Pénurie de médecins généralistes : la situation bruxelloise est en cours d’évaluation

La cartographie la plus récente de la répartition des médecins généralistes à Bruxelles remonte à 2018. Elle résulte d’une étude menée par l’Observatoire de la santé et du social. Ce cadastre est actuellement en cours de mise à jour. Son actualisation, attendue pour la fin de l’année, est nécessaire si l’on veut analyser avec précision les besoins en effectifs de la capitale. 

Le 16 février dernier, dans le “Journal du médecin”, Anne Gillet présidente honoraire du GBO (Groupement belge des omnipraticiens, le plus important syndicat de médecins généralistes) était alarmiste. Elle mettait en garde les autorités sur la pénurie qui s’annonce à Bruxelles. Déjà en 2018, les chiffres publiés par l’Observatoire de la santé et du social n’étaient pas rassurants.

Quatre ans plus tard, ils servent toujours de référence, faute d’actualisation. Et la situation pourrait être plus grave encore aujourd’hui. Sarah Missinne, co-auteure du rapport, cite une enquête réalisée sur les conditions de travail des médecins généralistes pendant la crise sanitaire. Les conclusions sont sans appel : la charge de travail a explosé, générant stress et burn-out, des praticiens qui quittent le métier. « Je n’ai pas l’impression que cela va évoluer dans le bon sens. »

Zones de pénurie

En 2018, l’Observatoire avait travaillé sur base du chiffre de 1.468 médecins généralistes enregistrés à Bruxelles par la Fédération des associations de médecins généralistes de Bruxelles (FAMGB), soit un médecin par 817 habitants, et 1,23 pour 1000. Pas de pénurie donc : selon la norme établie par le Fédéral, il y a pénurie dès lors que le nombre de médecins passe sous la barre des 90 pour 100.000 habitants (0,9 pour 1000).

Mais une analyse plus fine permettait de montrer que certains quartiers étaient à risque ou en situation de pénurie. Ils se répartissaient sur l’ensemble du territoire régional. Le manque de praticiens était particulièrement critique dans certaines zones d’Anderlecht, de Forest et de Laeken, avec des poches sans aucun médecin. Idem dans des zones plus centrales : Ville de Bruxelles, Saint-Josse, Jette, Auderghem, Uccle, Woluwe-Saint-Pierre. « Dans chaque commune, il y a des zones de pénurie », commente Sarah Missinne. Certaines étaient plus concernées que d’autres.

 

33 quartiers étaient considérés comme à risque de pénurie.

En outre, dans les données de l’Observatoire, il apparaissait également que 45% des généralistes bruxellois avaient plus de 55 ans. Les quartiers les plus concernés par les médecins plus âgés étant le Nord (Laeken), Anderlecht et Uccle. « C’est sans doute pire aujourd’hui », observe Sarah Missinne. Combien de médecins ont entre-temps quitté le métier ?

« Les cartes ne montrent que l’offre des médecins généralistes. Mais celles-ci ne prennent pas en compte les besoins en soin de santé de la population. À Bruxelles, 20 à 25 % de la population n’a pas de médecin pour raison financière. Ce non-recours aux soins est en moyenne beaucoup plus élevé à Bruxelles qu’à l’échelle du pays », ajoute Sarah Missinne.

Enfin, l’Observatoire avait planché sur les besoins de soins par quartier et élaboré pour ce faire plusieurs scénarios. « Le nombre de quartiers où une possible pénurie de médecins généralistes est identifiée, varie entre 41 et 67 en fonction du ‘scénario’ lorsqu’on tient compte du besoin de soins », relève le rapport de l’Observatoire dans ses conclusions.

Quels besoins sur le terrain ?

Selon Michel De Volder de la Fédération des associations de médecins généralistes de Bruxelles (FAMGB), 1.428 médecins francophones sont répertoriés aujourd’hui à Bruxelles, auxquels il faut ajouter 177 néerlandophones. « Mais le problème est de savoir qui exerce le métier et dans quelle proportion. » Certains médecins ne sont pas praticiens à plein temps, mais combinent leur pratique avec d’autres activités médicales (médecin conseil, ONE, planning familial, etc) « Ils sont dans notre base de données, mais qu’est-ce que cela veut dire en réalité ? Cela signifie-t-il que nous avons assez de médecin pour recevoir des patients ? En d’autres termes, y a-t-il une pénurie de médecins diplômés ou une pénurie de pratique ? »

Bref, selon Michel De Volder, impossible de savoir s’il y a aujourd’hui adéquation entre le nombre de médecins diplômés et les besoins sur le terrain. « Il faut aller plus loin. Nous allons remettre sur le métier le cadastre réalisé avec l’Observatoire, de manière à pouvoir apprécier cette pénurie, annoncée ou réelle. »

« La pénurie est en train de s’installer. Elle n’est pas générale mais elle touche certains quartiers », complète Lawrence Cuvelier, vice-président du GBO. Selon lui, le pire est à venir, puisqu’« en raison de la répartition des quotas entre francophones et néerlandophones, on va avoir de plus en plus de mal à trouver des médecins qui sortent de nos universités. »

Or, l’Observatoire de la santé et du social indiquait en 2018 que « pour s’approcher du nombre actuel de médecins généralistes, on aura besoin de 486 médecins généralistes supplémentaires d’ici 2027, et de 835 médecins généralistes supplémentaires d’ici 2037. » Des chiffres qui ne tiennent pas compte de la volonté de certains parmi les plus jeunes générations de travailler moins, pour un meilleur équilibre entre leur vie privée et leur vie professionnelle.

S.R.