La maison de repos, bientôt un produit de luxe
Le prix des maisons de repos s’est envolé entre 1998 et 2018, comme l’a récemment révélé une étude réalisée par la fédération des CPAS, centrée sur la Région wallonne. Pour Bruxelles, il n’existe plus de statistiques officielles depuis 2014 mais tout porte à penser que la tendance est sensiblement la même, voire plus critique encore.
A Bruxelles, le prix de base d’une chambre dans une maison de repos est de 48 euros par jour en 2017, contre 36,3 euros en 2007, soit une augmentation de 32%, alors que l’augmentation de l’inflation sur la même période n’est que de 19,3 %, selon Jean-Marc Rombeaux, conseiller à la fédération des CPAS de Bruxelles et Wallonie et auteur de l’étude wallonne. Cet économiste spécialiste des questions liées aux aînés a en effet rassemblé et analysé des chiffres issus de différentes enquêtes, concernant les établissements gérés par le secteur public en Région bruxelloise. Et au prix de base, il faut bien souvent ajouter une série de suppléments : buanderie, médicaments, soins paramédicaux, etc.
Du côté du privé commercial, les tarifs pratiqués n’ont plus fait l’objet d’enquête depuis 2007 or la flambée des prix, comme le montre l’étude wallonne, se marque particulièrement entre 2013 et 2018. Mais la tendance à la hausse est incontestable. « Dans les dossiers de demande d’agrément, les tarifs indiqués tournent fréquemment autour des 70-80 euros. », commente Jean-Marc Rombeaux.
Sur leur site internet, les grands groupes comme Orpéa ou Armonea, donnent une idée de leurs tarifs : ceux-ci varient en fonction des quartiers et des services proposés, notamment. Et ces variations peuvent être importantes.
Prenons les maisons de repos gérées par le groupe Orpea à Bruxelles : sur 21 établissements, le tarif des chambres simples varient de 44 euros à plus de 100 euros par jour pour des établissements qui offrent cinéma, piano bar, salle de bridge, jardin, coiffeur, pédicure. Mais seules trois maisons de repos restent sous la barre des 50 euros par jour alors que plus de la moitié sont au-delà des 60 euros par jours.
« Cela joue d’autant plus à Bruxelles que 62 % des lits sont gérés par le secteur commercial. », ajoute Jean-Marc Rombeaux. Tandis que la Région wallonne a imposé une régulation sectorielle pour plafonner le développement du privé à maximum 50% des lits.
Du côté du public, les variations peuvent être importantes aussi. L’un des établissements gérés par le CPAS de la Ville de Bruxelles, propose des chambres à 74 euros par jour. Le bâtiment date de 2017 et les services ainsi que « le projet de vie » proposés expliquent ces prix, selon son directeur adjoint.
Pourquoi une telle augmentation des prix ?
Plusieurs facteurs l’expliquent :
- L’augmentation du prix du foncier et de l’immobilier, plus forte encore à Bruxelles qu’en Wallonie, explique l’augmentation des prix dans les nouvelles constructions.
- Une série de normes s’appliquant aux maisons de repos, en matière de sécurité et de confort, ont été renforcées. Ces aménagements, souvent coûteux, se répercutent sur les tarifs. A titre d’exemple : depuis 2009, dans les nouvelles constructions, la surface des chambres doit atteindre minimum 15 m² (au lieu des 12m² minimum en vigueur précédemment)
- L’équipement standard des chambres a été revu lui aussi ces dernières années, incluant désormais salle de bain privative, frigo, wifi, télévision, etc.
- Enfin, la disparition des petites structures au profit de grands groupes, davantage soumis à une logique de rentabilité, a eu des répercussions sur les prix demandés aux résidents. «Pour une série d’investisseurs, les placements d’argent en maisons de repos sont devenus très rentables. », explique encore Jean-Marc Rombeaux.
Cela résulte du fait que beaucoup de petits établissements privés ont été étranglés par les nouvelles normes de sécurité et de confort, selon Vincent Frédéricq, secrétaire général de la Femarbel (Fédération des maisons de repos du secteur privé commercial). Par ailleurs, le coût du mètre carré a augmenté de 30 %. Quant à la rentabilité, elle vaut surtout pour les grands groupes, et pour les sociétés de gestion immobilières.
Les tarifs pratiqués expliquent en partie le taux d’occupation des établissements, en baisse depuis 2015, selon la Femarbel. C’est dans le privé commercial que la baisse est la plus flagrante.
Selon Vincent Frédéricq, la sous-occupation de certains établissements pourrait entraîner une baisse de prix. Christian Dejaer, à la Gibbis (qui représente les maisons de repos du privé associatif), tempère : sur 15.500 lits disponibles à Bruxelles, 1000 sont inoccupés.
La maison de repos devient-elle un produit de luxe ?
Selon les chiffres d’Infor-Home Bruxelles, seuls deux maisons de repos et maisons de repos et de soin (MR/MRS) proposent des chambres entre 901 et 1100 euros par mois, soit entre 29,6 et 36 euros par jour. Il s’agit de deux structures privées commerciales, situées à Berchem-Sainte-Agathe et à Saint-Gilles. Les Homes des CPAS de Koekelberg et Saint-Gilles se trouvent dans la tranche suivante (1101-1300 euros, soit 36 euros et 42 euros) ainsi que quatre MR/MRS du privé commercial. Le plus grand nombre d’établissements des CPAS (14) se situent dans la tranche 1501-1700 euros (49-55,8 euros par jour). Pour le privé associatif (qui gère 13 % des maisons de repos à Bruxelles), la majorité des structures (13) pratique des tarifs entre 1701 et 2000 euros (55,8-65,7 euros par jour). Quant au privé commercial, la majorité des établissements (45) est au-delà des 2000 euros par mois (65,7 euros par jour).
L’évolution de ces cinq dernières années montre que l’augmentation des prix se marque surtout depuis 2016, avec une augmentation du nombre d’établissements pratiquant des tarifs supérieurs à 2000 euros par mois. Entre 2014 et 2018, le nombre d’établissements aux tarifs inférieurs à 1500 euros a diminué, le nombre d’établissements aux tarifs supérieurs 2000 euros par mois à augmenté.
Info-Home le constate : pour des raisons financières, accéder à une maison de repos est de plus en plus difficile pour un nombre grandissant de Bruxellois de la classe moyenne. Avec toutes les complication que cela peut impliquer en terme de santé et soins, indique également Jean-Marc Rombeaux. Le prix n’est toutefois pas le seul frein. De plus en plus de seniors souhaitent rester à domicile le plus longtemps possible.
Sabine Ringelheim – Rédaction web