Six femmes, dont deux Bruxelloises, et seize enfants belges rapatriés de Syrie : “Tout s’est très bien déroulé”

Dans la nuit de lundi à mardi, à deux heures du matin, 6 femmes et 16 enfants belges ont été rapatriés en Belgique. Ils viennent du camp Roj, situé au nord-est de la Syrie. Parmi les mères, on retrouve deux Bruxelloises.

Après une première fois en juillet 2021, une deuxième opération de rapatriement était organisée sur notre territoire. Elle concerne six femmes belges et seize enfants qui étaient jusque là retenus dans le camp Roj, au nord-est de la Syrie, près de la frontière irakienne. Parmi les mères, quatre flamandes et deux Bruxelloises, toutes bien connues de la justice. Le journal Le Soir dévoile d’ailleurs l’identité de la Molenbeekoise Fatima Bazarouj, dont la famille est bien connue des services de l’antiterrorisme belge. Deux de ses frères sont actuellement jugés dans le procès Paris Bis, soupçonnés d’avoir apporté leur aide à des accusés des attentats de 13-Novembre 2015.

“Durant le vol, l’ambiance était spéciale”

L’opération s’est préparée pendant plusieurs semaines et s’est “très bien déroulée, malgré les risques que représente une zone de conflit”, commente le procureur fédéral Frédéric Van Leeuw. Bien que minutieusement étudiée, l’opération n’en reste pas moins délicate. C’est dans un avion militaire et médicalisé que les mères et leurs enfants ont été rapatriés.

“Durant le vol, l’ambiance était assez spéciale. On a fait en sorte que cela se passe dans les meilleures conditions“, explique Marc De Mesmaeker, commissaire général de la police fédérale. “Longtemps à l’avance, les mères ont dû compléter un questionnaire pour que nous ayons des renseignements sur les enfants. Quelle langue parlent-ils, ont-ils des problèmes de santé spécifiques… ? Tous ont reçu de la nourriture, des vêtements et même des peluches. Chacun a aussi pu compter sur une personne qui parlait sa langue.”

Arrive le moment crucial : la séparation. A leur arrivée, les femmes sont emmenées en prison. Elles le savent, dès leur arrivée sur le sol belge, elles font l’objet d’un mandat d’arrêt. Toutes ont d’ailleurs déjà été condamnées par défaut pour participation aux activités d’un groupe terroriste, avec des peines allant jusqu’à cinq ans de prison. Elles feront l’objet d’un suivi rapproché, tant pendant qu’après leur séjour derrière les barreaux. “Elles seront accompagnées par les task force locales, un système qui existe depuis des années et qui suit de près les problèmes d’extrémisme et de radicalisation“, poursuit le commissaire général.

Les enfants, âgés entre 3 et 12 ans, sont quant à eux pris en charge par une équipe médicale et le service des droits de la jeunesse. Au cas par cas, ils sont confiés soit à leur famille en Belgique, soit placés dans une institution.

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Des critères à respecter

D’après le procureur fédéral, “toutes les femmes et tous les enfants belges qui pouvaient être rapatriés des camps en Syrie ont été rapatriés en Belgique” après cette opération. Comprenez : seules les personnes remplissant des critères bien précis ont pu bénéficier d’un rapatriement. Il reste encore une quinzaine d’hommes et quelques femmes et enfants belges détenus dans les camps en Syrie.

“Il faut respecter plusieurs conditions prévues par le Conseil National de Sécurité et nous évaluons chaque demande au cas par cas“, détaille Frédéric Van Leeuw. “La priorité est donnée au retour des enfants. Pour les mères, il faut prouver l’affiliation via des tests ADN. Il faut aussi qu’elles renient leur idéologie islamiste, qu’elles éprouvent des regrets sincères et que leur retour soit volontaire, il ne s’agit pas d’une extradition. Quand il y a un doute sur un critère, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui prime.

Pour établir la liste des 6 femmes et 16 enfants (ainsi que la première vague de 6 mères et 10 enfants rapatriés en juillet 2021), le gouvernement belge affirme se baser sur une “décision humanitaire“, prenant en compte les avis donnés par les services de sécurité. Il n’est donc pas impossible qu’à l’avenir, d’autres personnes entrent dans ces conditions et soient elles aussi rapatriées.

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“Il faut ramener les mères de force”

Ce rapatriement est une excellente nouvelle pour Bernard Devos, délégué général aux droits de l’enfant. “Je tiens à remercier et à féliciter le gouvernement de respecter son engagement et de les avoir ramenés. Je regrette cependant qu’il ait fallu de longues années pour ça et, surtout, qu’il ait fallu que l’Ocam et que le procureur fédéral s’en inquiètent avant que le gouvernement ne bouge.”

Sur les quelques enfants restant dans les camps, Bernard Devos estime qu’il faut les rapatrier eux aussi, même si leurs parents ne remplissent pas les conditions. “La situation des enfants doit prévaloir. Il faudrait pouvoir ramener la mère de force, la détenir en Belgique, puis confier les enfants dans les institutions. Il ne faut pas qu’ils restent là-bas. Et quand on se sera occupé de tous les enfants belges, il faudrait faire de même avec les milliers d’enfants coincés dans ces camps.”

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Au total, 140 Belges ont été rapatriés depuis le début du conflit en Syrie et en Irak, dont une soixantaine de mineurs.

Camille Tang Quynh – Interview Frédéric Van Leeuw, procureur fédéral