Procès des attentats de Bruxelles : après le portrait d’Atar, la séance de questions/réponses se poursuit

Oussama Atar était bien l’émir du groupe, le commanditaire des attentats commis le 22 mars 2016 à Bruxelles, ont affirmé les enquêteurs jeudi matin devant la cour d’assises de Bruxelles, poursuivant un exposé entamé la veille. La cour a ensuite entamé la session de questions/réponses entre les parties civiles et les premiers intervenants qui ont porté secours aux victimes de Zaventem et Maelbeek.

Revoir | Procès des attentats de Bruxelles : les enquêteurs font le portrait de Sofien Ayari, Salah Abdeslam et Oussama Atar

L’accusé, présumé mort en Syrie, avait intégré une brigade d’élite au sein de l’Etat islamique, la “Liwa as Saddiq (également appelée “Abu Bakr as Saddiq”), ont d’abord retracé les enquêteurs et juges d’instruction. Créée en 2014 par Abou Mohamed al-Adnani et composée de combattants étrangers (Najim Laachraoui et Osama krayem en faisaient semble-t-il également partie), cette cellule opérait sous la tutelle Oussama Atar pour diriger certaines opérations. On lui attribue notamment l’organisation d’attentats terroristes. Quelques-uns de ses membres sont apparus dans des vidéos montrant l’exécution d’otages occidentaux.

En parallèle, il a été mis en évidence qu’Oussama Attar faisait également partie de la Copex, le bureau des opérations extérieures de l’EI. “Sachant la Liwa as Saddq et la Copex, également dirigée par Abou Mohamed Al-Adnani, entretenaient sans soute des liens“, ont souligné les enquêteurs. C’est par le biais de cette structure qu’Oussama Atar va recruter plusieurs membres pour exécuter des missions en Europe. Il est soupçonné par les enquêteurs d’avoir été le lien entre les “entités” de Molenbeek et de Laeken, qui ne se connaissaient pas et donc d’avoir créé la cellule bruxelloise au sens large.

“Le commanditaire des attaques et le preneur de décision”

Il connaissait les frères El Bakraoui, pour être leur cousin, et aurait fréquenté Sofien Ayari, Najim Laachraoui et Osama Krayem en Syrie, selon les enquêteurs. Il avait déjà également croisé Ali El Haddad Asufi chez les frères El Bakraoui.  Alors quel rôle le Belgo-Marocain a-t-il joué dans les attentats de Bruxelles ? “C’était l’émir, la personne de référence pour le groupe, mais aussi le probable commanditaire des attaques et le preneur de décisions“, pointent les enquêteurs. Différents éléments l’attestent comme des documents audio précédemment évoqués au cours des auditions et des mémos laissés par des membres de la cellule terroriste.

Divers devoirs d’enquête ont été menés pour retracer son profil, son parcours de radicalisation et ses agissements terroristes. “Mais l’homme a laissé peu de traces. Il n’avait pas l’habitude de se répandre sur les réseaux sociaux et n’apparait pas dans de la propagande officielle“, précisent les enquêteurs. Une enquête de moralité a également été menée auprès de sa mère et de trois de ses soeurs.

Oussama Atar est présumé mort, à ce jour. Il serait décédé en novembre ou décembre 2017 en zone de combat, néanmoins il fait toujours l’objet de signalements nationaux et internationaux.


11h20 – Les origines de sa radicalisation

L’accusé Oussama Atar a bien montré des signes de radicalisation après sa libération anticipée pour “raisons médicales” en 2012, a déclaré son oncle lors d’un interrogatoire dans le cadre du procès d’assises sur les attentats de Paris, a expliqué le juge d’instruction Olivier Leroux.

L’oncle d’Atar a expliqué que son neveu n’a pas caché son engagement et son fanatisme religieux après son retour en Belgique. Cela se manifeste entre autres dans sa tenue et son apparence, mais aussi dans son attitude envers les femmes et, en particulier, envers la tante d’Atar. Il a également raconté une situation où Atar a mis un paravent devant le téléviseur pour éviter de voir le visage nu d’une femme.

Atar a été immédiatement placé en détention après sa libération anticipée d’Irak pour ” raisons médicales “, le 24 août 2012, lorsqu’il a posé le pied sur le territoire belge. Il a été interrogé puis inculpé de participation aux activités d’un groupe terroriste, mais il a été relâché. Le juge d’instruction Leroux a expliqué que cela s’est produit parce que l’on soupçonnait qu’Atar serait jugé deux fois pour les mêmes faits.

Environ un an plus tard, Atar est parti définitivement en territoire contrôlé par l’État islamique. Il y a gravi les échelons jusqu’à un poste clé au sein de l’organisation, d’où il aurait dirigé les attentats de Paris en 2015 et de Zaventem et Bruxelles en 2016.


11h25 – Pourquoi les enquêteurs pensent que l’accusé Oussama Atar est présumé mort

Deux dirigeants de l’État islamique ont confirmé la mort d’Oussama Atar. Les agences de renseignement étrangères ont également des raisons de croire qu’Atar a été tué. Juges d’instruction et enquêteurs l’ont expliqué jeudi matin. Sa mort n’ayant jamais été officiellement confirmée, il est jugé par contumace.

Oussama Atar était également connu sous les noms militants d’Abu Ahmed et d’Abu Yasir al-Belgiki au sein de l’État islamique. Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l’État islamique décédé en octobre 2019, a mentionné la mort d’Atar dans un discours prononcé en avril 2019. “Abu Yasir al-Belgiki ne doit pas être oublié pour ce qu’il a fait et il faut faire preuve de clémence à son égard. Il fait partie des héros qui n’ont jamais abandonné leur foi“, a déclaré Abou Bakr al-Baghdadi.

