Olivier Luminet : “Quand le message est incohérent, les gens sont désemparés”
57% des Belges sont fortement motivés pour suivre les mesures sanitaires selon le 38e baromètre de la motivation réalisée par l’UCLouvain. Seulement, les mesures prises par le Codeco risquent d’entamer cette motivation. Olivier Luminet, psychologue, ne laisse pas de doute possible.
Est-ce que vous pensez que cette prise de décision est un risque de voir la population décrocher dans l’adhésion?
C’est un risque et c’est dommage car on voyait dans le baromètre qu’elle remontait cette adhésion. La cohérence était présente, mais là on la retrouve. A chaque fois que nous avons une incohérence, cela se répercute sur le baromètre. Le niveau d’adhérence diminue et si les gens ne croient plus aux mesures, ils font moins attention et cela augmente la transmission.
Est-ce que cela signifie que les personnes vont moins faire attention et que les non-vaccinés pourraient se dire que se vacciner ne sert à rien puisqu’on referme quand même des secteurs?
Ce qui est sûr, c’est qu’il y a plusieurs facteurs qui jouent pour les gestes barrière. C’est la perception du risque et elle remonte avec Omicron, mais il y a aussi les décisions politiques. Quand le message est incohérent, les gens sont désemparés, voire en colère et ils font moins attention. Le risque est considérable ici je le crains.
On a toujours parlé de l’importance d’une communication claire et cohérente. Aujourd’hui, on entend des ministres dire qu’ils ne soutiennent pas les mesures, nous sommes à l’opposé de la cohérence.
Complètement et ces sorties après sont problématiques. Elles rendent le message inaudible. Il y a un consensus qui doit être respecté, mais le message pour le prochain Codeco est de dire faites attention à ce genre de décision et pensez qu’il est nécessaire quand on fait des sacrifices, qu’ils sont justes et équitables dans tous les secteurs, surtout quand il n’y a pas de raisons épidémiologiques.
Dans le nouveau baromètre, la motivation remontait même si on note une différence entre les personnes vaccinées et les non-vaccinées.
Pour les gestes barrière, les personnes non-vaccinées les suivent moins alors qu’elles sont plus à risque, mais elles n’ont pas cette vision. Par contre, on remarque que les gens vaccinés ou non, ont décidé de réduire leur nombre de convives pour les fêtes. On n’observe pas de différence et on a été surpris du niveau de conscience. La grande majorité des gens restent en dessous de 10 personnes.
Vous avez aussi posé la question de la vaccination des enfants. Sans surprise, les parents non-vaccinés ne souhaitent pas faire vacciner leur enfant, mais chez les personnes vaccinées, l’hésitation est importante aussi.
C’est assez logique, car cela vient d’arriver. C’était la même chose pour la vaccination des adultes. Ici, ce ne sont que des parents qui ont répondu et on voit des hésitations par rapport à l’efficacité et aux risques d’effets secondaires. On est seulement à 40% des parents vaccinés qui sont prêts à faire vacciner leurs enfants. Je pense qu’il y a besoin d’une information très claire et que des pédiatres expliquent le coût bénéfice pour les enfants. Il faut être pédagogique.
■ Interview d’Olivier Luminet, psychologue et chercheur à l’UCLouvain, par Vanessa Lhuillier