Procès des attentats de Bruxelles : “Une fois radicalisé, un retour en arrière est très difficile”, affirme un psychologue

La semaine – de trois jours – qui s’ouvre lundi au procès des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles sera marquée par le début de l’audition des témoins de moralité des différents accusés.

Avant que ne se succèdent les témoins de moralité, jusqu’au 25 mai, le psychologue Serge Garcet, expert en déradicalisation et désengagement, a été entendu lundi après-midi. Il a été précédé, dans la matinée, par l’enquêtrice principale Aline Delisée et le professeur Dieter Deforce (UGent), qui a réalisé une contre-expertise d’une analyse ADN d’éléments relevés rue Max Roos.

À la demande de la présidente de la cour, les enquêteurs ont fait plus de lumière sur certains vêtements découverts dans la planque schaerbeekoise. Il a également été question de traces ADN retrouvées dans l’appartement de la rue du Dries à Forest.

Témoignage des familles

Mardi et mercredi, ce sera au tour des témoins de moralité d’Oussama Atar (qui, présumé mort en Syrie, fait défaut à ce procès), Mohamed Abrini et Ali El Haddad Asufi de se succéder à la barre. Les psychiatres qui ont procédé à l’évaluation des accusés viendront également témoigner. Fin avril, plusieurs accusés, dont Mohamed Abrini, avaient cependant émis le souhait que leurs familles ne viennent pas témoigner devant la cour d’assises. “Laissez-leur le choix de venir ou pas. Si eux ont envie, ils viendront“, leur avait alors répondu la présidente, insistant sur l’éclairage que ces témoignages pourraient apporter sur leur personnalité. Elle avait néanmoins assuré aux accusés qu’elle ne délivrerait pas de mandat d’amener pour leurs proches, qui ne seront donc pas forcés de se présenter.

Salah Abdeslam aimerait, lui, que ses proches viennent à la barre mais ceux-ci ne souhaitent pas entreprendre cette démarche, avait-il expliqué.

Jeudi, il n’y aura pas d’audience puisque c’est l’Ascension, un jour férié, tandis que le vendredi constitue traditionnellement un jour de relâche.


09h58 – Nouvelle défection d’un juré suppléant pour maladie

Le dixième juré suppléant, malade, était absent ce lundi matin à l’entame de l’audience. L’homme a été remplacé par le onzième juré suppléant. Le jury est donc désormais réduit à 29 personnes, soit 12 jurés effectifs et 17 jurés suppléants.


10h36 – La famille de Mohamed Abrini ne viendra pas témoigner

Dans une déclaration, la famille de celui qui a renoncé à se faire exploser à l’aéroport de Zaventem explique que venir témoigner serait trop difficile. Elle souligne avoir “toujours assumé ses responsabilités” depuis les faits.

Les proches de l'”homme au chapeau” affirment également “condamner fermement toute violence envers autrui” et font part de leur soutien envers les victimes. La famille de Mohamed Abrini était prévue pour mercredi.


14h41 – L’ADN de El Haddad Asufi, El Makhoukhi et Bayingana Muhirwa sur des vêtements à Max Roos

Les profils ADN des accusés Hervé Bayingana Muhirwa, Ali El Haddad Asufi et Bilal El Makhoukhi ont été détectés sur des vêtements retrouvés dans la planque de la rue Max Roos à Schaerbeek. C’est ce qui ressort de devoirs d’enquête supplémentaires présentés lundi devant la cour d’assises de Bruxelles chargée de juger les attentats terroristes du 22 mars 2016 à Bruxelles.

Les résultats des analyses ADN avaient déjà été présentés il y a plusieurs mois à la cour, mais la présidente Laurence Massart avait demandé des devoirs concernant une dizaine de vêtements retrouvés à la rue Max Roos qui n’avaient pas encore été passés au crible. Des échantillons avaient à l’époque été conservés dans un congélateur pour permettre des analyses futures, qui ont entre-temps été menées par Dieter Deforce, de l’université de Gand.

L’analyse d’un pantalon de training retrouvé dans la cache schaerbeekoise a permis de détecter des traces d’ADN mixte mêlant celui de l’accusé Mohamed Abrini à ceux de Hervé Bayingana Muhirwa et de Bilal El Makhoukhi, a expliqué l’expert Deforce. La probabilité que ces traces appartiennent à ces trois personnes est “extrêmement forte”, selon lui.

