Procès des attentats de Bruxelles : plusieurs commerçants en contact avec les terroristes témoignent

L’audience de mercredi au procès des attentats de Bruxelles de 2016 a été suspendue en raison de l’absence de témoins devant être entendus.

La présidente de la cour, Laurence Massart, a requis un mandat d’amener pour deux d’entre eux, les employés d’un magasin de bricolage situé près de la gare du Midi où les produits chimiques utilisés pour confectionner les bombes avaient été achetés.


11h00 – La présidente délivre un mandat d’amener pour deux témoins ne s’étant pas présentés

Ces deux personnes, deux frères, ont été en contact avec l’accusé Osama Krayem et le kamikaze Ibrahim El Bakraoui lorsqu’ils sont venus acheter les produits en question. Sollicité, le parquet fédéral n’a pas souhaité renoncer à leurs témoignages.  On ignore combien de temps sera nécessaire pour amener les deux individus devant la cour d’assises.

En l’absence de témoins, l’audience de mercredi a débuté par la suite de la lecture des auditions du faussaire Farid Kharkhach. Attendu mardi, il ne s’est pas présenté devant la cour, invoquant des raisons médicales. Il a écopé de deux ans de prison en juin dernier en France pour association de malfaiteurs en vue de commettre une escroquerie. Il était alors jugé pour avoir fourni de faux papiers à la cellule djihadiste responsable des attentats qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis.

Il ressort de ses auditions que le kamikaze du métro Khalid El Bakraoui l’avait contacté pour commander de faux papiers. Trois accusés faisaient par ailleurs défaut dans le box des accusés: Ali El Haddad Asufi, malade, ainsi que Osama Krayem et Bilal El Makhoukhi qui ont tous deux exprimé leur souhait de retourner au cellulaire.


12h57 – La localisation et les séquelles des victimes vivantes de Zaventem présentées à leur tour

Face à l’absence persistante des témoins à l’audience, la présidente de la cour d’assises a finalement souhaité gagner du temps sur le programme de jeudi. Elle a ainsi demandé à la cheffe d’enquête Aline Delisée de commencer à présenter sa partie – consacrée à l’aéroport de Zaventem – du retour d’un devoir d’enquête visant à localiser précisément sur les lieux des faits les 695 victimes non décédées lors des attaques et d’identifier les séquelles physiques et psychologiques qu’elles ont subies.

Une première partie de cette présentation avait déjà eu lieu la semaine dernière. Le coordinateur d’enquête Gregory Moitroux était venu dresser la liste des 166 victimes vivantes de l’explosion dans la station de métro Maelbeek.

Sa collègue Aline Delisée en a fait de même mercredi pour les 529 personnes présentes à l’aéroport de Zaventem. Ce devoir d’enquête étant basé sur les auditions des victimes réalisées juste après les faits, la localisation de certaines d’entre elles n’a pas pu être établie avec certitude. Pour d’autres, ce sont les séquelles qui n’ont pas pu être déterminées, a-t-elle expliqué.

Les dégâts dans le hall des départs de l’aéroport de Bruxelles, à Zaventem, le mardi 22 mars 2016. Belga/Viriginie Lefour

L’exposé a commencé, là aussi, par quelques corrections concernant certaines des victimes. La cheffe d’enquête a notamment pointé des erreurs dans l’orthographe de quelques noms de famille ou de prénoms. Elle a également rectifié quelques dates de naissances erronées et précisé que huit personnes étaient décédées depuis.

Parmi ces décès figure notamment Shanti De Corte, adolescente au moment des faits et qui avait été euthanasiée en mai 2022, à l’âge de 23 ans, à la suite de ses souffrances psychologiques. La présidente de la cour a d’ailleurs ordonné précédemment un devoir d’enquête visant à déterminer, sur base d’un rapport psychiatrique, s’il existe un lien entre ce décès et l’attentat. Dans un tel cas de figure, il ne serait plus question d’une tentative d’assassinat terroriste à son encontre mais bien d’assassinat terroriste.

La présidente a indiqué réfléchir à ordonner un devoir d’enquête similaire pour certaines des huit autres personnes décédées depuis lors.

Une fois ces précisions apportées, Aline Delisée s’est attelée, durant environ une heure et demie à égrainer un à un les noms et séquelles de chacune des victimes vivantes de la double explosion à l’aéroport de Zaventem, en commençant par celles qui se trouvaient dans l’ancien hall des départs puis celles qui étaient dans le hall principal.

