisme, apparaît à plus de 1 000 reprises dans les fuites d’Uber Files.

Le dossier “Uber Files”, soit une série de révélations sur les méthodes contestées de l’entreprise américaine pour faire sa place en Europe, continue de faire du bruit dans la capitale. Ce mardi, le journal Le Soir a révélé de nouvelles informations sur les liens étroits entre deux membres de la classe politique bruxelloise et Uber, via notamment Mark MacGann, ancien lobbyiste en chef d’Uber et aujourd’hui à l’origine des fuites des “Uber Files”.

Selon les révélations du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), dont Le Soir se fait l’écho, plusieurs documents font état de discussions politiques et parfois intimes entre Mark MacGann et Pascal Smet. “Pascal Smet est un ami personnel proche”, indique ainsi le lobbyiste en chef d’Uber dans un e-mail à ses collègues. Ce à quoi l’ancien ministre bruxellois de la Mobilité (de 2014 à 2019) réplique dans les colonnes du Soir : “Je le connaissais personnellement auparavant, je pouvais communiquer clairement et correctement avec lui, et je pense qu’il avait confiance en moi. Mais je peux aisément dissocier les relations personnelles des relations professionnelles”.

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Un accord révélé

Le quotidien révèle encore qu’un membre du cabinet de Pascal Smet a indiqué à Uber comment les discussions autour du futur gouvernement régional, en 2014, avançaient par rapport à la législation autour des taxis et des LVC. “Le conseiller en mobilité de Pascal Smet m’a confirmé que dans le chapitre mobilité de l’accord, il sera mentionné que le prochain gouvernement révisera la législation sur le marché des taxis”, explique un membre d’Uber. “Ceci a été communiqué aux lobbyistes. Je suppose que le secteur des taxis en était également conscient”, répond Pascal Smet par rapport à cette révélation.

Quant au fait que son conseiller de l’époque a rencontré Uber au moins six fois en quelques mois, tout en affirmant qu’il ne fournissait pas d’informations aux compagnies de taxis bruxelloises, l’ancien ministre et actuel secrétaire d’État explique : “Parfois, des informations étaient partagées avec Uber alors qu’elles ne l’étaient pas avec le secteur des taxis et vice versa. Il y a donc eu une communication avec tout le secteur”.

“Ne jamais faire référence à Pascal Smet”

Le Soir ajoute qu’en 2015, Pascal Smet a lui-même contacté Mark MacGann pour l’informer de la présentation du nouveau plan taxi le lendemain, tout en demandant à Uber de ne pas réagir trop positivement dans sa communication à la presse. “Nous ne devons jamais, jamais, faire référence à Pascal Smet dans nos communications externes. Cela lui nuit, ainsi qu’à nous, d’identifier des individus spécifiques. Il faut parler d’une proposition du gouvernement”, dit Mark MacGann à un porte-parole d’Uber. En outre, il apparaît que le lobbyiste d’Uber avait proposé au ministre un communiqué de presse que son cabinet a corrigé. Pascal Smet explique qu’à ses yeux, il fallait “éviter toute polarisation excessive dans la couverture médiatique. (…) Il a également été demandé que la communication soit aussi neutre que possible, afin de ne pas jeter de l’huile sur le feu. (…) Nous avons voulu éviter toute polarisation excessive”.

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Le PTB demande l’audition de Pascal Smet

Face à ces révélations, le PTB a demandé mardi l’audition en urgence, encore cette semaine, de Pascal Smet. “Des relations “confidentielles”, des projets d’accord et de loi transmis en avant-première, des communiqués de presse concertés, avec le cabinet du ministre qui aurait été jusqu’à corriger un communiqué de la multinationale… c’est incroyable ! Nous découvrons chaque jour de plus en plus la stratégie de la multinationale pour s’imposer dans les grandes villes. Bruxelles est considérée comme stratégique à leurs yeux, et il semble que la relation avec l’ex-ministre de la Mobilité socialiste Pascal Smet était essentielle pour eux”, a souligné la cheffe de groupe du PTB à la Chambre, Françoise De Smedt.

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Chahid : “Pas forcément demandeur d’une audition de Smet”

Interrogé dans Le 12h30, le chef de groupe PS au Parlement bruxellois Ridouane Chahid a confirmé dans Le 12h30 son souhait de mettre en place une commission d’enquête autour de ces révélations des Uber Files. “On est en droit de se poser des questions à propos de la mise en place d’Uber dans la capitale”, dit-il. Il ne demande toutefois pas d’auditionner Pascal Smet, comme le souhaite le PTB : “Nous ne sommes pas forcément demandeurs. On veut surtout auditionner les journalistes, les CEO d’Uber…”

“Cela fait des années qu’on dit qu’Uber agit comme un voyou à Bruxelles et dans d’autres pays. Ces révélations ne nous étonnent pas”, explique encore Ridouane Chahid. À la question de savoir si le secteur des taxis a également profité de documents autour de cette nouvelle législation, comme a pu en bénéficier les dirigeants d’Uber, le parlementaire socialiste affirme qu’il “est indécent” de “comparer des PME bruxelloises par rapport à une multinationale qui ne paie pas d’impôts, qui a fraudé”.

“Il y a une différence entre avoir des contacts avec des entreprises qui vous demandent d’être rencontrés et être la courroie de transmission et le porte-voix d’une multinationale”, estime-t-il.

■ Interview de Ridouane Chahid, chef de groupe PS au Parlement bruxellois et bourgmestre ff d’Evere, par Vanessa Lhuillier et Murielle Berck dans Le 12h30.

 

“Boris, il faut la reprendre cette ville”

Le quotidien revient enfin sur des relations étroites entre l’ancien président de la commission Mobilité au Parlement bruxellois et actuel bourgmestre d’Uccle Boris Dilliès (MR) et le lobbysite en chef d’Uber, Mark MacGann. Si Boris Dilliès défend depuis longtemps une nouvelle législation du secteur des transports pour permettre aux chauffeurs d’Uber d’obtenir un statut reconnu, Le Soir révèle que le libéral discutait souvent avec le lobbyiste d’Uber et lui donnait des conseils, comme l’idée de mettre en place une pétition pour forcer le débat parlementaire. Mark MacGann, pour sa part, demande des contacts à Boris Dilliès pour poursuivre ses manœuvres au niveau politique et médiatique. “Merci. Franchement Boris, il faut la reprendre cette ville, c’est pas possible de la laisser entre les mains de ces nains de jardin”, indique notamment un message de Mark MacGann. “Suis 100 % d’accord et j’y travaille”, répond le bourgmestre ucclois.

Boris Dilliès indique au Soir qu’il n’a “aucun souvenir” de ces contacts récurrents et assure n’avoir “jamais reçu de proposition ni accepté quoi que ce soit qui sorte du cadre de ma mission et pourrait ou aurait pu me faire perdre mon indépendance”.

■ Reportage de Jean-Christophe Pesesse, Charles Carpreau et Corinne De Beul.

Gr.I. – Photos : Belga/Laurie Dieffembacq et Benoît Doppagne