Les magasins de seconde main souffrent de la concurrence en ligne

Acheter de la seconde main est devenu un véritable phénomène de mode. Certaines plateformes de revente profitent de cette tendance, au détriment des entreprises d’économie sociale. Emilie Pommereau, journaliste chez Alter Echos, est l’invitée de 12h30.

Les changements climatiques mènent à des changements dans nos habitudes de consommation : 65% des Belges se tournent vers la seconde main pour leurs vêtements. Si la tendance pourrait être bénéfique pour les entreprises d’économie sociale, comme Les Petits Riens, ce sont finalement les plateformes de revente en ligne qui sont les gagnantes de ce changement de mentalité. La raison principale ? Les citoyens préfèrent revendre leurs vêtements plutôt que les donner.

Emilie Pommereau, journaliste chez Alter Echos et coach en rangement, a souhaité enquêter sur ce phénomène. Son questionnement part de la lecture d’un livre : “Le consumérisme à travers ses objets” de Jeanne Guien. Dans ce livre, elle découvre que les objets peuvent facilement devenir des déchets. Une réalité qui touche également les vêtements : “Les vêtements polluent dans tous les sens du terme. Ils polluent l’environnement, mais aussi les intérieurs. C’est un objet qui prend beaucoup de temps et d’énergie“, explique la journaliste. Que ce soit pour les acheter, pour les entretenir, ou même pour s’en débarrasser, la situation reste la même. Alors, les citoyens se tournent vers des solutions plus simples pour s’en séparer et pour s’en procurer, comme les plateformes en ligne.

Une augmentation des achats et de la revente en ligne, qui touche directement les magasins physiques de seconde main, comme Les Petits Riens. “Si tout le monde revend ses plus belles pièces sur Vinted, que reste-t-il pour les magasins de seconde main qui vivent de dons ?“, continue Emilie Pommereau. Dans ces magasins physiques, “on ne parle plus de seconde main, mais de troisième ou quatrième main“, poursuit-elle. Les vêtements sont dès lors donnés uniquement lorsqu’ils sont réellement abîmés. Emilie Pommereau parle de “dons poubelle“, augmentant la charge de travail pour les entreprises d’économie sociale. Un tri supplémentaire doit être réalisé, et 20% des dons finissent immédiatement à la poubelle. Pour ces entreprises qui ont une ambition sociale (logement, nourriture, réinsertion), cette perte de matériel à vendre peut s’avérer vraiment problématique. Au final, ce ne sont que 5 à 10% des dons qui finissent dans les boutiques.

En dehors des plateformes de revente, certains grands magasins proposent également de ramener les vêtements chez eux. Comme le souligne la journaliste, les acteurs privés s’emparent du marché de la seconde car ils ont compris que celui-ci pesait déjà 86 milliards d’euros et devrait encore exploser davantage dans le futur. De plus, cela permet aux grands noms de la fast-fashion de refaire l’image de leur marque, en s’adaptant à la prise de conscience des consommateurs sur l’impact environnemental de l’industrie du textile.

Pour la journaliste, il est important que les citoyens fassent attention à qui se cache réellement derrière le marché de la seconde main. De plus, sur les plateformes de revente, le travail fourni par les revendeurs (prise de photo, écriture de la description, négociations, etc.) n’est pas rémunéré, contrairement aux personnes travaillant dans les entreprises d’économie sociale.

■ Interview d’Emilie Pommereau, journaliste chez Alter Echos, par Fanny Rochez et Murielle Berck

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21 septembre 2022 - 14h25
Modifié le 21 septembre 2022 - 14h25