Nombre d’entre elles ont subi de multiples lésions graves, des lésions tympaniques ou des blessures légères. La plupart de ces personnes souffrent cependant de troubles psychiques ou de traumatisme psychologique voir de stress post-traumatique (sévère). Beaucoup d’autres n’ont, par contre, déclaré aucune blessure.

La présentation a été suspendue vers 12h30, à mi-parcours. Elle reprendra normalement jeudi.


17h13 – Plusieurs commerçants en contact avec les terroristes sont venus témoigner devant la cour

Plusieurs commerçants ayant été en contact avec les terroristes responsables des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles sont ensuite venus témoigner. Outre les employés d’un magasin de bricolage, que la présidente a forcés à venir témoigner à la demande du parquet fédéral, se sont notamment présentés un employé d’un restaurant rapide asiatique, une vendeuse d’un magasin d’électronique, celle d’un magasin d’intérieur où les terroristes ont acheté des poubelles et une pharmacienne.

Peu d’éléments sont ressortis de ces différents témoignages, souvent fort courts.  Une vendeuse travaillant dans une boutique d’électronique à Schaerbeek, où Najim Laachraoui a acheté les composants électroniques nécessaires à la fabrication des détonateurs des bombes, a expliqué que ses achats n’avaient rien d’inhabituels. “La vente de boutons poussoirs et fils électriques, c’est tout à fait habituel. Le ticket de caisse que les enquêteurs m’ont présenté était tout à fait normal“, a-t-elle estimé.

Une pharmacienne de Schaerbeek a, quant à elle, été interrogée sur les achats effectués par Ibrahim El Bakraoui en mars 2016. Elle s’est rappelée lui avoir vendu une pommade anti-inflammatoire et des pansements destinés à être appliqués sur une brûlure. Selon les déclarations de Mohamed Abrini, un incendie avait eu lieu le 14 mars dans l’appartement de la rue Max Roos, où ont été confectionnés les explosifs. Osama Krayem avait alors été brûlé au visage.  Il s’agissait d’une crème pour des brûlures et non pour lutter contre des champignons, a-t-elle répondu à une question d’un juré. L’accusé suédois avait nié s’être brûlé et assuré que sa blessure avait été causée par “des champignons autour de la bouche“.

Une vendeuse du magasin Blokker du centre commercial City 2 est ensuite venue expliquer qu’un des deux frères El Bakraoui était venu acheter des poubelles dans son magasin le 19 mars et qu’il cherchait spécifiquement des modèles métalliques. Il souhaitait également acquérir des valises afin d’y placer les poubelles et la témoin l’a alors conseillé de se rendre chez Sports Direct, un magasin d’articles de sport se trouvant dans le même centre commercial. Un agent de sécurité du magasin en question a d’ailleurs lui aussi été entendu par la cour et a raconté que son interlocuteur cherchait en effet une valise ou un sac dans lequel il pourrait mettre la poubelle. Ces deux témoins se sont souvenus d’un client normal, poli et s’exprimant en français.

Avant eux, c’est le collaborateur d’un restaurant rapide thaïlandais se trouvant dans le quartier Stalingrad, près de la gare du Midi, qui avait témoigné. Les frères El Bakraoui étaient des fidèles de l’enseigne, s’est-il souvenu, ajoutant qu’il ne les connaissait cependant pas personnellement. Ils venaient régulièrement y manger, voire y prier dans une partie du restaurant se trouvant au sous-sol et pas toujours utilisée. À côté du restaurant se trouvait, à l’époque des faits, un phone-shop auquel ont eu recours les terroristes, selon les éléments de l’enquête. Le témoin a également indiqué qu’il connaissait les frères Farisi, deux accusés qui comparaissent libre à ce procès, car il était originaire, tout comme eux, du quartier anderlechtois du Peterbos. Mais les deux frères ne venaient jamais manger dans le restaurant asiatique, a-t-il ajouté. Une affirmation qui contredit une déclaration précédente de ce collaborateur, a pointé le procureur fédéral Bernard Michel. Ce qu’a réfuté avec véhémence Smail Farisi, contestant avoir été dans ce restaurant. “Et je ne suis pas terroriste non plus. Je n’ai rien à faire ici! Je n’ai jamais tué qui que ce soit. Je dois à tous prix défendre ma condition d’innocent. J’ai ma position à défendre“, a-t-il insisté.

Rédaction avec Belga