Les mesures prises seront-elles suffisantes ? Questions-réponses avec Yves Coppieters

Ce vendredi, le Comité de concertation décidait d’un passage en (presque) confinement. Ces mesures seront-elles suffisantes pour aplatir la courbe, et éviter le pire dans les hôpitaux ?

Questions-réponses avec Yves Coppieters, médecin épidémiologiste et professeur de santé publique à l’Ecole de santé publique de l’ULB.

Les mesures prises hier sont-elles suffisantes ?

Yves Coppieters : Ce sont des mesures fortes, ils ont parlé d’un confinement strict, renforcé. On est quasiment dans les conditions du confinement du printemps dernier, si ce n’est que ce n’est pas un vrai lockdown, dans le sens que les déplacements sont toujours autorisés. On sait que c’est ça, la difficulté, d’abord au niveau social, et on peut le comprendre qu’ils aient conservé cette possibilité. Mais on sait que cela favorise aussi les activités et les relations sociales.

Et donc, on n’est pas dans un confinement très sévère, on est dans un confinement strict dans lequel les déplacements sont autorisés. Est-ce qu’on n’aurait pas pu mettre un peu le frein là-dessus ? On verra si ce n’est pas une erreur, ou en tout cas si cela ne va pas prolonger cette période de confinement.

Si les mesures actuelles ne portent pas suffisamment leurs fruits, c’est sur le critère des déplacements qu’on va jouer ?

Yves Coppieters : Je pense. Si vous reprenez le scénario de mars dernier, vous vous souvenez qu’on ne pouvait pas circuler en dehors de notre commune, ou qu’il fallait justifier nos déplacements essentiels. Et fatalement, cela limite les possibilités. Actuellement, les gens peuvent encore circuler librement, et tant mieux bien sûr, mais malheureusement cela permet de mener toute une série d’autres activités, aller voir des gens, etc. Et ça, cela devient compliqué si les gens ne comprennent pas qu’il faut rester en confinement, rester chez eux et vraiment limiter les activités sociales.

Une réévaluation aura lieu le 1er décembre par rapport aux commerces non-essentiels. Trouvez-vous que ce délai-là est raisonnable ?

Yves Coppieters : Le délai est sans doute très bien par rapport à l’évaluation : c’est-à-dire que dans quatre semaines, et six semaines sûrement, on aura une information claire sur l’efficacité des mesures. Je vous le rappelle : on attend quand même déjà une efficacité des mesures antérieures, celles du 19 octobre puis celles des jours suivants, et puis maintenant celles qui vont commencer lundi. Il y a toute une série de stratégies qui doivent à un moment donné donner des résultats sur la diminution des transmissions. Et en tout cas, fin novembre-début décembre, on aura ces informations, ça c’est sûr. Et si, malheureusement, la situation est mauvaise, il faudra renforcer les choses ; si la situation est bonne, il faudra réévaluer si on la maintient encore dans le temps, ou si l’on peut déjà relâcher certaines activités.

Est-ce que, d’ici 4 à 6 semaines, on pourra déjà retrouver une situation un peu plus normale ? Avoir, par exemple, des fêtes de fin d’année un peu plus normales ?

Yves Coppieters : Dans 4-6 semaines, on ne va pas retrouver une situation normale, malheureusement, puisqu’on est toujours dans la phase ascendante de ce rebond. Il faut attendre un plateau, et il faut attendre ensuite que les transmissions diminuent, une phase descendante. Et cette phase prend toujours plus de temps, malheureusement, que la montée. On sait que cette phase, on l’a vécue, elle prend au moins 1 mois, 1 mois et demi, au moment où les transmissions se mettent à diminuer, et que les mesures sont efficaces. Si vous vous projetez simplement sur un calendrier, cela nous mène facilement à la mi-décembre.

Il faudra être un peu patient. Et peut-être espérer des fêtes, pas comme d’habitude, mais en tout cas peut-être plus normales que les mesures actuelles. Mais malheureusement, la situation épidémique sera toujours présente.

Est-ce que les mesures annoncées hier vont permettre d’éviter une situation catastrophique dans les hôpitaux ?

Yves Coppieters : La situation dans les hôpitaux est déjà catastrophique, malheureusement. Si l’on regarde les chiffres du jour, l’augmentation des hospitalisations se confirme. Et on ne voit pas encore ce frémissement de la diminution. Oui, la situation est catastrophique, on prend des mesures fortes avec du retard, soyons réaliste, par rapport à d’autres pays européens. On ne va pas éviter, malheureusement, la situation catastrophique dans les hôpitaux.

Donc il faut des solutions alternatives pour les hôpitaux, ça se passe par des hospitalisations en dehors de l’hôpital, à domicile, dans des hôpitaux de campagne, dans des ailes de maisons de repos qui ne sont pas utilisées actuellement. Cela nécessite des ressources complémentaires, parce que malheureusement la saturation des 2.000 lits de soins intensifs, elle est prévue dans 7 jours. 

La réouverture des écoles est prévue le 16 novembre. Vous pensez qu’elles pourront rouvrir à cette date-là ?

Yves Coppieters : L’épidémie sera encore très forte à ce moment-là. Donc, ce sera le choix de quelles activités sociales on reprend, et qui sont prioritaires pour la société et pour les enfants.  Sans doute que l’école fondamentale, maternelle et primaire, va reprendre, ainsi que le secondaire inférieur, sans doute en présentiel. Et l’on voit déjà que nos décideurs sont en train de plancher sur des solutions de brides, à partir de la 3e secondaire, parce que ce sont des jeunes qui sont plus à risque de contamination, de transmission, et parce que, peut-être ce sont des jeunes qui sont plus matures pour un enseignement hybride, mélange de présentiel et de distanciel. Avec j’espère un accompagnement particulier en présentiel pour les jeunes qui ont le plus souffert de cette situation en terme de scolarité.

 

■ Interview d’Arnaud Bruckner

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31 octobre 2020 - 15h24
Modifié le 01 novembre 2020 - 15h56