Quatrième vague : les hôpitaux bruxellois sous tension

Les hôpitaux font face à une hausse continue des admissions pour une infection au Covid

Face à la quatrième vague, les hôpitaux font face à une situation particulièrement compliquée : hier, on comptait 353 nouvelles admissions en 24h, et 656 patients soignés dans les unités de soins intensifs, tandis que le pic de la troisième vague a été dépassé.

Dans la capitale, la moyenne des admissions quotidiennes est de 31 pour les sept derniers jours (+22%), avec un total de 431 personnes hospitalisées pour un Covid dans la capitale (dont 85 aux soins intensifs).

Source : Sciensano (situation pour Bruxelles, update 24/11/2021)

La situation est telle qu’on l’a connue dans les autres vagues : le nombre de lits occupés augmente, en salle et aux soins intensifs, et la disponibilité des lits pour d’autres pathologies diminue, malheureusement“, nous explique le professeur Jean-Christophe Goffard, responsable des unités Covid de l’hôpital Erasme à Anderlecht, et directeur du service de médecine interne, “Le profil [des patients hospitalisés pour un Covid] a changé, parce qu’heureusement on a la vaccination : sans elle, on serait dans une catastrophe, dans une situation semblable à celle que l’Italie a vécu lors de la première vague. La vaccination nous empêche d’avoir un système de soins de santé qui serait totalement dévasté, s’il n’y avait pas eu cette vaccination“.

Néanmoins, Bruxelles semble mieux s’en sortir que lors des précédentes vagues. Interrogée en point presse de la Commission communautaire commune, mardi, la responsable Covid Inge Neven indiquait que “la hausse des hospitalisations est moins importante que l’an dernier, à la même période, grâce à la vaccination“.

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Les infections explosent, les décès restent stables

Quant aux autres données, les contaminations continuent à exploser dans le pays, même si la hausse est moins importante à Bruxelles qu’ailleurs. “Les chiffres sont relativement meilleurs que dans les autres provinces belges”, indiquait hier Inge Neven de la Cocom. La responsable précisait également que le taux de positivité est désormais de 10,3% : comprenez qu’aujourd’hui, plus d’un test sur dix revient positif.

Source : Sciensano (situation pour Bruxelles, update 24/11/2021)

► Infographies | Retrouvez les chiffres quotidiens de l’épidémie et de la vaccination à Bruxelles

Au niveau des décès, ceux-ci sont plus stables : deux décès suite à une infection au coronavirus ont été dénombrés lundi à Bruxelles. Tandis qu’au pic de la seconde vague, on en comptait entre vingt et trente par jour, environ.

Il y a une dissociation entre les trois courbes [contaminations, hospitalisations, décès, NDLR] et cela vaut la peine de comparer la seconde vague et cette vague-ci (…) On avait un certain taux d’infections, un certain taux d’hospitalisations et un certain taux de décès, qui restaient assez constants. Dans cette vague-ci, il y a un décrochage total entre le nombre d’infections très important et le nombre d’hospitalisations qui est beaucoup moins important en proportion du nombre de cas détectés, et le nombre de décès qui est encore plus bas. Ce qui montre que le vaccin a une efficacité majeure, avec une diminution de la mortalité : on est passé de 1-2% de mortalité à 0,1-0,2%. Donc le vaccin a une efficacité majeure sur l’hospitalisation et sur la mortalité. Et une efficacité aussi, malgré tout, sur le taux d’infections, heureusement, car la souche beaucoup plus virulente qui circule à l’heure actuelle entraînerait d’énormes problèmes sans la vaccination“, explique le Pr Jean-Christophe Goffard.

Source : Sciensano (situation pour Bruxelles, update 24/11/2021)

Les hôpitaux sous tension

Reste que la situation compliquée aux soins intensifs et dans les unités Covid s’ajoute à d’autres problèmes déjà présents dans les hôpitaux. Ainsi, le personnel n’est lui-même pas à l’abri de la quatrième vague. Entre les soignants positifs ou malades, ceux qui sont cas-contact de leurs proches, mais aussi le ras-le-bol global et les maladies de longue durée : beaucoup d’hôpitaux font aujourd’hui face à une pénurie de personnel.

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Au CHU Saint-Pierre, par exemple, “on connaît une énorme pénurie de soignants, entre-autres aux soins intensifs, avec 30-50% d’absentéisme de longue durée“, nous indique le Dr Charlotte Martin, médecin-infectiologue, “la semaine dernière, plus de cinquante soignants étaient à la maison (pour un Covid, des enfants en quarantaine, un certificat de ras-le-bol, etc“.  Une situation semblable est rencontée à l’Hôpital Erasme : “on a la chance d’avoir un personnel très bien vacciné (on peut encore faire mieux et atteindre les 100%, on n’y est pas encore), mais malgré cette couverture vaccinale on sait que l’on peut être infecté de manière beaucoup plus légère, mais quand on est infecté on ne peut pas travailler. Ce qui pose au jour le jour des problèmes de staffage et d’encadrement des patients. Avec une mobilité, des changements d’horaires, qui sont parfois annoncés le matin-même”, précise le professeur Goffard.

Et cette situation, combinée au besoin croissant de lits et de personnel pour gérer les hospitalisation Covid, impacte réellement les hôpitaux, qui doivent désormais reporter des soins ou changer la planification de leurs blocs opératoires. “c’est problématique en matière de disponibilité des lits, et du personnel. Et cela va devenir encore plus problématique car on va devoir staffer une unité en plus pour la prise en charge des cas Covid, je le prévois pour fin de cette semaine“, explique le responsable des unités Covid, “Il y a de la déprogrammation, on essaie de reprogrammer le plus rapidement possible et de ne déprogrammer que ce qui n’entraîne pas de conséquences sur la santé des patients… C’est ce qu’on parvient encore à faire à l’heure actuelle“.

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Interview du Pr Jean-Christophe Goffard, responsable des unités Covid de l’Hôpital Erasme

Pas de ralentissement à l’heure actuelle

Alors qu’un Comité de concertation a acté, mercredi dernier, de nouvelles mesures sanitaires face à la hausse des cas et des infections, celles-ci ne semblent pas avoir d’impact important, pour l’heure : “Je ne vois pas de ralentissement à l’heure actuelle“, indique Jean-Christophe Goffard.

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Alors, devra-t-on serrer à nouveau la vis avec des mesures plus fortes ? Ou même passer par un reconfinement, comme c’est le cas aux Pays-Bas ou en Autriche ? “Je pense qu’il y a des mesures qui doivent être prises, pour que les soins de santé n’aillent pas dans le mur… Nous allons dans le mur. Il y a quelques mesures qui ont été prises, je ne suis pas compétent pour juger de leur impact, mais je reste inquiet par rapport à la situation“, explique notre expert,

Celui-ci regrette néanmoins que “[alors] qu’on a énormément de personnes compétentes, bienveillantes, parmi les épidémiologistes et les infectiologues qui tentent de modéliser au mieux l’impact des mesures sur l’épidémie, il y a la décision politique. Qui n’est pas toujours basée sur le bien commun, mais souvent sur l’électorat qu’il représente. Finalement, c’est leur job de représenter leur électorat, mais est-ce qu’ils doivent quand même s’appuyer sur le bien commun en priorité plutôt que leur électorat ? C’est ça la question !”.

 

ArBr – Photo : Belga (illustration)

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24 novembre 2021 - 18h00
Modifié le 25 novembre 2021 - 07h16