Quels sont les enjeux des élections de ce dimanche ? Le politologue Pascal Delwit préface le scrutin

C’est la dernière ligne droite. Ce dimanche, les Belges se rendront aux urnes pour les élections régionales, fédérales et européennes. Invité dans Bonjour Bruxelles, le politologue Pascal Delwit (ULB) fait un dernier point sur les enjeux au micro de Fabrice Grosfilley.

F.G. : “La mère de toutes les batailles”, “la mère de toutes les élections”, “le super scrutin”, “le rendez-vous historique”… On entend ce genre de superlatifs presque à chaque élection en Belgique, mais pour ce dimanche il y a un petit fond de vérité quand même ou pas ?

P.D. : Oui, en particulier en Flandre avec la lame de fond du Vlaams Belang. Mais de manière générale il y a des choix différents qui sont proposés aux citoyens. Dimanche, les électrices et les électeurs vont choisir leurs représentants pour cinq ans. Puis ils vont aussi donner les orientations en matière de politiques publiques qui seront menées par les différents gouvernements.

F.G. : Au niveau de la Région bruxelloise, quelles sont les grandes questions qui se posent à 48 heures de l’échéance. La reconduction ou pas de la majorité en place ? Le retour ou pas des libéraux au pouvoir ?

P.D. : Ce sont effectivement les enjeux principaux. Il y a bien sûr aussi la détermination du candidat ou de la candidate ministre-président et de celui qui occupera la fonction après une très longue période occupée par le Parti socialiste. Aujourd’hui, le poste est ouvert.

Il y a aussi la question de savoir si la N-VA sera arithmétiquement indispensable ou non, le pouvoir de chantage du Vlaams Belang et puis bien sûr la constitution de la majorité qui sera difficile et dont les orientations seront sans doute compliquées à mettre en œuvre puisqu’on a vu que sur certaines thématiques, en particulier la mobilité, les points de vue étaient aux antipodes.

F.G. : Dans les sondages on voit qu’Écolo n’est pas très en forme, on peut y voir un effet des polémiques Good Move ? Et par contre on a un PTB qui est très en forme, comment l’expliquer ? C’est un effet de protestation, de vote contestataire ?

P.D. : Sur Écolo, il y a une lame de fond en Europe où les Verts sont sous pression indubitablement et donc cela touche aussi la Belgique. Alors bien sûr il y a peut-être des polémiques autour du plan Good Move, d’autant que le MR et le PS ont tiré à boulets rouges dessus. Après il faut être prudent sur les sondages, on verra bien le résultat. À Bruxelles en particulier, les marges d’erreur sont beaucoup plus grandes qu’en Wallonie ou en Flandre

Le PTB, c’est le résultat, je dirais, de deux choses. D’une part, d’une inquiétude d’une partie de la population sur une série de questions qui touchent les Bruxelloises et les Bruxellois : le pouvoir d’achat, la question du logement – très sous-estimée dans cette campagne – la question de la sécurité.

D’autre part, il s’agit d’un parti très présent sur le terrain : terrain matériel, c’est-à-dire auprès des gens, mais aussi virtuel.

F.G. : Le score de DéFI et des Engagés qui, a priori, ne concourent pas pour le leadership et donc pour un poste de ministre-président mais qui peuvent intégrer éventuellement une majorité, cela sera aussi une donnée à suivre ?

P.D. : Ce sera une donnée très importante parce que déjà le premier des deux pourrait être plus facilement un partenaire de coalition et puis je crois qu’il y a aussi la question de la trajectoire de ces deux partis. Il faut se rappeler qu’aux élections 2019, le cdH n’était pas loin de ne pas atteindre le seuil des 5% aux élections fédérales à Bruxelles. En ce qui concerne, DéFI, on voit bien que sa trajectoire pose question quant à son identité et quant à ce qu’il peut représenter pour les Bruxelloises et les Bruxellois.

F.G. : Côté néerlandophone, on s’inquiète à chaque scrutin d’une éventuelle capacité de blocage des institutions que pourraient avoir les partis nationalistes ou régionalistes, notamment s’ils se mettent ensemble. Est-ce que ce risque existe ou est-ce qu’il est écarté pour Bruxelles ?

P.D. : Il est présent à chaque scrutin régional parce qu’on sait que quelques centaines ou quelques milliers de voix peuvent radicalement changer la donne. On regardera donc avec attention, même si évidemment l’électorat néerlandophone de Bruxelles a quand même évolué.

F.G. : Au niveau de l’échelon fédéral, l’un des enjeux est la reconduction ou pas de la majorité Vivaldi. D’après les sondages, cela semble compliqué…

P.D. : Je dirais que les sondages dévoilent une situation où toute majorité sera compliquée à atteindre. Je n’exclurais donc pas une reconduction de la Vivaldi même si, paradoxalement, Alexandre de Croo l’a plombée dans la dernière semaine de campagne électorale.

F.G. : À l’échelon fédéral, il y a aussi la grande question de savoir si on peut former un gouvernement sans la N-VA. Est-ce qu’on le saura clairement dimanche soir ?

P.D. : A priori on le saura en début de semaine. Je rappelle que l’on a parfois eu la distribution exacte des sièges le mercredi suivant le dimanche électoral. Mais oui, on devrait quand même avoir une bonne idée en fonction de son score et du score du Vlaams Belang.

Après, il ne faut pas oublier que dans cette campagne Bart de Wever et Jan Jambon ont rappelé à l’envie qu’ils ne montraient pas dans un gouvernement qui ne ferait pas une réforme de l’état. Ça rend les choses presque impossibles parce que, pour faire une réforme de l’état, il faut avoir avec soi une majorité des deux tiers et même parfois une majorité dans chaque rôle linguistique. On est donc dans une situation assez complexe.

F.G. : Doit-on se préparer à une très longue formation de gouvernement ?

P.D. : D’une part cela va dépendre du choix des électrices et des électeurs, qui est quand même la donnée primordiale. D‘autre part, de toute façon, ce sera sans doute plus long qu’à l’accoutumée parce que les partis seront aussi très prudents par rapport aux élections communales du 13 octobre pour ne pas s’aliéner des électrices et des électeurs dans ce scrutin.

F.G. : Que répondez-vous aux électeurs qui disent que cela ne sert à rien de voter parce que de toute façon les jeux sont faits d’avance, que les partis s’arrangent entre eux ?

P.D. : Ce n’est pas vrai du tout. Si vous regardez les résultats de la législature entre 2014 et 2019 et ceux de la législature qui vient de se dérouler, on a eu des politiques publiques qui étaient passablement différentes.

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■ Une interview de Pascal Delwit au micro de Fabrice Grosfilley dans Bonjour Bruxelles