Rien n’est jamais acquis, l’édito de Jean-Jacques Deleeuw
Ce lundi, Jean-Jacques Deleeuw dénonce la décision de la Cour Suprême de États-Unis de révoquer le droit à l’avortement.
Une liberté durement acquise à coups de luttes, de manifestations, de protestations et d’emprisonnements peut être défaite. C’est la leçon de ce que nous apprend la Cour Suprême des Etats Unis. Dans le système constitutionnel américain pourtant bien équilibré, la Cour Suprême dispose d’un poids important pour contrebalancer le législatif et l’exécutif.
Mais les juges qui la composent sont nommés à vie et du coup la ligne de la Cour Suprême est influencée par le remplacement de ses membres. Trump a eu l’occasion fortuite de renforcer les ultraconservateurs au sein de cette cour. Ce qui augurait déjà des décisions à venir. Et cela n’a pas tardé, les états qui ne pouvaient pas légiférer en matière d’avortement, en ont désormais la possibilité. 22 d’entre eux vont donc interdire l’avortement avec plus ou moins d’exceptions. Plutôt moins dans ces états réactionnaires et souvent influencés par des milieux ultrareligieux et nationalistes. Ainsi une fillette de 10 ans mise enceinte n’a pas pu se faire avorter 6 semaines plus tard à cause d’une nouvelle loi anti-IVG qui vient d’être votée en Ohio. Elle a dû aller dans l’état voisin d’Indiana.
Des libertés peuvent donc être remises en cause ? Oui, la liberté d’expression est souvent sous pression car nombreux sont les abus. Ce qui met en danger la liberté en elle-même. Les libertés religieuses sont parfois menacées et elles sont à leur tour parfois menaçantes. D’autres libertés peuvent être réduites en période de pandémie ou de guerre. Mais cela ne doit pas durer.
Ça ce sont des phénomènes connus et surveillés qui appellent à une certaine vigilance car l’état de nécessité n’explique pas tout et il est important qu’un débat parlementaire ait vraiment lieu quand il s’agit de restreindre des libertés, même au nom de la santé ou de la sécurité. Faisons attention que ces décisions temporaires d’exception ne deviennent pas la règle dans une démocratie que certains voudraient voir disparaître.
Par contre, il y a des menaces plus insidieuses que sont par exemple l’autocensure et la peur. Un vent de conservatisme puritain souffle depuis les Etats-Unis, l’Afghanistan, l’Iran ou même de certains endroits en France… Ce souffle réactionnaire est d’autant plus fort qu’il se nourrit d’un mouvement revendicatif de minorités en manque de visibilité. Chacun restant polarisé dans sa bulle, chacun renforçant ses positions sans pouvoir écouter l’autre.
Et c’est dans cette ambiance rétrograde que des libertés évidentes aujourd’hui,jour de la fête nationale américaine, pourraient être mises en cause demain.
■ Un édito de Jean-Jacques Deleeuw