La présence de Mohamed Abrini à la rue Max Roos était connue, mais Hervé Bayingana Muhirwa affirme ne jamais s’être rendu dans cet appartement. Plus tôt, son ADN avait déjà été retrouvé sur un coton-tige qui se trouvait dans un sac poubelle de l’entrée. Bilal El Makhoukhi, quant à lui, a déclaré s’être trouvé dans l’appartement à deux reprises, les 16 et 21 mars 2016. Son ADN avait également été retrouvé sur un noyau de datte et une tasse dans la cuisine.


18h12 – “Une fois radicalisé, un retour en arrière est très difficile”

Faire demi-tour après avoir été engagé dans un radicalisme violent est quasiment impossible, car l’engagement est intrinsèquement lié à l’identité de la personne, a estimé lundi le psychologue et professeur de criminologie Serge Garcet (ULiège) devant la cour d’assises de Bruxelles. Une analyse “pessimiste”, a-t-il admis.

Se basant sur la littérature scientifique et différents entretiens qu’il a menés avec des personnes radicalisées, l’expert a passé en revue les différents stades d’un parcours de radicalisation. Le premier stade est celui de la fascination, lors duquel le sujet ressent de la sympathie pour une cause. Arrive ensuite la phase de radicalisation, avec une adhésion identitaire, une recherche de pairs ou encore une polarisation de la vision du monde. Enfin, vient l’engagement et la participation terroriste.

Pour Serge Garcet, il est très difficile de revenir en arrière après avoir été engagé dans un radicalisme violent. “Les mots ne peuvent pas suffire pour un désengagement“, a-t-il affirmé. Le témoin a donné pour exemple une illustration projetée sur l’écran de la cour d’assises. Elle présentait une boule de pâte à modeler blanche mangée par une boule de plasticine noire, censée représenter le radicalisme. Sur la dernière case du dessin, la pâte à modeler est devenue grise et ne peut redevenir blanche, car tous ses éléments sont entremêlés.

Pourtant, certains accusés ont réagi aux témoignages des victimes“, a interrogé la présidente de la cour d’assises Laurence Massart. “Bien sûr, un procès d’assises peut avoir une dimension cathartique“, a répondu M. Garcet. “Et tous les accusés ne sont certainement pas au même niveau de conviction. Ils n’ont pas métabolisé les étapes (de radicalisation, NDLR) au même niveau.”

Comment analysez-vous le renoncement ?“, lui a encore demandé Laurence Massart. “Un comportement est régi par l’anticipation des conséquences positives de ce comportement. S’il y a un renoncement au dernier moment, c’est que l’anticipation a été écornée. Ce sont souvent plusieurs raisons qui se renforcent. Parfois, ce sont des riens qui font qu’on agit ou qu’on n’agit pas.”


19h31 – La défense très critique envers le témoignage du psychologue Serge Garcet

Les avocats des accusés du procès des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles se sont montrés fortement critiques, lors de leurs commentaires, à l’égard du témoignage du psychologue et professeur de criminologie Serge Garcet (ULiège) devant la cour d’assises. Me Delphine Paci, l’avocate de Salah Abdeslam a notamment qualifié l’intervention de “caricaturale” et “peu nuancée”.

Un discours pas très scientifique mais plutôt idéologique. Pas très nuancé, très caricatural“, a réagi la pénaliste. “Monsieur le témoin est capable de nous dire, après avoir mené des entretiens de deux heures, que les personnes qui sont tombées dans le radicalisme violent sont foutues, que c’est une génération sacrifiée. Ce discours-là est particulièrement dangereux, car il fait le lit des discours d’extrême droite. On nous dit, en substance, que ces jeunes, ça ne sert a rien de travailler avec eux, car ils sont de toutes façons foutus. Je vous demanderais de ne pas être naïf et de ne pas retenir cette présentation extrêmement caricaturale.”

De son côté, le parquet a fait remarquer que le schéma de radicalisation décrit par le témoin correspondait au parcours de plusieurs accusés.

Belga