Lors d’un interrogatoire mené par l’agence de renseignement américaine FBI, El Shafee Elsheikh a déclaré qu’Atar avait été tué par une attaque de drone américain en 2017. El Shafee Elsheikh, également connu sous le nom de Jihadi Ringo, faisait partie des “Beatles” de l’État islamique : quatre djihadistes à l’accent britannique responsables, entre autres, de la prise d’otages et de la mort du journaliste James Foley. Au cours du même interrogatoire, il a déclaré qu’Atar, qu’il montrait sur des photos, était son supérieur direct à Raqqa en Syrie.


12h55 – Les parties civiles entament leurs questions par des remerciements aux 1ers intervenants

La cour d’assises de Bruxelles a finalement entamé la session de questions/réponses jeudi vers midi. La parole a d’abord été donnée aux parties civiles, toutes celles qui ont pris la parole ont dans un premier temps tenu à remercier les premiers intervenants qui ont porté secours aux victimes de Zaventem et Maelbeek.

Pompiers, policiers, militaires, membres du Sedee, médecins, … les premières personnes à être intervenues sur les deux lieux des attentats sont désormais soumises aux questions des parties.

Après quelques questions techniques du parquet, ce sont des avocats des parties civiles qui ont pris la parole. La plupart d’entre eux ont simplement tenu à remercier ces premiers intervenants, qui “ont porté secours aux victimes”, pour “l’héroïsme dont ils ont fait preuve”.

Sur interrogation, les intervenants ont rappelé que 133 victimes de Maelbeek, blessées à des degrés divers, et 135 à Zaventem, avaient été prises en charge à l’hôpital. Ce nombre ne comprend pas les victimes qui se sont rendues d’elles-mêmes en milieu hospitalier.

Une victime de Zaventem a ensuite clôturé les questions des parties civiles, en mettant en lumière l’attitude des pompiers et militaires, qui ont parfois dû utiliser leurs vêtements pour porter les premiers soins. “Ils ont sauvé des vies en effectuant des garrots avec leur ceinture“, a-t-elle souligné.


15h28 – La bombe d’Osama Krayem, même sans pile, aurait pu exploser

Les avocats de la défense ont pu ensuite également pu poser leurs questions aux premiers intervenants de Zaventem et Maelbeek. Le conseil d’Osama Krayem, Me Stuyck, a notamment questionné le service de déminage de l’armée (Sedee) sur ce qui aurait pu arriver si l’accusé n’avait pas évacué le contenu de sa bombe dans les sanitaires de l’appartement de l’avenue des Casernes.

Le sac à dos aurait-il pu exploser, même sans pile, s’il avait été déposé dans le métro ?“, a-t-elle demandé aux représentants du Sedee. “Il y aurait eu un risque de détonation par sympathie, simplement due à la sensibilité du TATP“, si le sac s’était trouvé à proximité du lieu d’explosion du kamikaze El Bakraoui. Un risque de détonation aurait également existé si le sac, même sans pile, avait simplement été déposé dans l’appartement de l’avenue des Casernes. “Il y a toujours un risque que le TATP commence à se décomposer, et soit donc de plus en plus instable“, a confirmé le major Verburg.

Rappel des faits, profil des inculpés et témoignages de victimes : notre dossier sur les attentats de Bruxelles


18h30 – Quelques questions avant la fin de l’audience

Après une pause, ce sont les témoins des phases 2 et 3 de l’enquête qui ont été mis à disposition des questions. Ils le resteront la semaine prochaine, seul le parquet a pu, avant la fin de l’audience vers 18h30, les questionner.

Sur l’ordinateur portable retrouvé rue Max Roos, ont été retrouvés photos, lettres, documents de propagande, fichiers audio et vidéo, autant d’informations qui ont permis aux enquêteurs de contextualiser l’emploi du temps et les motivations des terroristes. Son exploitation a permis de révéler l’existence d’éléments ouverts antérieurement aux attentats de Paris et Bruxelles. Et parmi ceux-ci, il y avait un pdf appelé “support de cours 2015”, créé le 29 mai 2015, soit bien avant les attentats du 22 mars 2016. L’auteur du fichier est référencé comme “Hervé”.

Dans l’ordinateur personnel et le GSM de l’accusé Hervé Bayingana Muhirwa, plusieurs éléments ont laissé apparaître qu’il suivait des cours de langues arabe et anglaise, ont encore confirmé les enquêteurs, évoquant notamment l’alphabet en arabe et une application d’apprentissage de langue sur son téléphone.

Le parquet a également fait confirmer aux enquêteurs que l’ordinateur retrouvé rue du Dries n’était protégé par aucun mot de passe et qu’aucun dossier n’était crypté; tout était donc libre d’accès à quiconque utilisait l’ordinateur. Sur celui-ci, quantité de documentation djihadiste ainsi que des photographies de vêtements militaires, d’armes et d’identités ont été retrouvées. Il contenait également un sous-dossier “études” reprenant des reportages sur les alertes nucléaires, les centrales nucléaires et les usines à risque, des photos de lieux visés en France et en Belgique, notamment de lycées militaires français, du port d’Anvers, du 16 rue de la Loi, d’une école maternelle et primaire de Houthalen,… Cet ordinateur renfermait également un dossier Salah, comprenant lui-même plusieurs sous-dossiers (“coran”, “Merah”, “attentat”, …). Aucun autre dossier ne portait le nom d’un accusé.

La séance des questions/réponses reprendra lundi. Elle devrait s’étaler sur tout la semaine.

Avec Belga – Photo : Belga/Jonathan De Cesare

Partager l'article

09 février 2023 - 17h00
Modifié le 09 février 2023 - 18h38